Ses concurrents ont pour nom Geodis, DHL, Gefco… C’est à cette aune que Fretlink, start-up encore inconnue en 2016, mesure le chemin qu’il lui reste à faire. Sans bruit, elle dope sa croissance et les volumes de fret traités, avec désormais 41 salariés installés depuis quatre mois dans des nouveaux locaux, sur la face nord de la butte Montmartre à Paris. La visite des lieux fait penser à une ruche silencieuse, qui abrite une cellule de pilotage et un service « customer », dont les missions sont distinctes. 2017 a validé notre projet, assure Paul Guillemin, l’un des quatre fondateurs actionnaires de la jeune pousse (avec Antoine Le Squeren, Didier Duval et Frédéric Menou). Dans la mouvance des nombreuses start-up qui ont surgi dans le paysage du TRM, au point de déclencher une levée de boucliers dans les groupements et de l’OTRE, Fretlink veut jouer carte sur table et éviter le risque de confusion. « Notre métier, c’est le pilotage de flux et l’analyse des données. Ce qui n’a rien à voir avec une bourse de fret chargeurs ou la mise en relation sur le marché spot », prévient, d’emblée, Paul Guillemin, qui met en exergue son statut de commissionnaire et les responsabilités afférentes. Le propos liminaire ressemble à une mise au point.
Centrée sur le BtoB et le general cargo, Fretlink revendique 2 500 entreprises de transport « on-boardés », la plupart exploitant chacune entre 5 et 50 camions, ce qui représente un parc de près de 60 000 véhicules qui circulent en France, en Belgique, en Italie, en Allemagne. Des mailings, contacts directs et le bouche-à-oreille permettent à Fretlink de renforcer son réseau de transporteurs. « Beaucoup viennent à nous spontanément », dit-il. L’attrait de la nouveauté n’empêche pas la start-up d’être la cible de critiques. Pour certains transporteurs, elle est un intermédiaire de plus, un affréteur d’un genre nouveau qui les coupe de leurs clients, sous un vernis technologique. Évidemment, les dirigeants de Fretlink ne voient pas l’affaire sous cet angle. Et insistent sur deux points : les prix de transport pratiqués, avec des lots mieux rémunérés, et l’approche qualitative de la prestation, avec des indicateurs de qualité. « Notre projet n’est pas de devenir le booking du transport, ni de faire du low cost, ni du logiciel de tracking. Les économies, elles sont dans l’optimisation des capacités de transport, pas dans la baisse des prix. C’est encore plus vrai aujourd’hui car, en dessous d’un certain tarif, personne ne trouve plus de camions ». Paul Guillemin ne voit pas d’avenir au principe des « enchères inversées », de type Saloodo (initiée par DHL). « Nous préférons nous concentrer sur le taux de prise(1), qui va de 95 à 98 % », dit-il. Avant le lancement en 2015, l’écoute des chargeurs a fait ressortir une doléance : mettre fin à l’asymétrie de l’information et à une certaine opacité. Dans le même temps, les transporteurs sondés affirmaient rechercher des lots correspondant à leurs besoins, au meilleur prix.
En tenant compte de ces requêtes, les fondateurs de Fretlink ont pris de la hauteur, avec vue panoramique sur ce qui leur restait à créer. « Notre modèle, c’est la tour de contrôle. Ce qui passe par l’analyse des flux et leur optimisation, tant sur le sourcing que sur le suivi et la sécurisation des expéditions », assure le jeune dirigeant, qui cite en référence la start-up américaine Flexport, créée en 2013 à San Francisco. C’est à cette condition que Fretlink veut convaincre les chargeurs industriels. Ces derniers réclament des solutions fiables et sûres en termes de coûts et de traçabilité. « Le service passe aussi par des indicateurs environnementaux liés à l’activité des flottes, sous forme de données mensuelles par exemple. Les chargeurs seront plus exigeants dans ce domaine ». Son chiffre d’affaires, Fretlink le tire d’un pourcentage sur la facture globale de transport de ses clients industriels ou sur les opérations ponctuelles. Mais dans l’immédiat, c’est la levée de fonds de 6 M€, auprès de quatre financeurs(2), qui donne des moyens et du sursis. Ils ont permis une vague d’embauches. Dans le viseur : des profils d’ingénieurs logiciels et des data scientists, capables de booster la solution web en mode Saas et l’appli mobile, le tout en une seule interface. « Mais nous ne croyons pas qu’en la seule puissance des algorithmes. L’humain est important. C’est pourquoi nous avons multiplié les recrutements ces derniers mois », convient Paul Guillemin.
(1) équivalent du taux d’appairage, entre la commande passée et l’expédition réalisée.
(2) Daphni, Elaia Partners et Breega et Tekton, après The Family et SGH Capital en amorçage.