Naissance d'un nouveau marché

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Un million de tonnes de farines animales inutilisables par an. C'est la conséquence d'une décision gouvernementale du 14 novembre 2000, qui proscrit cet aliment. Les carcasses et abats d'animaux broyés devront être éliminés ou recyclés sous forme de combustible, nécessitant un transport adapté. Un marché émergent pour de nombreuses entreprises spécialisées.

Près d'un million de tonnes de farines animales devront être détruites chaque année, suite à leur interdiction dans l'alimentation des animaux d'élevage (bovins, porcs et volailles) le 14 novembre. Auparavant, elles devront être stockées et transportées par des entreprises spécialisées. Les farines animales rentrent désormais dans la catégorie des déchets ou des combustibles. Une partie d'entre elles, celles dites à risque, sont considérées ainsi depuis le début de la crise de la vache folle en 1996. 14 cimenteries françaises (sur 34) sont déjà habilitées à brûler des farines animales. Pour ce faire, elles bénéficient d'une subvention à hauteur de 450 F la tonne. Elles en auront incinéré 200 000 tonnes d'ici à la fin de l'année. En 2001, 25 usines seront capables d'éliminer environ 450 000 tonnes. Les spécialistes de l'acheminement de ciments sont les premiers à profiter de cette situation, comme Leclerc Transports (53), ex-filiale du groupe Giraud (rachetée par Harry Vos en octobre). Avec deux bennes dédiées, cette société livre 25 000 tonnes de farines carnées par an aux Ciments Lafarge. Depuis deux ans, Tratel (filiale transport du groupe Ciments Calcia) achemine les déchets des équarrisseurs (essentiellement de l'Ouest) vers cinq cimenteries de son groupe, qui en auront brûlé 75 000 t en 2000. D'autres usines utiliseront cette nouvelle énergie dès l'année prochaine. Tratel devra ainsi augmenter ses capacités de transport. Patrick Depoortere, P-dg des Transports Larricq (filiale du groupe Tratel), n'a pas encore ressenti, quant à lui, les conséquences de l'interdiction. Depuis trois ans, cette entreprise des Deux-Sèvres alimente trois usines des Ciments Calcia, à raison de 160 trajets par mois environ. Ce qui représente 4 % de son activité (transport de pondéreux, sable, ciment).

Comme les cimenteries, les usines d'incinération vont augmenter leur capacité d'élimination de farines carnées. Un créneau sur lequel la société Ourry (77) s'est déjà positionnée en répondant à des appels d'offre. Ce spécialiste du transport de déchets dispose du matériel adéquat, des véhicules à fonds mouvant étanches. « Nous souhaiterions proposer une prestation complète avec transport, stockage et traitement des farines, grâce à de nouveaux partenariats », explique Jean-Pierre Hubert, P-dg des Transports Ourry. Lesquels avaient déjà acheminé, en 1996, les farines interdites provenant du Royaume-Uni, vers une usine d'incinération d'Ille-et-Vilaine.

Prudence. En 1997, les Transports Désert (35) transportaient, quant à eux, des farines destinées à l'alimentation du bétail. Et ce dans le cadre de leur spécialité de produits alimentaires en vrac. « Avec la flambée des coûts, nous avions augmenté nos prix. Nos clients ont refusé et nous avons cessé les trafics », témoigne Pierre Mouëzy, directeur d'exploitation de l'entreprise. Aujourd'hui, la reprise de cette activité est à l'ordre du jour. « Si de nouveaux contrats se présentent, nous étudierons d'abord leur faisabilité. Nous attendons un éclaircissement de la réglementation » poursuit Pierre Mouëzy. Le réseau France Benne, constitué de 43 adhérents spécialisés bennes et citernes, vient de créer une Commission « farines animales ». Outre les problèmes réglementaires, celle-ci abordera les questions d'adaptation du matériel. « Nous devons établir si il est nécessaire de dédier les véhicules engagés. Nous allons également réfléchir à notre positionnement par rapport à cette nouvelle activité » explique Richard Bruno, secrétaire général du réseau. « L'interdiction des farines animales devrait avoir de fortes répercussions sur l'activité bennes, en particulier dans l'Ouest de la France », ajoute Sylvie Plotton, secrétaire de la Commission Bennes de la FNTR (Fédération Nationale des transports routiers). Un dossier qui sera à l'ordre du jour de la réunion du 14 décembre prochain.

Devant l'émergence de ce nouveau marché, certains transporteurs restent sceptiques. « Avant de charger ces farines animales dans mes bennes, je dois être sûr de ne pas faire l'objet d'interdictions pour des produits de nature différente » souligne Jacky Chantelat, P-dg de CDV Transports (18). Spécialisés dans les bennes céréalières et citernes pulvérulentes, les Transports Argentais (35) ne souhaitent pas, pour leur part, se lancer dans cette activité. « Le transport de farines animales oblige à laver et désinfecter les citernes régulièrement, engendrant ainsi des coûts supplémentaires », prévient Pierrick Argentais. Directeur général adjoint de Tratel, Denis Jacquin confirme : « Nous devons faire appel à des stations agréées par la DRIRE (Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement) et disposant d'une installation pour récupérer les eaux de lavage ». Par ailleurs, « tout contact du conducteur avec le produit peut s'avérer très dangereux », avertit Patrick Depoortere, P-dg des Transports Larricq (79). Disposant d'un fort pouvoir calorifique, les farines animales sont considérées comme un déchet à risque. Leur acheminement est soumis à autorisation préfectorale. De plus, l'entreprise doit être agrémentée pour le transport de déchets. Enfin, « un laissez-passer vétérinaire est obligatoire », indique la Direction des Services vétérinaires du Finistère. Un certificat doit être signé au départ du véhicule, puis contre-signé par un responsable du site destinataire.

A retenir

> Le 14 novembre 2000, le gouvernement français a interdit l'incorporation des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage.

> Un million de tonnes de farines devront être détruites ou recyclées dès 2001 en France, notamment par le biais des cimenteries et usines d'incinération.

> Malgré des contraintes techniques et réglementaires, les transporteurs spécialisés (vrac, ciments, déchets) bénéficient d'un nouveau potentiel d'activité.

Une interdiction à 2 milliards de francs

Deux milliards de francs en 2001, c'est ce que devraient coûter à l'État français le stockage et l'élimination des farines animales, désormais inutilisables dans l'alimentation du bétail. D'ores et déjà, une trentaine de sites ont été réquisitionnés pour l'entreposage. Hormis les cimenteries, le gouvernement a sollicité Électricité de France, Charbonnages de France et les groupes pétroliers. Si les études de faisabilité s'avèrent satisfaisantes, ces derniers pourraient utiliser les farines comme combustible, celles-ci disposant du même pouvoir calorifique que le charbon. Toutefois, l'adaptation des usines nécessitera d'importants investissements.

En dehors de la France, c'est l'ensemble des pays de l'Union européenne qui est concerné par le problème du traitement des farines. Et ce depuis que, le 4 décembre, les ministres de l'Agriculture des Quinze ont décidé un moratoire de six mois sur leur utilisation dans l'alimentation des animaux d'élevage.

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