Toll Collect est en pleins préparatifs. La société chargée de collecter le péage autoroutier introduit en Allemagne en 2005 pour les seuls camions sur les autoroutes et les quatre voies du pays, se prépare à l’extension de la taxe à l’ensemble du réseau routier national à compter du 1er juillet. La réforme concernera 35 000 entreprises de transport et 140 000 véhicules supplémentaires. Selon les prévisions du gouvernement, la « Maut », comme on appelle cette taxe dans le pays, devrait concerner à l’avenir quelque 1,6 millions de camions (8 % de plus qu’à l’heure actuelle). Cette mesure décidée par le gouvernement sortant, doit s’appliquer à 36 000 km supplémentaires de routes nationales. La « Maut » s’applique à l’heure actuelle à tout camion de plus de 7,5 t sur 12 800 km d’autoroutes et 2 300 km de quatre voies. Les camions d’un tonnage compris entre 3,5 t et 7,5 t en sont exemptés, tout comme les bus. à compter du 1er juillet, les entreprises de transport routier devront ainsi s’acquitter d’un péage sur 51 000 km du réseau routier allemand.
Le péage pour les camions représente une source non négligeable de financement pour le budget fédéral. En 2014, l’état a collecté ainsi 4,5 Md€ et le gouvernement mise sur jusqu’à 2 Md€ de recettes supplémentaires par an. Selon les promesses gouvernementales, cette nouvelle manne doit en totalité servir à financer l’entretien d’un réseau très délabré par le déficit d’investissement des années passées. « Le péage permettra de maintenir l’investissement dans le réseau. C’est plutôt positif, se félicite Adolf Zobel, secrétaire général adjoint de la fédération des transporteurs BGL. Le problème est qu’on ne sait toujours pas quel sera son montant exact par kilomètre. En 2005, nous n’étions pas opposés à l’introduction du péage autoroutier, car son montant a été en partie compensé par une diminution de l’impôt sur les véhicules et autres mesures d’harmonisation. Mais depuis quelques années, le montant de la Maut a considérablement augmenté, plus de 40 %. Là, on n’est plus d’accord, d’autant que la hausse a été décidée en pleine crise financière. Nous ne pouvons pas répercuter une hausse équivalente sur les prix à nos clients ».
Au-delà de ces incertitudes, la fédération redoute que le montant du péage sur les routes nationales ne soit à l’avenir supérieur à l’actuelle Maut pratiquée sur les autoroutes, ce qui pourrait avoir de graves conséquences sur l’économie régionale du pays. Les opposants à l’extension de la Maut font valoir que les entreprises installées loin d’une autoroute seraient désavantagées par rapport à leurs concurrentes installées, elles, le long d’un axe autoroutier. La conséquence pourrait en être une délocalisation de sites de production de zones enclavées vers les grands axes autoroutiers.
L’un des gros sujets de préoccupation des transporteurs allemands concerne les salaires, et le paquet de mobilité, en discussion au parlement européen. Confrontée à la concurrence directe des entreprises d’Europe de l’Est, l’Allemagne attend avec inquiétude les nouvelles directives européennes. « Le salaire d’un conducteur Est-européen, Bulgare ou Roumain, est inférieur à 50 % du salaire des conducteurs français ou allemands, rappelle Adolf Zobel, vice-président de la fédération des Transporteurs BGL. « En Allemagne même, l’introduction du salaire minimum général en 2015 n’a pas forcé des augmentations salariales de la branche : généralement, le niveau des salaires conventionnels de l’industrie de transport allemande est supérieur au salaire minimum. Mais il reste de grandes disparités régionales. Contrairement à des branches telles que la métallurgie, les négociations collectives dans les transports se font au niveau régional et non au niveau national. Les différences de salaires peuvent atteindre près de 50 % entre les régions de l’Est et la Bavière ou la Rhénanie, où les niveaux de rémunération sont beaucoup plus élevés ».
En moyenne, les débutants touchent rarement plus de 1 800 euros bruts par mois. Mais certains chauffeurs de transports spéciaux peuvent toucher jusqu’à 4 500 € et 5 000 € en fin de carrière. De tels niveaux de rémunération restent toutefois exceptionnels. Le salaire moyen d’un chauffeur de camion est de 28 703 € bruts par an, 12 000 € de moins dans les PME du secteur. Dans la branche, rares sont ceux qui dépassent le cap des 40 000 € au cours de leur carrière.
La pratique de salaires plus élevés dans les régions industrielles du sud et de l’ouest du pays ne permet pourtant pas d’atténuer le déficit en personnel qualifié qui affecte la branche. « Il est très difficile de trouver des jeunes à former, souligne Adolf Zobel. Or, des milliers de chauffeurs de la génération du baby boom partent chaque année en retraite. Nous avions espéré attirer des conducteurs d’Europe de l’est avec le salaire minimum, mais ça ne s’est pas fait. Les différences culturelles sont finalement trop importantes, et les gens ne veulent pas partir si loin de chez eux ».