Les transporteurs ont le vin mauvais

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Délais d'acheminement ultra serrés, risques clients trop élevés, manque de moyens humains et matériels, de nombreux transporteurs routiers ont laissé, cette année, le beaujolais nouveau en carafe. Une situation qui a globalement profité aux spécialistes du transport de vins et spiritueux. État des lieux.

Fin juillet, les Transports Frigorifiques Européens (TFE) ont jeté l'éponge : la filiale du groupe Stef-TFE a décidé de ne plus transporter de beaujolais primeur millésime 2000. « L'an dernier, l'opération beaujolais avait considérablement parasité notre organisation, ce qui a eu pour effet de perturber le service apporté à nos clients. De plus, au regard des moyens engagés, la rentabilité n'était pas satisfaisante », affirme Jean-Pierre Sancier, directeur commercial de TFE. Autre explication : le transporteur a fait le constat de la raréfaction des parcs de traction. « Il est très délicat, en fin d'année et dans le contexte actuel de pénurie en personnels roulants, d'enlever des volumes importants sur une aussi courte période ». Du coup, certains chargeurs ont dû construire en hâte un nouveau plan de transport. Les Établissements Jean Tête, un négociant qui écoule 650 000 bouteilles, ont eu toutes les peines du monde à trouver des fournisseurs. « Au lieu d'avoir un interlocuteur unique sur l'ensemble du pays, nous avons redécoupé la France en zones géographiques, puis nous avons pris notre bâton de pèlerin. Un vrai casse tête ! », lance Nicole Tête. « Les uns n'étaient pas satisfaits des prix, les autres ne pouvaient pas faire face à un surcroît d'activité. A croire qu'il n'y avait plus de transporteurs ».

Bouée de sauvetage. Une situation qui a profité à certaines entreprises absentes de ce marché. Spécialisée en transports de lots palettisés et en logistique, l'entreprise lyonnaise Epsilog (26 MF de CA avec 28 salariés et 15 véhicules) a ainsi chargé 25 tonnes de beaujolais qu'elle a ensuite distribué chez les grossistes, restaurateurs et cavistes du Rhône-Alpes, de l'Auvergne et du Sud-Est de la France. « C'est la première fois que nous travaillons pour le négoce. Je ne compte pas à terme développer cette activité. Je suis une bouée de sauvetage », assure Gérard Clément, gérant de Epsilog.

Les transporteurs « historiques » du beaujolais (Alloin, Alainé, Berry, etc.), des entreprises travaillant régulièrement pour le secteur des vins et spiritueux, ont, eux, répondu présents. « Cela fait 31 ans que nous transportons du beaujolais primeur », indique Michel Alainé, P-dg des Transports Alainé (71). Cette année, le transporteur de Mâcon (150 véhicules, 150 MF de CA) a mobilisé 160 camions dont un tiers en affrètement. « Ce qui a représenté environ 3 millions de bouteilles à expédier en huit jours ouvrables. Nous livrons les plates-formes de la grande distribution et les grossistes. Nous sommes également affrétés par des commissionnaires pour approvisionner les aéroports ». Selon Michel Alainé, trop de transporteurs se sont cassés les dents sur le beaujolais. « Ils prenaient ce marché car la conjoncture était moins favorable. Avec le retour de la croissance, ils sont retournés vers leurs secteurs de prédilection. Certains ont aussi fait le constat de leur inexpérience. Transporter du beaujolais demande de la rigueur et de la souplesse ». L'agence lyonnaise du messager rodézien Grimal a, elle, traité plus de 70 000 bouteilles. Elle s'est toutefois heurtée à la fuite des sous-traitants. « Avec la mise en place de la réduction du temps de travail, les tractionnaires ne veulent plus s'investir dans cette opération », note Patrick Colas, directeur du site lyonnais.

Pont aérien. Comme chaque année, le beaujolais nouveau a attiré les grands réseaux de messagerie. Lesquels s'en servent le plus souvent pour vanter la qualité de leurs prestations. Ainsi, Danzas a mis en place un « pont aérien » sur l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry - au total cet aéroport a expédié 7 000 t de beaujolais primeur - où 2 231 tonnes, soit plus de 2 millions de bouteilles, sont parties par avion. Au total plus de 4 millions de bouteilles ont été acheminées par la filiale de la Deutsche Post : 1,3 million par la route, 2 millions par avion et 800 000 par voie maritime. « En 1999, 452 000 hl de beaujolais nouveau, représentant environ 60 millions de bouteilles, ont été expédiés dont la moitié à l'international (l'Allemagne, le Japon et les États-Unis captent 73 % du marché de l'export). Une proportion que l'on devrait retrouver cette année », précise Anne Masson de l'Union interprofessionnelle des vins du Beaujolais (UIVB)

Les négociants mènent la danse des expéditions

En écoulant plus de 80 % de la production, les 280 négociants du vignoble du beaujolais font la pluie et le beau temps sur les expéditions. Sur le marché domestique, ils organisent directement les transports. « Il existe, explique Jean Tête, l'un d'entre eux, deux types de trafics : des camions complets emportant des palettes vers les grossistes et les grandes surfaces et la livraison au détail vers les restaurants, cavistes et particuliers. En revanche, à l'international, ce sont les clients du négoce qui prennent en charge les expéditions. » Quant aux coûts de transport, ils représentent entre 5 et 15 % du prix de vente final d'une bouteille.

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