« La loi travail du mois d’août dernier ne vise pas que les heures supp. Elle intervient aussi pour organiser la loyauté du dialogue social afin que soient bannis des négociations les sales petits coups tordus. On y veut du propre, de la transparence, de la loyauté, de la droiture. Comme dans les lois et leurs décrets d’application : l’exemple vient du haut !
Tiens à propos de décrets, un paru, sans bruit ni négociations préalables, intègre au 1er janvier 2017 le fameux décret 83-40 dans le code des transports.
Simple mesure d’ajustement administratif. Pas de quoi fouetter ni un chat ni une heure supp… quoique… à regarder de près, l’intégration au code des transports de notre vieux 83-40 ne s’est pas tout à fait opérée à droit constant.
Un discret ajout au texte originel vient préciser que tout ce qui a trait à la rémunération des heures supplémentaires des roulants est régi par le premier alinéa de l’article L 2253-3 du code du travail. Cet alinéa créé les chasses gardées des conventions collectives nationales sur lesquelles ne peuvent braconner les négociateurs d’entreprise (salaire mini, classifications, mutuelles, égalité, pénibilité). Dans ce corpus de règles, l’accord d’entreprise ne peut déroger à la convention.
En s’y référant, le décret rajoute furtivement pour la seule catégorie des roulants des entreprises du transport routier de marchandises une exception au principe clé de la loi travail : la capacité de négocier dans l’entreprise le taux de rémunération de leurs heures supplémentaires.
Deux commentaires à propos de cette entourloupe juridique :
• Transparence, loyauté, droiture… Faites ce qui est proclamé par la loi, pas ce qui est fait par le ministère avec ses petits décrets tordus…
• Un décret, créateur d’une inégalité manifeste pour la profession du TRM, ne peut pas porter un coup fatal à un principe légal.
Le ministre avait prévenu en mai dernier qu’il trouverait le moyen d’évacuer les conducteurs de la loi « Travail ». Fallait-il pour cela opérer dans les égouts ? »
Rappelez-vous, après une semaine de barrages filtrants sur le territoire, les syndicats de conducteurs routiers avaient obtenu, le 20 mai 2016, un engagement écrit de la part du gouvernement que la loi travail n’aurait pas de conséquence pour les chauffeurs routiers, notamment en matière de majoration des heures supplémentaires. Le gouvernement va « expertiser s’il est nécessaire de procéder à des ajustements du décret encadrant le temps de travail des routiers (83-40, ndlr) afin de clarifier le débat et d’éviter les interprétations qui pourraient donner matière à contestation », avait précisé Alain Vidalies, secrétaire d’État aux Transports. Un engagement qui s’est traduit dans un décret du 17 novembre 2016 (JO du 30/11). Celui-ci a abrogé les dispositions du 83-40 pour les remplacer par celles du code des transports. À une différence près… qui aboutit à l’impossibilité de négocier dans l’entreprise le taux de rémunération des heures supplémentaires des conducteurs routiers. Jean-Luc Allègre, expert du social transport, réagit.