Inversion des normes et agitations certaines

L’inversion de la hiérarchie des normes, ça vous dit quelque chose ? Chaque chef d’entreprise serait bien avisé d’en connaître le sens profond en se souvenant qu’il renverse l’un des fondements du Code du travail. Pour faire court, l’inversion de la hiérarchie des normes (article 8 de la loi Travail) signifie que l’accord d’entreprise prime sur la convention collective ou de branche, d’où naissent la plupart des dispositions encadrant le temps de travail.

C’est donc sous cette appellation absconse que s’est niché l’un des axes forts de la loi Travail, défendue pied à pied par la ministre Myriam El Khomri à l’été 2016, et promulguée le 8 août. Une loi fleuve qui vise autant l’organisation du temps de travail que les liens entre les accords d’entreprise, les accords de branche et la loi. Dans la pratique, les décrets concernant le volet temps de travail, qui actent la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche, sont parus au Journal Officiel en octobre 2016, pour une entrée en vigueur en janvier 2017.

Du point de vue politique, cette « inversion » a été réclamée par le monde patronal, à commencer par son chef de file, Pierre Gattaz. Or cette ligne ne fait pas l’unanimité chez les dirigeants d’entreprises, y compris dans les rangs de la FNTR et de l’OTRE. Nombre de petits patrons pressentent un leurre, voire un piège. Plusieurs raisons expliquent les craintes exprimées. Toutes les TPE et PME ne sont pas armées pour animer, en interne, un dialogue social sur des sujets aussi lourds que la durée du travail. Dans ce cas, le manque d’expérience syndicale, de méthode, de temps ou d’idées est plus que rédhibitoire. Par surcroît, malgré les bonnes volontés, les engagements qui pourraient en découler ne sont pas à l’abri d’un recours juridique, de forme ou de fond.

C’est ce qui fait dire à beaucoup de patrons que cette loi donne vrai avantage aux grandes entreprises, plus structurées pour parvenir à des accords. Avec, en arrière-plan, le risque de fossés salariaux légalisés au sein d’une même filière, mettant à mal la concurrence. Dans le BTP, les premières secousses ont eu lieu. Les opposants à la prépondérance de l’accord d’entreprise ne manqueront pas de noircir le tableau, redoutant autant un facteur d’espérances déçues qu’une source d’agitations certaines.

Éditorial

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