Fin septembre, entre chiens et loups, les forces de l’ordre de Maubeuge ont contrôlé une trentaine de poids lourds des pays de l’Est, d’Espagne et d’Irlande. Le dispositif a abouti à une vingtaine de procès-verbaux, dont 13 pour non-respect du temps de repos journalier, et à trois immobilisations. Ce fait divers du quotidien de la route indique qu’un contrôle inopiné, où qu’il soit opéré dans l’Hexagone, produit forcément des contraventions, et cela dans des proportions sensibles. Ces contraventions sont légion et le secrétaire d’État chargé des Transports, Alain Vidalies, dont la présence au congrès national de l’OTRE à Tours, a été apprécié, ne l’ignore pas. Il fait partie des huit ministres des pays de l’Ouest (Belgique, Allemagne, Autriche, Danemark, Italie, Norvège et Luxembourg) qui à Bruxelles bataillent contre leurs homologues des pays de l’Est (Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Pologne, Roumanie, Slovaquie, République tchèque…). En cause : des pratiques abusives assises sur un socle social réduit, en usant de sociétés écran, et débouchant sur des distorsions de concurrence. Faut-il souligner que la France est 20 fois plus cabotée qu’elle ne cabote elle-même ailleurs alors que le ratio caboté/caboteur outre-Rhin s’établit à quatre. C’est ce qui explique que les Allemands ont décidé, le 1er janvier 2015, que le salaire minimum de 8,50 € de l’heure s’appliquerait à tous les salariés travaillant en Allemagne, quelle que soit la localisation de leur employeur. C’est ce qui justifie, aussi, la loi Macron du 6 août 2015 qui prévoit qu’une attestation de détachement soit fournie par les employeurs, en plus d’un mécanisme de responsabilité solidaire du donneur d’ordre (en référence à l’article 12 de la directive d’exécution sur le détachement des travailleurs qui laisse toute latitude aux États en la matière). Ce nœud qui entortille le statut du travailleur détaché, le cabotage et les normes sociales rend nauséeux le Conseil européen. C’est ici que s’est creusé le fossé entre états-membres. La révision des directives et règlements de 2009, prévue en 2017, promet donc au secteur du transport un affrontement des pavillons qui devront éviter de remonter l’historique rideau de fer. Alain Vidalies, qui n’a pas démérité sur le sujet, mais attaché à un gouvernement en fin de cycle, n’y sera pas. Son successeur, quel qu’il soit, gagnera à rester ferme sur ce copieux dossier dont la complexité juridique n’enlève rien au primat du politique.
Éditorial