«Aucune loi ou réglementation ne peut résoudre nos problèmes [...] La régulation des prix de marché n'est ni possible, ni efficace [...] A nous de trouver des solutions internes d'organisation, de management pour restaurer la rentabilité de nos entreprises. Nous demandons simplement à l'Etat de supprimer tout ce qui nous empêche de travailler normalement et surtout de ne pas aggraver la situation ! ». Tel est le message adressé par Alain Fauqueur et Alain Bréau aux pouvoirs publics lors du congrès de la Fédération des entreprises de transport et logistique de France (TLF) tenu les 24 et 25 octobre à Paris. Premières de la classe au plan social, les sociétés de transport françaises finissent bonnes dernières en rentabilité, observent les co-présidents de l'organisation. Ainsi, leur ratio « excédent brut d'exploitation/chiffre d'affaires » ne dépasse pas 8 % contre 17 à 20 % pour leurs principaux concurrents européens, selon le rapport de la Commission des comptes transport de la Nation pour 1999. D'où la priorité absolue posée par TLF : restaurer la compétitivité des entreprises qui ont subi une hausse de leurs coûts de 15 % sur 18 mois.
Cette démarche incombe aux entrepreneurs et non à l'Etat, insiste le directeur général de Giraud. Les entreprises doivent devenir plus fortes et mieux armées commercialement afin que soit assurée une meilleure répercussion des coûts auprès des clients. Les adhérents placent d'ailleurs cet impératif au deuxième rang de leurs préoccupations (33 % de citations) après le prix du carburant (42 %) selon une étude menée par l'IFOP à la demande de TLF.
D'instances européennes « qui ne prennent aucune décision », TLF n'attend également que le minimum vital à savoir l'harmonisation sociale. Or, la possibilité d'aboutir à un accord européen sur les temps de service n'est pas même évoquée par le ministre des Transports. Visiblement, la présidence française de l'UE concentre ses efforts sur un autre volet de son « paquet social » : l'attestation d'emploi des chauffeurs. Elle prendrait la forme d'une licence du conducteur délivrée par les administrations des Etats membres aux seuls personnels « correctement employés » si la proposition de Jean-Claude Gayssot est adoptée. Au plan français, «des assouplissements devront être accordés pour les heures supplémentaires car la réduction du temps de travail vient à contre-conjoncture compte tenu du manque de main d'oeuvre ».
Pas question de recourir à des conducteurs étrangers - « nous ne sommes pas des Willi Betz » - pour pallier cette pénurie. En revanche, les entreprises risquent de « changer de région au sein de l'Europe ». Réponse lapidaire du ministre des Transports à cette mise en garde : « la pénurie de chauffeurs devrait conduire à réfléchir à l'évolution des rémunérations à venir ».
Transparence des financements publics. Le respect des règles de la concurrence par tous les modes et tous les acteurs constitue une deuxième priorité pour TLF. Elle implique la libéralisation des activités ferroviaires, des services portuaires et postaux en Europe mais aussi la transparence des financements publics. « Comment la Deutsche Post finance-t-elle ses acquisitions dans le secteur de la messagerie ? » s'interroge Alain Fauqueur. « Nous attendons le verdict de la Commission européenne, car ce n'est pas à nous d'être juges. Mais nous n'accepterons pas que les pouvoirs publics ignorent les règles qu'ils ont eux-mêmes édictées ».
Ne pas transférer sur les entreprises des responsabilités qui incombent à l'Etat, telle est la dernière nécessité exprimée par l'organisation professionnelle. Laquelle l'illustre de deux contre-exemples : les clandestins et la sous-traitance. En collaboration avec l'Association française des transporteurs routiers internationaux, une lettre ouverte a été adressée au président de la République et au président de la Commission européenne. Ce courrier signé de représentants professionnels des Quinze attire l'attention des Politiques sur une « présomption de culpabilité vexatoire pour toute une profession ». En matière de sous-traitance dans la messagerie, TLF demande qu'un travail de clarification soit mené entre la profession et les services de l'Etat afin de savoir « ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas ». Le Conseil National des Transports sera chargé de réfléchir à un contrat-type, a indiqué le ministre, « oubliant » qu'un tel projet dort dans les tiroirs de cet organisme depuis plus d'un an.
