Où va la France ?

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Alors que Deutsche Post vient d'entrer en bourse à Francfort et entame la consolidation de ses acquisitions, La Poste tarde à boucler son rapprochement avec Geodis. Cette fusion d'entreprises publiques françaises est pourtant présentée comme le préalable au décollage de Geopost, qui ambitionne de se hisser au niveau des géants allemands et hollandais. En toile de fond de ces très lents mouvements, c'est la privatisation de La Poste qui est en jeu, pour cause de libéralisation européenne.

Les fiançailles de La Poste et de Geodis annoncées en mars dernier aboutiront-elles, comme prévu, à un mariage avant la fin de l'année ? Rien n'est signé et l'opération n'a pas été avalisée par les autorités compétentes. « Les négociations sont presque terminées », assurait courant octobre Alain Poinssot, président de Geodis, en précisant que « les opérationnels travaillent déjà ensemble depuis plusieurs semaines ». Ce rapprochement doit donner naissance à un holding (contrôlé à 51 % par La Poste et 49 % par Geodis), qui prendrait lui même au moins 60 % du capital de Geopost (société regroupant les activités colis et messagerie de La Poste). Le reste des actions doit être distribué aux alliés européens et américain (Fedex) de La Poste.

Une telle ouverture de capital permettrait au groupe public français d'entamer une privatisation douce (et discrète), tout en dégageant quelques liquidités. De quoi financer de nouvelles acquisitions tout en consolidant « capitalistiquement » les alliances actuelles. Peu gourmands en investissements, ces partenariats constituent un axe majeur dans la stratégie de développement international du groupe français.

La Poste a déboursé deux milliards de francs cet automne pour s'offrir deux opérateurs de poids sur le marché du colis britannique : le réseau Interlink Express (913 MF de CA) et Parceline (1,27 MdF de CA en 1999). Ce dernier n'est autre que le franchisé pour la Grande-Bretagne et l'Irlande de DPD Europe, réseau monocolis au sein duquel La Poste détient la franchise française depuis juin dernier. Elle confirme également son emprise sur DPD Allemagne (2e opérateur sur le marché allemand du colis) dont elle détient désormais 50,6 %. Ce qui ne lui permet pas d'obtenir la majorité de contrôle dont elle rêve. Pour cela, il lui faudrait posséder 75 % du réseau. 10 % des précieuses parts qu'elle convoitait sont tombées dans l'escarcelle de son homologue britannique Post Office. Pas de quoi décourager La Poste qui inlassablement, depuis deux ans, présente cette prise de contrôle comme sa principale ambition en terme de croissance externe.

18 milliards en 2001. Dans ces conditions, Geopost prétend déjà atteindre un chiffre d'affaires de 18 milliards de francs (2,7 milliards d'euros) en 2001. L'année suivante, le groupe espère capter 10 % du marché européen du colis (soit 2,5 % de plus qu'en 1999). Mieux, dans une interview, publiée par Le Figaro Eco du 21 novembre, Bertrand de Mascarel, président de Geopost, déclare : « La Poste française sera le deuxième opérateur du marché européen de la logistique ». Elle ne se contentera plus d'être seulement « livreur de colis » mais deviendra ainsi un « intégrateur de services », dès que « nous aurons terminé notre mouvement d'alliances, notamment avec Geodis », précise-t-il...

Pour réaliser cette ambition, l'ensemble constitué autour de La Poste devra au moins atteindre les 5 milliards d'euros de CA, soit le volume d'affaires réalisé en 1999 par le Hollandais TNT Post Group (TPG), actuel numéro 2 du marché colis et logistique. Le numéro un reste Deutsche Post avec 9,1 milliards d'euros de CA. Si ambitieux qu'il soit dans sa course au chiffre d'affaires, le groupe français pourrait atteindre son but sur abandon de l'adversaire batave. Privatisée en 1989, la poste néerlandaise s'est lancée dès 1996 sur le secteur privé du colis en reprenant les activités du groupe australien TNT. Loin de toute stratégie de croissance tous azimuts, elle semble aujourd'hui privilégier des activités comme la logistique (en particulier pour le secteur de l'industrie automobile) et l'express au détriment de la messagerie traditionnelle, métier moins rentable. C'est qu'il est difficile pour TPG de jouer au monopoly avec l'argent des actionnaires privés qui détiennent 55 % de son capital. Deutsche Post, dont 29 % des parts ont été placés en Bourse le 21 novembre dernier, devrait elle aussi être amenée à calmer certains appétits ou au moins à structurer son périmètre. A l'inverse de son homologue néerlandaise, la poste allemande entend proposer une offre globale sur le marché du transport et de la logistique à partir d'un « guichet unique » (traduction du fameux « one stop shopping »). C'est pour devenir un tel « supermarché du transport » qu'elle s'attaque à tous les fronts. En 5 ans, elle a dépensé 45 MdF en acquisitions. De quoi faire rêver La Poste française dont l'enveloppe n'a atteint, sur la même période, que 8 MdF. Consolation : la poste britannique (propriétaire d'Extand depuis le printemps 2000) était encore plus mal lotie jusqu'à ce que son gouvernement consente à lui accorder une certaine liberté. Cet automne, elle a acquis le statut de société commerciale et concentre ses efforts sur des créneaux voisins du courrier et du colis...

A retenir...

Grâce aux 13 MdF (2 milliards d'euros) de CA de Geopost, La Poste française figurerait au troisième rang sur le marché européen du colis. Loin derrière la Hollandaise TNT Post Group (5 milliards d'euros de CA) et l'Allemande Deutsche Post (9,1 milliards d'euros de CA).

> Des trois grandes postes européennes actives sur le marché du colis, La Poste française est désormais la seule à rester une entreprise contrôlée à 100 % par l'Etat.

Libéralisation postale
Un duel franco-allemand ?

En 1996, l'Allemagne et la France s'alliaient pour freiner le processus européen de libéralisation du marché postal afin de laisser le temps à leurs opérateurs publics respectifs de se préparer à la nouvelle donne. Le 22 décembre prochain, les deux pays s'affronteront dans le cadre de la réunion des ministres européens des Quinze au cours de laquelle seront fixées les prochaines étapes de cette libéralisation. Avec les Pays-Bas et la Suède, l'Allemagne prône désormais une libéralisation rapide à laquelle la France est farouchement hostile tandis que Espagne, Grèce, Italie et Portugal y sont plus tièdement opposés et que la Grand-Bretagne ne se prononce pas. La proposition de la Commission qui sera examinée fin décembre prévoit d'ouvrir à la concurrence en 2003 les lettres de plus de 50 grammes ou celles dont le prix est d'au moins 2,5 fois supérieur à celui d'une lettre ordinaire (contre actuellement 350 grammeset 5 fois le tarif de base).

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