« Quelque 490 000 personnes en situation de handicap se trouvent au chômage en France », indique la directrice d’exploitation de Log’ins, Claudine Leclerc. À partir de ce constat, le groupe d’entreprises d’insertion Ares a souhaité créer une entreprise dont le secteur d’activité pourrait correspondre à ce public. La logistique permettant de faire travailler ces personnes en situation de handicap de façon simple, la société a recherché un partenaire économique, expert-métier, afin de mettre en place cette structure. C’est ainsi qu’en 2011, Norbert Dentressangle, qui dirigeait le groupe Dentressangle, ex-XPO, s’est associé afin de mettre en place Log’ins, une SAS détenue à 51 % par Ares et à 49 % par XPO Logistics.
En ce début de mai, une quarantaine de salariés de Log’ins s’affaire en petits groupes dans l’entrepôt de quelque 8 000 m2. La journée a commencé dès 8 h par un échauffement, afin d’éviter toute blessure. Les chefs d’équipe ont enchaîné sur un briefing afin de définir les tâches et objectifs de chacun pour la journée. Tantôt au groupage de boissons Coca-Cola, au reconditionnement de box SFR ou encore au codage de livres d’occasion avec RecycLivre, les équipes sont réparties sur la dizaine d’activités assurées par l’entreprise. Si à la fin 2016 l’entreprise employait 40 salariés, 58 personnes au total ont été accompagnées au cours de l’année. « Nous avons ainsi créé une entreprise adaptée dite tremplin, c’est-à-dire que nos salariés restent chez nous durant 18 mois au maximum, précise Claudine Leclerc. Leur passage a pour objectif de leur donner un accès à un métier, pas nécessairement dans la logistique. Notre enjeu est de les amener vers les secteurs qui recrutent, vers des projets réalisables. Parmi les derniers départs, certains ont trouvé un emploi en maintenance, en sécurité ou encore dans la restauration collective. » Les collaborateurs sont répartis sur trois métiers principaux : le e-commerce (préparation de commande informatisée), le copacking (changement d’emballages, reconditionnement de produits…) et la gestion des retours. Ils bénéficient ainsi d’un emploi stable qui leur garantit un salaire et lève certains freins. L’activité n’a cessé de croître depuis la création de l’entreprise. Après avoir doublé son effectif entre 2015 et 2016, pour une croissance de son CA de 46 % à 4,1 M€, Log’ins vise une nouvelle fois à multiplier par deux ses employés en CDD d’ici la fin de l’année. Et la formule porte ses fruits. « Sur les 58 salariés que nous avons accompagnés sur l’année 2016 à Villabé et les 10 supplémentaires sur notre site en Rhône-Alpes, 75 % ont trouvé ensuite un emploi ou une formation qualifiante », assure Claudine Leclerc.
Le recrutement se réalise selon les besoins dans chaque activité. Avec la participation des chefs d’équipes, les différentes contraintes liées aux divers postes à pourvoir sont listées. L’équipe sociale diffuse ensuite largement l’offre dans leur réseau de prescripteurs (Pôle emploi, Cap Emploi, missions locales…). « Nous ne recrutons pas sur compétences, mais je reçois toutefois des CV qui nous aident à entrevoir le parcours du postulant, indique Lucie Marchand, responsable d’accompagnement social. Une note sociale rédigée par le prescripteur sur la personne et ses restrictions permet de m’assurer que les capacités et contre-indications sont en adéquation avec le poste car nous ne sommes, par exemple, pas accessibles aux personnes à mobilité réduite. Hormis cette réserve, nous convoquons assez largement. » L’urgence sociale, comme le besoin de logement ou de vêtements, est aussi prise en compte si nécessaire.
Après une présentation de l’entreprise, de son projet et de ses locaux, les personnes intéressées par le parcours entrent dans un suivi particulier qui durera le temps de leur présence, voire un an au-delà si elles le souhaitent. Un entretien avec l’équipe sociale permet de déterminer les aspects sur lesquels elles ont besoin d’être accompagnées, les restrictions ou encore les postes à privilégier parmi les activités de Log’ins. « Nous les accompagnons en parallèle sur l’élaboration d’un projet professionnel, en déterminant le métier dans lequel la personne souhaite se positionner, indique Lucie Marchand. Nous passons par exemple par des enquêtes métier, des stages, des formations… » Le suivi est accentué au cours de la période d’essai qui peut être assez critique. « Parfois, elles n’ont pas travaillé depuis quelques années, indique Lucie Marchand. Des ajustements sont alors à effectuer. Nous avons par exemple travaillé sur l’adaptation ergonomique des postes de travail pour offrir une meilleure mobilité. » Durant cette période, Log’ins prête attention à plusieurs aspects, comme les retards ou les absences. Très peu de salariés abandonnent durant la période d’essai car la société veille à considérer tous les aspects en période de recrutement, comme la situation de la personne, ses contre-indications, sa motivation. Par ailleurs, le handicap pouvant aussi s’avérer psychique, certaines personnes sont confrontées à des périodes plus difficiles. « Ainsi, quand quelqu’un nous dit qu’il souhaite arrêter, nous essayons de comprendre s’il veut vraiment arrêter ou s’il a juste besoin d’être rassuré et remotivé. » Puis un dernier entretien est réalisé avant de valider la période d’essai et un nouveau suivi démarre avec une fréquence qui varie d’une fois par semaine à une fois par mois, par exemple. Tous les trois mois, une évaluation est menée sous forme de regard croisé, entre le salarié, le chef d’équipe et l’accompagnateur pour évaluer l’évolution des compétences techniques et comportementales du salarié. « Le salarié reçoit alors un retour constructif de cet échange afin de lui permettre de progresser », précise Claudine Leclerc.
Les salariés restent la plupart du temps attachés au même client mais peuvent être amenés à changer en cas de surplus de travail sur une autre activité. En cette saison, la marque Coca-Cola passe ainsi davantage de commandes. Cette hausse implique une réorganisation opérationnelle, en affectant quelques salariés supplémentaires à la boisson mais aussi en intégrant quelques intérimaires.
Pour SFR, les salariés traitent et reconditionnent dans de nouveaux emballages des box non récupérées par des clients. Vanessa Pidance, chef d’équipe de cette activité depuis 2013, s’entretient avec l’un des salariés qu’elle encadre et qui semble plus fatigué qu’habituellement. Après une première expérience de chef d’équipe dans une entreprise classique, le concept de Log’ins, basé sur le social, l’a attirée. « La différence repose surtout sur la façon de communiquer. Et cet échange particulier doit être réalisé tout en faisant en sorte que nos objectifs de production soient atteints car nous restons une entreprise. » Cette communication étroite permet aussi de connaître les raisons pour lesquelles un salarié est régulièrement en retard ou n’atteint pas ses objectifs. « Ils ne diront pas forcément spontanément qu’ils ont par exemple un nouveau traitement, précise Vanessa Pidance. Ma façon de communiquer est ainsi adaptée à la situation et, en connaissant les causes, je leur dis qu’il faudra essayer de faire mieux la prochaine fois. Le but est ainsi qu’ils retrouvent confiance et l’envie de faire plein de choses à leur sortie de Log’ins. »