« L’Europe en mouvement » : c’est le mot d’ordre martelé par la Commission européenne le 31 mai lors de la présentation de ses huit propositions en faveur d’une mobilité propre, compétitive et connectée. Baptisé paquet mobilité, paquet routier ou encore Initiatives routières, ce vaste et complexe corpus législatif a été concocté après deux ans de consultations publiques sous l’égide de la commissaire européenne chargée des transports, Violeta Bulc. Ces mesures seront complétées au cours des 12 prochains mois par d’autres propositions, notamment sur les normes d’émissions applicables aux voitures et aux VUL après 2020, ainsi que les toutes premières normes d’émissions applicables aux véhicules utilitaires lourds. « L’objectif de la Commission est de trouver un accord politique sur l’ensemble de ces textes avant la fin de la législature 2014-2019, indique une source bruxelloise. C’est ambitieux de la part de Violeta Bulc, mais c’est réaliste. »
Bruxelles préconise d’appliquer des règles claires et communes, combinées à un meilleur contrôle de leur application et à la suppression des formalités administratives inutiles, pour créer des conditions de concurrence égales entre les transporteurs routiers.
• La Commission propose une nouvelle réglementation du cabotage. Jusqu’à présent, la réglementation de l’UE autorisait 3 transports de cabotage dans un délai de 7 jours à compter de la livraison internationale. Désormais, les nouvelles règles permettront un nombre illimité de transports de cabotage dans un délai de 5 jours à compter de la livraison internationale. La Commission estime que ces nouvelles règles seront plus faciles à faire respecter et permettront également de réduire le nombre de trajets à vide, ce qui évitera aux transporteurs de consommer du carburant pour des opérations improductives. « Cette mesure n’est pas très claire, pointe Marc Billiet, responsable du TRM auprès de la délégation bruxelloise de l’IRU (Union internationale des transports routiers). Les opérations illimitées de cabotage s’appliquent-elles au pays de déchargement ou à certains pays limitrophes au déchargement ? »
• Bruxelles s’attaque aux sociétés « boîtes aux lettres » et définit des critères plus clairs pour réprimer la création de ces entreprises dont la raison d’être est de contourner les obligations légales dans des domaines tels que la fiscalité, la sécurité sociale, la TVA et les salaires. Le nerf de la guerre est la coopération renforcée entre les autorités nationales chargées du contrôle.
• Définition et contrôle du détachement dans le transport routier. Pour le transport international (c’est-à-dire d’un État membre « A » à un État membre « B », la Commission propose que les conducteurs soient considérés comme des travailleurs détachés s’ils passent au moins 3 jours, au cours d’un mois calendaire donné, sur le territoire d’un État membre. Toutes les opérations de cabotage (c’est-à-dire les livraisons effectuées dans l’État membre « A ») seront considérées comme constituant un détachement de travailleurs dès le premier jour et ce, quelle que soit leur durée. Bruxelles défend le principe « à travail égal, salaire égal » sans créer en théorie de charges administratives supplémentaires pour les opérateurs et leurs conducteurs.
• Modification des règles relatives aux temps de repos et de conduite : la Commission ne propose pas d’allonger les durées de conduite ni de modifier le nombre des temps de repos. Elle propose aujourd’hui que les conducteurs prennent, hors de leur cabine, leur temps de repos hebdomadaire normal (soit une interruption obligatoire de 45 heures après une période maximale de travail de six jours). En conséquence, les employeurs devront mettre un lieu d’hébergement décent à la disposition des conducteurs.
À noter que plusieurs États membres dont la France ont fait part à la DG Move, l’administration centrale des transports, de la progression constante des véhicules de moins de 3,5 t dans le transport commercial. Résultat, Bruxelles prévoit de soumettre les VUL à certaines règles de l’UE par exemple celles relatives à l’établissement des entreprises de transport, « ce qui ne devrait pas entraîner de charges excessives pour les petits opérateurs ».
Bruxelles entend privilégier une tarification routière plus juste au sein de l’UE et propose que les États membres se conforment à certaines règles applicables à toutes les catégories de véhicules. Ces règles visent à :
• offrir une tarification plus juste, c’est-à-dire une tarification en fonction de la distance (péages) plutôt que la durée (vignette). La Commission propose d’abandonner progressivement les systèmes de tarification fondés sur la durée au terme d’une phase transitoire adaptée (2023 pour les véhicules utilitaires lourds, 2027 pour les autres catégories de véhicules).
• Conformément au principe du « pollueur-payeur » (directive eurovignette), la Commission rend obligatoire la modulation de la redevance en fonction des émissions de CO2 afin d’inciter les usagers à acquérir des véhicules moins polluants. Les États membres auront aussi la possibilité de percevoir une redevance en fonction de coûts externes tels que les nuisances sonores, la congestion et la pollution atmosphérique. Pour « booster » l’efficacité énergétique des véhicules lourds, Bruxelles mise à fois sur l’aérodynamique et l’adoption des véhicules les plus économes en carburant par une surveillance et une déclaration des émissions de CO2 et de la consommation de carburant.
• La Commission mise sur la promotion du système européen de télépéage (SET) parce que l’interopérabilité fait défaut et demeure problématique pour la circulation transfrontière. À l’heure actuelle, plusieurs badges électroniques embarqués et comptes d’utilisateurs différents sont exigés pour traverser le continent. Un système européen de télépéage (SET) interopérable permettrait aux transporteurs de n’utiliser qu’un seul badge électronique et d’avoir un système de facturation simplifié.
À l’évidence, les discussions politiques au Parlement et au Conseil de l’UE s’ouvrent dans un climat politique tendu. Pour preuve, les ministres de « l’Alliance du routier » (Autriche, Belgique, Danemark, France, Allemagne, Italie, Luxembourg, Suède et Norvège) et leur collègue des Pays-Bas, se sont réunis à Luxembourg le 7 juin à la veille de la présentation du paquet mobilité au Conseil des ministres des transports du 8 juin 2017. Les ministres ont martelé qu’une poursuite de la libéralisation du marché n’est pas envisageable en matière de cabotage routier, tant que ne seront pas remplies les conditions d’une concurrence équitable avec des règles sociales appropriées dans le secteur du transport routier et tant que le principe d’une « rémunération égale pour un travail égal dans le même lieu », ne sera pas assuré.