« S’opposer à toute forme de libéralisation accrue du TRM »

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La députée française (PS) au Parlement européen vient d’être nommée rapporteure sur la révision de la directive Eurovignette. Elle confie à L’Officiel des Transporteurs sa vision des dossiers brûlants du moment contenus dans le Paquet mobilité actuellement discuté à Bruxelles.
L’Officiel des Transporteurs : Que pensez-vous du rapport de force qui se joue actuellement à Bruxelles entre le bloc Pologne, d’un côté, et le bloc France-Allemagne, de l’autre, sur la question du dumping social et du travailleur détaché ?

CHRISTINE REVAULT D’ALLONNES-BONNEFOY : Le rapport de force qui se joue actuellement à Bruxelles entre un « Bloc de l’Ouest » et un « Bloc de l’Europe Centrale de l’Est » est une réalité que l’on ne peut nier sur la question du dumping social. La procédure de « carton jaune », rejetée en juillet 2016, du bloc de Višegrad qui visait à bloquer la proposition de révision de la Directive « travailleurs détachés », a marqué un tournant dans l’intensification de ce clivage au sein du Conseil. Depuis, les tensions n’ont cessé de se cristalliser autour de ce texte clé pour le bon fonctionnement du marché intérieur et l’application du principe à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail.

Au niveau sectoriel, dans les transports, le lancement de l’Alliance du Routier, à l’initiative du précédent gouvernement, a également contribué à cristalliser ce rapport de force et à ancrer dans les esprits l’image « d’un affrontement Est-Ouest » sur les dossiers sociaux.

C’est-à-dire ?

C. R. D.-B. : Pour autant, si ce clivage existe pour des raisons structurelles et historiques (disparités sociales, intégration poussée du marché intérieur sans véritables contreparties sociales, etc.), il ne doit pas effacer le clivage idéologique, entre progressistes et conservateurs, qui reste un élément structurant du rapport de force à Bruxelles et des tensions qui parcourent l’avenir du projet européen. Les conservateurs, que ce soit au Conseil ou au Parlement européen, n’ont eu de cesse de revoir à la baisse les ambitions de l’UE en matière d’intégration sociale. Les conservateurs ont, à plusieurs reprises, voté contre les propositions phares des progressistes en faveur d’un pilier européen des droits sociaux, comme l’instauration d’un salaire minimum dans chaque État.

Il n’y a tout de même pas péril en la demeure ?

C. R. D.-B. : Sur les transports, ce clivage Est-Ouest doit également être relativisé, dès lors que l’on se situe au niveau des fédérations syndicales. La déclaration de Varsovie, signée par plus de 60 organisations syndicales venues de toute l’Europe, à l’initiative de la fédération européenne des travailleurs dans les transports (ETF), a envoyé un signal fort d’unité à la Commission européenne pour faire avancer les conditions de travail des plus de deux millions de chauffeurs routiers dans l’UE.

Quels sont les enjeux ? Que peut-il sortir, selon vous, de ce rapport de force bloc contre bloc ?

C. R. D.-B. : Sur le Paquet mobilité, les enjeux sont multiples : de la libéralisation des opérations de cabotage aux règles sur les temps de repos et de conduite, en passant par les règles d’accès à la profession, de cabotage ou encore de redevances d’infrastructures routières, les textes législatifs qui sont sur la table vont façonner l’évolution du secteur pour les vingt-trente prochaines années.

Sur tous ces enjeux, il est bien entendu difficile, à ce stade, de se prononcer sur les résultats des négociations au Conseil et au Parlement européen. Ce que l’on peut anticiper c’est, qu’en raison des rapports de force au sein du Conseil, la procédure sera relativement longue et devrait s’étaler sur une voire deux années, avant d’arriver à une position commune.

Quels sont les chantiers prioritaires selon vous ?

C. R. D.-B. : Au sein du Parlement européen, trois grands principes devront, selon moi, guider notre action et notre engagement. Il conviendra, premièrement, de s’opposer, conformément à la position adoptée par le Parlement européen dans sa résolution du 18 mai 2017 sur les transports routiers, à toute forme de libéralisation accrue des transports routiers, comme la suppression du nombre limite d’opérations de cabotage. Deuxièmement, il faudra apporter des solutions concrètes pour lutter contre la non-application de la législation européenne dans ce secteur à travers des mesures ambitieuses (mise en œuvre accélérée du tachygraphe intelligent, Agence européenne des transporteurs routiers, lettre e-CMR, etc.). Enfin, troisièmement, parce que l’amélioration des conditions de travail doit rester l’objectif principal du Paquet mobilité, toute tentative de réduction des temps de repos hebdomadaires devra être fortement combattue et constituera une ligne rouge à ne pas franchir.

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