Le temps de travail à géométrie variable

Canaliser l’avalanche plutôt que de finir enseveli ! Si neuf pays de l’Europe, dont la France, avancent groupés au nom d’une « Alliance du routier », lancée à Paris le 31 janvier, c’est qu’ils voient venir une lame qui risque d’emporter les régimes fiscaux, droit du travail, statut du salarié, lien de subordination employeur-employé, financement de la protection sociale… La concurrence déloyale et le dumping social sont mis à l’index. Mais le fléau ainsi présenté ne dit pas tout. Dans le TRM, métier de service ayant besoin d’un social valorisé, le conducteur représente 40 % du coût de revient, salaires plus charges comprises. C’est le levier premier, et de loin, qui influe sur les prix de transport. Disparité des rémunérations et hétérogénéité des charges, en Europe, sont une évidence, depuis les origines du cabotage en 2009. Or, huit ans plus tard, une seconde lame de fond survient avec les personnels roulants non salariés et non identifiés. Le transport léger et le secteur de la course sont sous la menace. On y voit des plateformes numériques faire travailler des auto-entrepreneurs, rémunérés à la tâche ; et à l’inverse, il y a des salariés qui travaillent pour ces mêmes plateformes à l’insu de leur employeur afin d’arrondir leurs fins de mois. Ils incarnent un emploi non salarié qui augmente en France, passé de 10,7 % des travailleurs en 2008 à 11,5 % en 2014. La tendance résulte autant de la mise en place du statut du micro-entrepreneur que des formes alternatives à l’emploi, aidées par la révolution numérique et les applis mobiles. Les pouvoirs publics peuvent s’en inquiéter. Ces entreprises de mise en relation ne paient qu’une partie des charges sans être assujetties aux obligations de l’employeur. Elles font rouler des coursiers et personnels roulants, au prix d’une rémunération et d’un temps de travail aléatoires. Et sans que la co-responsabilité du donneur d’ordre ne soit jamais évoquée ! Le modèle séculaire du salariat est ainsi remis en cause. Les entreprises ayant fort effectif ont beaucoup à perdre mais l’État, aussi, y laissera des plumes. C’est pourquoi l’Alliance du routier veut améliorer les pratiques du contrôle, qui appellent au renforcement des moyens techniques. Le chronotachygraphe reste le pivot du dispositif de lutte contre les fraudes à la durée du travail, autre variable tangible du low cost. Devra-t-il demain équiper tous les véhicules, y compris les VUL, pour compte d’autrui et comptes propres ? La France et ses partenaires européens devront aller jusqu’au bout de leur logique.

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