Le développement par l’intelligence collective

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En 2012, GT Location (33) a amorcé une transformation de sa politique RH à travers le projet « Grandir tous ensemble ». Élaboré en plusieurs étapes, il a mené la filiale transport du groupe GT à miser sur « l’intelligence collective » de ses salariés via leur mise en autonomie, l’innovation collaborative ou encore leur implication dans la projection du groupe en 2026.

Modifier le fonctionnement RH de l’entreprise tout en renforçant sa compétitivité et son dynamisme sur le marché. Avec son programme « Grandir tous ensemble » (GTE), lancé en 2012, GT Location, loueur de VI avec conducteur, place ses 1 700 salariés répartis sur 120 sites d’exploitation au coeur de sa stratégie de développement. Il leur donne la possibilité de s’impliquer dans le mode de fonctionnement du groupe, via notamment une hiérarchie moins imposante ou le développement d’initiatives. Le projet GTE visait ainsi à modifier l’organisation RH du groupe qui avait rencontré des difficultés en 2011. Les effectifs gonflaient dans les agences et au siège, entraînant une hiérarchie de plus en plus pyramidale. Des problèmes de santé sont alors apparus dans les équipes, notamment dans l’encadrement. Le groupe qui célèbre cette année ses 70 ans, s’est alors inspiré du concept des « entreprises libérées » pour mettre en place son projet GTE qui répondait aussi à un autre enjeu : la fidélisation des conducteurs par leur valorisation. Basé sur le développement du principe de confiance aux collaborateurs de terrain, le projet leur donne davantage d’autonomie et de responsabilité en leur octroyant la possibilité d’organiser leurs propres tournées, de gérer eux-mêmes les plannings de congés ou encore de gérer leur véhicule, comme son immobilisation. « Le changement collectif opère à partir du changement individuel. Nous demandons donc au manager de changer avec son équipe, souligne Pascal Guillot, directeur général adjoint. Des contrôles sont toujours réalisés mais ils s’effectuent désormais avec davantage de pédagogie. Par exemple, le cahier des charges doit être expliqué aux conducteurs pour qu’ils en comprennent la nécessité. La hiérarchie existe toujours mais les rapports sont diffèrents. Ils laissent place à davantage de convivialité. » Le développement des équipes autonomes a aussi bousculé la conception d’encadrement des managers qui doivent accepter que leur équipe puisse fonctionner toute seule. Mais la fonction de chef de groupe ne disparaît pas pour autant. En déléguant certaines tâches administratives, ils disposent de plus de temps pour leur rôle commercial. Selon Patrice Bonte, directeur de l’école de management du groupe (EMGT), les managers qui ont réussi à mettre cette politique en œuvre s’avèrent plus proches des clients.

Recrutement collaboratif

La sélection des managers a évolué afin que le concept de hiérarchie laisse place à l’accompagnement et à l’écoute des collègues. Les conducteurs candidats à un parcours de management étaient auparavant identifiés selon les résultats des entretiens annuels. À partir de 2012, les conducteurs choisissent parmi leurs pairs : « Nous avons fait le choix d’associer les conducteurs à l’évolution de leurs collègues au poste de manager, indique Patrice Bonte. Nous avons mené le test dans deux filiales pour l’instant. Les candidats au poste montent leur projet face aux chauffeurs qui les évaluent et se sentent ainsi impliqués. Ceux qui ne sont pas retenus ne montrent pas la même frustration car ils ne sont pas rejetés par la hiérarchie. Ils comprennent aussi souvent mieux les raisons du choix. » Le travail collaboratif se retrouve aussi dans le recrutement des chauffeurs. Les conducteurs sélectionnent eux-mêmes les candidats à partir d’une shortlist et mènent des entretiens. « Ils se sont rendus compte de la difficulté de choisir un conducteur, remarque Alain Peyrat, formateur préventeur du groupe à Bordeaux. Mais ils sont plus impliqués ensuite dans l’intégration des nouveaux, notamment pour démontrer que le conducteur sélectionné convient bien. » La démarche d’« entreprise libérée » est désormais appliquée dans plusieurs filiales mais le changement reste progressif. « A Lille, nous demeurons assez excentrés par rapport au siège, précise Mickael Aitaissa, formateur préventeur à GT Location. La démarche s’avère plus longue à mettre en place. Dans les filiales, quand nous libérons un conducteur, nous devons trouver un remplaçant. »

