Ne pas se laisser doubler par Uber, Apple, Google, Amazon, Tesla… Éviter d’être noyé par les vagues de l’innovation à tout rompre venues de la Silicon Valley qui crédibilisent chaque jour un peu plus la digitalisation des transports, l’internet des objets et la réalité des véhicules connectés, bientôt autonomes. Face au danger, la réponse du groupe Daimler et de sa filiale Mercedes-Benz est à la mesure du risque pressenti : massive et prodigue. Le groupe allemand a profité du salon international Transport Logistic à Munich, du 9 au 12 mai, pour exposer sa vision du futur sur les routes. Devant des milliers de professionnels et dans toutes les langues, il a détaillé sa stratégie, centrée sur la plateforme Fleetboard Store, et montré ses muscles (200 M€ de budget en R& D et 300 ingénieurs mobilisés). La plateforme web se veut ouverte et modulaire, appelée à générer des applications mobiles que leurs clients pourront utiliser pour leurs propres besoins. Quelques semaines auparavant, le groupe Volkswagen et MAN, en explicitant les fonctionnalités futures de sa plateforme web RIO, avaient affiché la même volonté d’investir ferme dans le « software ». Le schéma commun : collecter, ordonner, qualifier et rendre utiles toutes les données fournies par le véhicule, son utilisation routière et son exploitation commerciale. Le big data en marche concerne tous les acteurs de la chaîne : chargeurs, donneurs d’ordre, transporteurs, dispatchers, conducteurs, destinataires… Ces grandes manœuvres, initiées par les deux « poids lourds » allemands, appellent trois réflexions. 1/ Les constructeurs de camions sortent de leur rôle historique d’industriel, misent très gros dans l’après-vente, deviennent des pôles d’attraction pour les start-up et… fragilisent des sociétés de services informatiques. 2/Les pannes, trajets à vide, kilomètres parasites et plannings aléatoires seront de moins en moins tolérés. 3/La relation entre transporteurs et chargeurs va évoluer, car ces derniers auront plus facilement accès à des données d’exploitation et de consommations, par transparence des systèmes. Ainsi, les écrans mobiles, le big data issu de tous les reportings et la traçabilité en temps réel sont un nouveau pouvoir de négociation et de persuasion. Nous touchons du doigt les effets de la digitalisation, au sens étymologique du terme.
Éditorial