Manque une traduction française au platooning

Faire rouler des ensembles routiers (de 16,50 ou de 18,75 m) en file indienne, avec comme locomotive technique le premier d’entre eux, cela s’appelle faire du platooning. Évoluant à la même vitesse, les camions – en convoi identifié – sont connectés par wifi, avec des interdistances inférieures à 10 m, voire de 5 m, contrôlées par les conducteurs, et sans remise en cause de la sécurité routière. Un platooning commence avec deux ensembles et peut en associer jusqu’à cinq ou six. C’est dans cette configuration qu’il est vu comme une option d’avenir par la Commission de Bruxelles. Quatre pays (les Pays-Bas, la Suède, l’Allemagne et la Belgique) ont décidé de pousser plus avant l’expérimentation. En 2016, un premier convoi a traversé trois pays, bénéficiant d’une dimension transfrontalière, permise au préalable par l’addition des autorisations locales (y compris des Länder allemands). En attendant de lui trouver une traduction française, ce dispositif en peloton va être soumis en 2017 à de nouveaux tests en Europe. Or, sur ce dossier, la France et son gouvernement ne montrent pas d’allant particulier. La Française Karima Delli, députée Verte nommée le 25 janvier à la présidence de la commission Transports du Parlement européen (le 4e budget de l’UE), sera-t-elle plus en phase avec la doxa pan-européenne en matière de convois routiers ? Rien n’est moins sûr. Cette réserve française ne signifie pas que les ingénieurs de l’Ifsttar* et de la DGITM** affichent la même distance, comme l’ont montré les exposés techniques faits lors du salon dédié à la Mobilité intelligente, les 24 et 25 janvier, à Paris. En exploitation, les pelotons de camions présentent des avantages en termes de consommation de carburant (et donc d’émissions de CO2), de sécurité et de fluidité du trafic. L’analyse aérodynamique, avec moins de résistance au vent, moins de flux turbulents et plus d’écoulements laminaires, donne des résultats probants. L’Europe a chiffré à 6 Md€, par an, le gain des consommations de gazole. Il en résulte une innovation, sans lourds investissements, dont les éléments techniques sont en passe d’être compris et maîtrisés. Ce qui n’est pas le cas de son acceptabilité sociale, sociétale et politique. Freins psychologiques ? Il est toujours bon de rappeler ce chiffre que IBM a utilisé comme leitmotiv : 95 % des innovations échouent, non pour des raisons technologiques, mais par refus d’appropriation du public concerné.

*Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l'Aménagement et des Réseaux

**Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer

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