> Une régulation des prix de marché serait inefficace et aucune réglementation ne permettra aux entreprises de retrouver une rentabilité mise à mal par les hausses de coûts, estime la Fédération des entreprises de transport et logistique de France (TLF).
> Que l'Etat n'aggrave pas la situation par des charges ou contraintes supplémentaires, qu'il supprime ou atténue celles existantes, tel est le souhait exprimé par Alain Fauqueur et Alain Bréau, co-présidents de TLF.
> Instaurée à l'échelle communautaire, une régulation fiscale des coûts de transport autoriserait les professionnels européens à travailler sur un même pied d'égalité, suggère Daniel Chevallier, président de l'Unostra.
64% de ses adhérents approuvent la position de TLF - qui fut la seule organisation à signer l'accord proposé par le gouvernement et la première à lever les barrages - lors du dernier conflit. C'est ce qui ressort d'une enquête réalisée par l'IFOP à la demande de cette fédération. Le sondage fait apparaître une forte réticence des dirigeants interrogés à l'égard d'actions de blocages. Pour 71 % d'entre eux, l'outil privilégié de l'organisation professionnelle doit être le lobbying auprès des pouvoirs publics. Seulement 26 % sont pour la manière forte. Alain Bréau, co-président, les rassure: « trop de risques sont en jeu pour que nous réitérions souvent de tels mouvements de protestation».
Mettre en place une politique de régulation à l'échelle communautaire. Telle est la proposition formulée par Daniel Chevallier lors du congrès de l'Unostra, tenu les 26 et 27 octobre à Poitiers.
« Faute d'harmonisation par les règles, pourquoi ne pas harmoniser en agissant directement sur les coûts, par des taxes de compensation ? », suggère Daniel Chevallier, président de l'Unostra. « Ainsi les pays à coûts d'exploitation bas rattraperont ceux à coûts élevés, plaçant toutes les entreprises de l'UE sur un pied d'égalité, les différences de performance ne se faisant que par la qualité de service et la réalisation de gains de productivité licites ». Cette idée s'inscrit dans la ligne politique de l'Unostra, qui a toujours fait de la régulation du transport routier son cheval de bataille, soutient Daniel Chevallier. En témoignent les lois sur la sous-traitance ou sur les prix abusivement bas dont elle est à l'origine. Ces textes « ont peut être montré leur limite », admet l'Unostra qui se félicite du toilettage entrepris. Quant à la nouvelle condition de capacité financière, « qui n'est pas instituée contre les entreprises mais pour elles », l'organisation veillera à ce qu'elle soit appliquée « avec discernement ». La réactivation de l'aide à la cessation d'activité pour les transporteurs âgés pourrait valablement l'accompagner. En matière de sous-traitance, l'organisation ne s'oppose pas à l'idée d'un contrat type pour tenter de freiner les requalifications des contrats de sous-traitance en contrat de travail. En revanche, elle n'acceptera pas celui déjà mis au point par le Conseil National des Transports.
Les allégements accordés aux transporteurs suite au blocus des dépôts pétroliers ne comblent pas le déficit accumulé du fait de l'augmentation du gazole non répercutée, note également Daniel Chevallier. La profession en tire une certaine amertume, amplifiée par le refus de Bercy d'opérer un remboursement sur les neuf premiers mois de l'année ainsi que s'y était engagé le ministère des Transports. De même, assure le président de l'Unostra, l'exclusion des véhicules inférieurs à 7,5t du bénéfice de la ristourne ne peut être acceptée « à moins que des mesures de compensation équivalentes ne soient trouvées ». Dans le même ordre d'idée, l'oubli des véhicules compris entre 2 t et 7,5 t lors de la suppression de la vignette automobile est qualifié de « provocation ». Reste que les allégements fiscaux « toujours les bienvenus pour soulager les trésoreries ne compenseront jamais l'absence d'augmentation tarifaire». Aussi l'Unostra se dit-elle déçue par la clause de révision intégrée dans les contrats types. Cette disposition « de compromis» est donc à revoir d'urgence. Dans une conjoncture où l'offre et la demande de transport semblent enfin s'équilibrer, observe Daniel Chevallier, les prix de transport devront permettre aux entreprises de dégager des marges et constituer leur haut de bilan.