La journée d’un candidat au titre de Transporteur de l’Année n’est jamais une journée ordinaire ! Elle comprend deux épreuves : l’oral devant le Jury, de 21 membres cette année(1) ; puis la montée sur scène, devant un auditoire attentif de professionnels. Il y a des ambitions à exprimer sans paraître orgueilleux, le trac à maîtriser, des convictions à partager en public, l’attente du verdict… Venus accompagnés de leurs équipes ou parents, les quatre chefs d’entreprise en lice, Frédéric Di Egidio (Di Egidio SAS), Philippe Doumen (Doumen SAS), Christophe Charbonnier (Transports Picq & Charbonnier) et Thierry Vanlembrouck (VLB Group) se souviendront de cette journée particulière. « C’est une expérience inhabituelle mais enrichissante. On a beau se préparer, connaître son dossier par cœur, il y a de l’émotion et du stress. C’est une compétition et, dans le même temps, on est tous confrères. On défend le même métier », a reconnu Philippe Doumen, élu Transporteur de l’Année lors de cette 30e édition du Transporteur de l’Année brillamment animée par Denis Brogniart (journaliste de TF1), qui a réuni plus de 420 personnes au cœur de la Cité du cinéma, chère à Luc Besson.
Le choix du Jury n’a pas été des plus simples. « Il y a eu débat pendant la délibération, précise Joël Vigneron, président du Jury en 2017 (qui passera le flambeau à Thierry Hautier pour 2018). Nous avions quatre beaux dossiers, défendus par des gens de conviction et ayant des parcours personnels hors de l’ordinaire. Et deux entreprises centenaires, Doumen et Picq & Charbonnier. » Après une heure de délibération, deux tours de scrutin, le Jury a voté : la stratégie de Doumen, sa solide notoriété et le fil de sa croissance en 15 ans ont finalement fait pencher la balance en sa faveur.
« J’ai passé beaucoup de temps à l’exploitation depuis mon entrée, en 1984, dans l’entreprise que j’ai reprise en 2002. Nous étions alors 280 personnes. Maintenant nous sommes plus de 600 », résume Philippe Doumen. Sa recette pour tenir le choc : « Je délègue beaucoup. Je fais confiance ». Ainsi un Dg (ex-Mory) épaule le dirigeant depuis deux ans. « J’envisage — mais ce n’est qu’une option — de lui céder l’entreprise, selon un bon montage à trouver, confie ce “quinqua” plein d’allant. Mais je suis encore jeune ! » Parmi les leviers de croissance figure l’organisation de transport, qui pèse déjà 17 % du CA. « Nous souhaitons développer le conseil en organisation de transport, un travail que ne veulent plus ou ne savent plus faire les chargeurs », observe Philippe Doumen qui dédie sa victoire à son père. Un Pierre Doumen trop fier de rejoindre son fiston sur scène…
La société Picq & Charbonnier célébrera, elle, ses 100 ans dans deux ans. La 4e génération est aux manettes. À Moneteau, où l’entreprise vient de s’installer à quelques encablures de son fief historique de Chablis, la tradition familiale se poursuit avec une « vraie spécialité » : la logistique du vin. Entrepositaire agréé par les douanes, l’entreprise dispose d’un bâtiment avec hydrométrie contrôlée. Jamais à court d’idées nouvelles, le jeune transporteur évoque la future station GNV qui ouvrira « de notre propre initiative » en juin à Auxerre et la mascotte « maison », Diabolo. Laquelle illustre tout à la fois bien-être au travail, parcours d’intégration pour les nouveaux collaborateurs, et attention aux clients. Venu le soutenir au cours de la soirée, son frère Jean-Marie a tenu à souligner les liens forts qui subsistent entre eux, malgré son départ surprise de la société en 2009 et contrairement à ce qu’avait indiqué L’Officiel qui avait parlé de « différent familial » dans son édition précédente.
Thierry Vanlembrouck, dirigeant de VLB Group (59), campe sur plusieurs métiers : bennes, citernes, transports exceptionnels, un peu de frigo… Avec une évolution du vrac de proximité vers le grand régional. Et de solides convictions : « Nous ne recherchons que de la main-d’œuvre franco-française, témoigne celui qui a démarré à l’atelier, comme mécano. Un entrepreneur du transport doit recruter et former du personnel. Ce n’est pas un affréteur ».
« Je suis tombé petit dans la marmite du transport, se souvient Fréderic Di Egidio. Je venais dans l’entreprise paternelle dès mes 12 ans pour m’occuper des pneus ». Aujourd’hui, pour s’occuper, il est à la tête d’une flotte de 350 cartes grises, réparties pour deux tiers en France et un tiers au Luxembourg, où il a créé Di Egidio International SA. À l’image de sa flotte, l’activité de l’entreprise mosellane est très diversifiée. Son jeune patron reconnaît volontiers mener une stratégie d’opportunités : « J’accepte tout si c’est légal et payé », lance-t-il en forme de boutade. La salle apprécie. En 2017, entre mille autres projets, Frédéric di Egidio envisage l’ouverture d’une structure au Portugal : « J’ai la personne de confiance pour y aller et monter une affaire ». Et table dans la foulée sur une croissance confortable du CA : « 26 M€, c’est jouable », avance celui qui est aussi président d’un club de foot en PHR.
Autre tâche désormais « traditionnelle » pour le Jury : décerner son « Prix spécial ». Cette année, son choix s’est porté sur Jean-Philippe Mazet, directeur des Transports de Carrefour. L’ensemble des transporteurs de l’Année entendaient ainsi, et pour la première fois, mettre en avant un grand chargeur. « Une façon de reconnaître ce que nous devons à nos clients », a expliqué Joël Vigneron. Pour le jury, ce prix salue l’action de Carrefour en lien avec la démarche CO2 de l’Ademe, notamment avec Fret 21, convergence d’intérêts entre transporteurs et chargeurs dans la réduction des émissions de CO2 et plus généralement des pollutions en tout genre. Enfin, il s’agissait de mettre à l’honneur une grande enseigne française connue dans le monde, qui est aussi une « success story », devenue en 60 ans, un géant européen et un acteur mondial.
(1) Huguette Ambroise ; Carole Dupessey ; Joël Vigneron (président) ; Thierry Hautier ; Jean-Jacques Le Calvez ; Patrick Mendy ; Jean-Pierre Caillot ; Frédéric Charbon ; Gilles Collyer ; Jean-Pierre Ducournau ; Pierre Bouquerod ; Jean Ducros ; Patrick Lahaye ; Philippe Premat ; François Vassard ; Jean-Michel Mousset ; Nicolas Olano ; Patrice Péricard ; Philippe Virtel ; Éric Tison et Benoît Barbedette.