En évoquant une réflexion sur la façon de « faire payer les poids lourds », la nouvelle ministre chargée des Transports, Élisabeth Borne, a fait grimper la température de quelques degrés. Est-ce bien raisonnable en cette période caniculaire ? Or il n’y a rien de fortuit dans l’interview qu’elle a accordée au quotidien Les Échos, le 5 juillet. La ministre mentionne les projets « d’expérimentation » fiscale de certaines régions, la « mise en place de péages » sur des sections de routes nationales. Elle pointe aussi du doigt les flux de poids lourds en transit (foutue géographie de la France !) avec, en arrière-plan, la recherche de nouvelles ressources pour assurer le financement des infrastructures. En peu de mots, elle a réveillé des souvenirs cuisants plus qu’elle n’a suscité d’adhésion. La nouvelle ministre sait qu’au cœur de l’été, un surcroît de chaleur peut amener l’orage. Sans être foudroyantes, les réactions des organisations professionnelles ont été immédiates et sans nuances. La FNTR et TLF ont signifié une ligne rouge à ne pas franchir. L’OTRE refuse le retour d’un dispositif de type écotaxe sous son format kilométrique, complexe et inéquitable. De son côté, la Chambre syndicale du déménagement (CSD) n’imagine pas que la profession, qui connaît un frémissement de son activité, puisse subir le retour d’un dispositif « illisible et inefficace ». Avec le nouveau gouvernement Philippe, qui bénéficie d’une Assemblée nationale à sa main, il va falloir aux représentants patronaux (ré)apprendre le dialogue. Il notera qu’en janvier 2015, une hausse de quatre centimes sur le carburant a été validée, aboutissant via les TICPE et TVA sur TICPE à une recette globale de 31,5 Md€ en 2015 (contre 28,2 Md€ en 2014). Pour clore le dossier ? Ce serait trop simple. Malheureusement, il y a ce constat-ci, gênant : pendant que le réseau autoroutier concédé affiche ses performances, celui des routes nationales et locales accumule les nids-de-poule, plombé par des investissements publics en repli de 10,7 Md€ en 2006 à 6,8 Md€ en 2015. En attendant de clarifier leur doctrine en matière d’économie des transports, le gouvernement et sa ministre gagneront à se montrer précis sur les objectifs. Pour éviter que l’histoire de l’écotaxe, depuis 2010, ne se répète, aussi brûlante qu’une braise nichée sous la cendre des rêves brisés des collecteurs et… des rancœurs tenaces des payeurs.
Éditorial