Une Europe économique ouverte avec des frontières sociales : est-ce possible et durable ? » À l’évidence, la table ronde de l’assemblée professionnelle FNTR Nord/TLF Hauts de France a mis l’auditoire en haleine. Les transporteurs nordistes étaient conviés le 20 octobre dans l’enceinte « Entreprises et Cités » de Marcq-en-Baroeul (59) pour entendre Dominique Riquet, le député européen vice-président de la commission transport et tourisme (TRAN), Vincent Motyka, directeur régional DREAL Hauts-de-France et Philippe Degraef, directeur de la Febetra (fédération royale belge des transporteurs). « Le social est resté en dehors des traités de l’UE, a d’emblée expliqué l’eurodéputé. On accuse en réalité l’UE de ne pas faire ce que les États membres ne lui ont pas confié. » C’est la raison pour laquelle le Parlement européen planche sur nombre de sujets. La concurrence déloyale des véhicules utilitaires légers (VUL), le cabotage et la directive détachement en cours de révision. « La directive détachement n’est pas faite pour le transport international, a convenu le vice-président de la commission transport à Strasbourg. Le Parlement milite en faveur d’une directive spécifique pour le transport. Que faire pour lutter contre le dumping social en provenance des pays de l’Est ? Améliorer les moyens de contrôle en priorité. Le tachygraphe électronique peut régler une partie des fraudes. » De son côté, le directeur de la Febetra s’est demandé si la loi Macron en France était la réponse adéquate à la lutte contre le dumping social. « Je suis dubitatif quant aux moyens de contrôles mis en œuvre, a interrogé Philippe Degraef. Sans compter que les conducteurs indépendants ne sont pas soumis à cette loi. » Le responsable de la fédération belge a aussi pointé le manque de réactivité de l’Union européenne. « On ne connaît toujours pas le résultat de l’enquête suite à la procédure d’infraction lancée par la Commission en janvier 2015 à l’encontre du salaire minimum allemand, a-t-il déploré. L’Europe a perdu de vue l’aspect social et s’est concentrée sur la libre circulation des marchandises. Il manque une harmonisation sociale plus poussée. La réponse adéquate pour réduire le différentiel de compétitivité entre Etats doit venir de Bruxelles. » La loi Macron présenterait-elle quelques failles en matière de contrôles ? « La grande majorité des transporteurs est honnête, a soutenu Vincent Motyka, directeur DREAL Hauts-de-France. Mais nous avons aussi des personnes malhonnêtes qui fraudent sur plusieurs registres à la fois. La réponse doit être interministérielle. » La DREAL Hauts-de-France compte 46 contrôleurs. « Ce sont des postes sanctuarisés, a affirmé le directeur régional. La première étape des contrôleurs est de vérifier la présence de l’attestation de détachement et du contrat de travail dans la cabine. Nous n’avons pas encore le résultat des contrôles effectués par échantillonnage. Enfin, ce sont les agents de la Direccte qui vérifieront les contrats de travail des conducteurs étrangers. » Dont acte.
Avec 52 000 emplois dans le TRM et la logistique, la région des Hauts-de-France ne fait pas de figuration dans l’économie française. L’attractivité du secteur est primordiale. « Il faut remettre les jeunes dans le métier, a insisté Olivier Arrigault, secrétaire général FNTR Nord et délégué régional TLF Hauts-de-France. Dit autrement, cela signifie former, motiver et miser sur des outils comme la préparation opérationnelle à l’emploi collective (POEC). » Si la région a été moins pénalisée en 2015 par la crise des carburants que ses voisines, elle a enduré avec violence la problématique migratoire du Calaisis. « La FNTR Pas-de-Calais a joué un rôle moteur dans la mobilisation du 5 septembre, a ajouté Olivier Arrigault. Il faut désormais gérer les suites du démantèlement de la “jungle” de Calais (ndlr : opération initiée le 24 octobre). Il faut aussi une réponse pénale forte. » En outre, les deux fédérations nordistes sont des interlocuteurs de proximité. « Le café réglementaire », organisé sur un format court (45 minutes), est un événement qui fait florès. D’autres évènements thématiques sont prévus dans les prochaines semaines notamment la réforme de la protection sociale.
« La question du financement du Comité national routier (CNR) se posera en 2018, a exposé Yves Fargues (photo), le président de TLF. La profession doit plancher et trouver des solutions de financement. Recevoir des dons ? Prélever une taxe sur les cartes grises ? » Les transporteurs semblent condamnés à mettre la main à la poche en raison d’une baisse de la subvention versée par la DGITM, soit 1,6 M€ en 2016. Autre sujet d’inquiétude soulevé par le président de TLF, la requalification par l’URSSAF du CFA en pré-retraite d’entreprise. Le sujet a été identifié en juin 2016. « C’est inadmissible ; nous ne sommes pas optimistes face à de tels agissements de l’URSSAF, a avoué Yves Fargues. Au premier redressement réel, nous dénoncerons la méthode. On ne peut accepter d’être rançonné. »
Pour sa première prestation devant les adhérents nordistes, Florence Berthelot, déléguée générale de la FNTR, a privilégié le langage de la vérité. « Le temps de l’entreprise n’est pas le temps de la politique », a-t-elle expliqué. Tout en égrenant les deux rôles intrinsèques d’une fédération : être au plus proche des préoccupations de ses adhérents et aider les entreprises à anticiper les changements. Avant d’ajouter : « Tout ce qui sort de la fédération est un travail de crédibilité et d’expertise. » Par exemple, sur le dossier du détachement, la FNTR ne va pas empêcher l’application de la loi Macron ; elle est réservée sur son application. Le front FNTR/TLF rassemble aujourd’hui plus de 50 % des adhérents sur le dossier de la représentativité, assure-t-elle. « Dans le champ de la convention collective, tout ce qui ne sera pas signé par la FNTR et TLF ne pourra être appliqué », s’est félicité la déléguée générale.
Seule certitude, la feuille de route est bien remplie pour les prochaines semaines. Outre la préparation de son congrès à Montrouge les 16 et 17 novembre, la FNTR planche déjà sur les préconisations du secteur dans l’optique de la présidentielle et des législatives de 2017.