Innovation collective

Afin de développer l’autonomie et la responsabilité des salariés, le groupe a intégré dans son projet GTE le programme « Ozons » portant sur l’innovation collaborative à tous les niveaux de poste. Chaque salarié a ainsi la possibilité de monter une initiative. « L’idée est de faire fonctionner tous les cerveaux au lieu d’un seul », souligne David Bordessoules, ex-directeur des ressources humaines de GT Location et désormais directeur de l’innovation, un poste créé lors de la mise en place du concept. Des challenges d’innovation sont menés dans deux filiales regroupant 300 salariés pour l’instant, puis l’expérience sera étendue à d’autres sites d’ici la fin de l’année. « Nous avons rassemblé une centaine d’idées pour l’instant, indique David Bordessoules. Les conducteurs y participent volontairement. Nous avons quasiment autant d’idées issues des cadres que des ouvriers, tant sur le plan technique qu’organisationnel ou commercial. » Chaque idée, souvent basée sur la sécurité et la prévention, doit être creusée et soumise aux avis des pairs, des fournisseurs ou des clients. Les salariés peuvent obtenir un budget allant jusqu’à 2 000€ pour la mettre en place. « Après quelques recherches, le salarié décide parfois par lui-même de ne pas continuer, notamment s’il s’aperçoit que le budget sera dépassé, souligne David Bordessoules. Mais, selon l’initiative, un budget de 20€ peut suffire. » Des idées soumises ont ainsi abouti, comme celle d’introduire un laser dans un camion pour éclairer lors des manoeuvres de recul dans un endroit difficile d’accès. En 2014, le groupe lance la deuxième étape de sa démarche afin de mieux cerner l’identité de GT Location. Une réflexion a ainsi été menée pour mieux cerner les valeurs du groupe, les clients les plus fidèles et les relations à privilégier avec eux selon les filiales. « L’idée consiste à rester au service du client et compétitif, tout en faisant en sorte que les salariés et les clients s’y retrouvent », précise Pascal Guillot.

Projection

En 2015, l’entreprise a lancé « Vision », une démarche qui vise à projeter GT Location dans 10 ans. Un grand chantier de concertation s’est ouvert pour dégager les choix stratégiques qui engageront les prochaines décennies. Durant une première phase exploratoire, des salariés volontaires étaient invités à rejoindre sept chantiers thématiques ainsi déclinés : sur la route du bonheur, Digital GT, transport et développement durable, à l’écoute des clients, apprendre avec les fournisseurs, nos racines nous donnent des ailes et international. Chaque groupe d’exploration était piloté par un salarié chef de projet chargé de recueillir des idées auprès du personnel. Commercial et chargé de communication et marketing, Paul Renaudie, a pris en main l’animation du groupe de réflexion Vision – Digital GT. Entre 20 et 30 participants, issus de 3 à 4 filiales du groupe, participaient à cette animation. « Les conducteurs savent que le digital devient incontournable dans les camions, note Paul Renaudie. Il y avait beaucoup de curiosité autour du sujet. » Un séminaire regroupant quelque 140 salariés a été organisé les 11 et 12 mars au Futuroscope de Poitiers pour restituer le travail de réflexion. « Tous les services sont concernés par l’évolution du métier, nous souhaitons ainsi les accompagner, » souligne Pascal Guillot. Sur l’axe du bien-être, des réflexions ont été notamment menées sur des sujets très larges, allant de l’adaptation au travail de nuit à l’achat de berceaux dans les crèches du groupe. Au total, quelque 2 000 participations ont été recensés. Une synthèse a ensuite été distribuée à l’ensemble du personnel avant d’être traduite en stratégies appliquées à chaque thématique d’exploration. Deux sites pilotes expérimentent désormais certaines idées. En novembre et décembre, un tour de France des agences GT est organisé afin de faire passer les divers messages et en recueillir de nouveaux. Les salariés du siège se déplacent ainsi tour à tour dans les différents sites. « Nous voulions toucher tous les salariés, dispatchés sur toute la France, pour certains isolés dans leurs camions, indique Paul Renaudie. Nous rencontrons ainsi les conducteurs que nous ne voyons habituellement jamais ».

Ancré dans une longue tradition de politique sociale

« Notre métier est la location de véhicules avec chauffeur. En tant que société prestataire de services, le conducteur apparaît comme notre valeur ajoutée, » avance Pascal Guillot, directeur général adjoint. L’implication des salariés dans le développement du groupe et leur mise en autonomie instaurées par le projet GTE poursuivent une longue tradition de politique sociale de l’entreprise. En 1987, le groupe monte une École du conducteur afin de développer l’esprit de service peu inculqué par les formations classiques. « Une école interne donne des perspectives d’évolution au sein de la société, indique Philippe Coudert, formateur référent. Des stagiaires sont ainsi devenus chefs de groupe. » Afin de faire évoluer les conducteurs tout en répondant à un besoin de recrutement, l’entreprise a mis en place l’école du management en 2005. L’entreprise propose en outre une rémunération au mérite ainsi qu’un actionnariat salarié. « Cette mesure donne aux salariés le sentiment de posséder une partie de l’entreprise, souligne Pascal Guillot. Dès qu’il y a du résultat, ils le ressentent. »

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