Il n’en fallait pas plus pour redonner un semblant de vie à l’écotaxe PL et réveiller quelques vieux démons ! Ainsi, un obscur rapporteur public du Conseil d’État a notifié que la loi sur la taxe poids lourds n’avait pas été abrogée malgré l’abandon du dispositif prononcé par Ségolène Royal en personne, un jour d’octobre 2014. Le juriste a invité, le 9 novembre dernier, les ministres de l’Environnement et de l’Économie à prendre un arrêté sous six mois, fixant les modalités d’application du dispositif de collecte de l’écotaxe poids lourds. Sous-entendu : si la loi n’a pas été annulée, elle peut être appliquée avec entrée en vigueur au… 1er janvier 2016. Abrogation ? Abandon ? Suspension ? Les juges du Conseil d’État auront à trancher dans les prochaines semaines. Ici, pesé au trébuchet des analyses du Conseil d’État, tout est dans la nuance. Il n’est pas surprenant que France Nature Environnement, par le biais d’Alsace Nature, se soit engouffrée dans cette brèche. Dès le 14 novembre, la FNTR, TLF, l’Unostra et l’Otre sont montés au créneau, sans délai, pour essayer de tuer dans l’œuf cette perspective que les « bonnets rouges » ont été les premiers à rejeter. Et de rappeler qu’il y a eu augmentation de la TICPE de 4 centimes par litre au 1er janvier 2015. À juste titre au nom de leurs adhérents. Mais la messe n’est pas dite. L’écotaxe a les faveurs de bien des élus, est soutenue dans de nombreuses assemblées régionales, tous échaudés par les soucis budgétaires de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Récemment, la Commission des Finances du Sénat a défendu le principe d’une écotaxe (moins les sordides portiques), sans choisir entre la redevance kilométrique ou la vignette. Soyons clairs : il n’y a pas de hasard à cette série d’annonces. Nous entrons dans la campagne de l’élection présidentielle, qui rythme la politique de notre pays. C’est une période faste pour les propositions, prises de position et revendications en tout genre, en sachant que ce qui a été enterré par un gouvernement peut être retiré des limbes par le suivant. Mais sortons de l’hypocrisie. Quel est le débat et quelle est la finalité de cette manne financière espérée des trafics routiers : le financement des infrastructures ou la qualité de l’air ? Le soutien à de nouvelles énergies ou la taxation des poids lourds étrangers en transit ? Le report modal vers le ferroviaire ou la mise sous l’éteignoir du moteur diesel ? Tant de voix dissonantes et d’objectifs peu assurés ne pourront engendrer que des crispations.
Éditorial