L’invitation à déjeuner est tombée sans prévenir. Et les dirigeants des 4 fédérations professionnelles du TRM ne se sont pas fait prier, le 23 mai, pour se joindre à la table de la nouvelle ministre chargée des Transports, Élisabeth Borne. De mémoire de dirigeants syndicaux, rarement, sans doute, un secrétaire d’État ou un ministre fraîchement nommé à l’hôtel de Roquelaure (siège des Transports, à Paris) n’avait adressé un carton d’invitation aussi rapidement aux organisations patronales du secteur. À la sortie du déjeuner, les dirigeants patronaux se sont montrés unanimes sur la qualité des échanges avec la nouvelle ministre. « On sent qu’on a à faire, avec elle et son directeur de cabinet (Marc Papinutti, Ndlr), à des « pros » qui connaissent notre métier ainsi que les enjeux du transport, tant en France qu’au niveau européen. Ils possèdent des qualités d’écoute remarquables. La ministre a pris des notes et nous l’avons sentie très concentrée sur nos propos », déclare Yves Fargues pour l’Union TLF. « Une ministre qui s’est positionnée à l’écoute de ce que nous avions à dire. Le dialogue s’est révélé intéressant. Par son invitation, elle crée les conditions du dialogue entre les organisations patronales », souligne Aline Mesples (OTRE). « Nous avons eu l’impression d’une ministre et d’un directeur de cabinet très à l’écoute. Élisabeth Borne donne l’impression d’être une ministre très pragmatique. On sent qu’elle est hyperprofessionnelle », glisse Florence Berthelot (FNTR).
Au total, deux heures d’entretien. Les convives ont pu passer en revue les sujets chauds du moment. Très chauds si l’on se projette sur la date du 31 mai qui doit donner lieu à la publication, par la Commission de Bruxelles, des Initiatives routières. Où il est notamment question de l’avenir du TRM européen au sein de la directive travailleur détaché. « Nous avons exposé à la ministre les lignes de fracture au sein de l’Europe » (Florence Berthelot). Aline Mesples le souligne : les échanges ont beaucoup tourné autour des problématiques de dumping social. « La profession pourra-t-elle parler d’une seule voix ? On peut, en tout cas, observer qu’il existe un point de convergence sur le cabotage. Tout le monde est d’accord pour dire que les règles ne doivent pas évoluer », commente la présidente de l’OTRE. « Nous avons beaucoup insisté, en tant que TLF, pour dire que toute libéralisation plus grande du cabotage serait catastrophique pour le TRM », précise Yves Fargues.
Si les organisations patronales s’entendent sur le dossier du cabotage, il existe en revanche des points de divergence sur le détachement de personnel. « J’ai indiqué que mon organisation n’était pas d’accord pour que le TRM sorte de la directive détachement, que le chauffeur devienne un salarié du transport international », ajoute Aline Mesples. TLF et FNTR-Unostra se déclarent, pour leur part, « en phase sur le statut du travailleur mobile ». « Il faut des dispositions spécifiques au TRM dans le cadre du détachement car il convient de prendre en considération le caractère mobile du TRM », résume Florence Berthelot. Les divergences demeurent, donc, sur la question du travailleur détaché. « J’ai proposé aux autres organisations patronales que l’on puisse discuter sur le sujet », affirme Aline Mesples.
De son côté, Yves Fargues estime qu’il est nécessaire de mettre en avant une logique de filière, de ne pas isoler la route. « Il faut accorder du crédit à la proposition des ministères de l’Économie et des Transports de mettre sur pied un contrat de filière logistique dans lequel chaque partie s’engage à redonner une dynamique à la filière. C’est vital. Il nous faut avoir un débat sur la logistique française dans sa globalité, redonner à la France une attractivité logistique qu’elle a perdue, notamment avec ses ports », déclare le président de l’Union TLF, qui annonce avoir proposé à la ministre que le Comité national routier « puisse être l’outil de sécurisation des données du TRM ». Car les dirigeants patronaux n’ont pas caché leurs inquiétudes devant la digitalisation du secteur et la montée en puissance des plateformes d’intermédiation, dans un cadre réglementaire plus que chahuté. « Même si la ministre n’a rien formulé verbalement, on a senti quelqu’un d’accessible et à l’écoute », résume Florence Berthelot.