Le transport est le seul secteur d'activité français à avoir connu une augmentation des défaillances d'entreprises de 0,8 % sur les neuf premiers mois de l'année (par rapport à la même période en 1999), alors que les autres branches affichent un recul supérieur à 10 %. De janvier à septembre, 1 456 transporteurs ont déposé le bilan, dont 389 sur les trois derniers mois. C'est ce que révèle l'enquête trimestrielle de Dun & Bradstreet. Une situation causée principalement par la flambée des coûts de revient, qui devrait d'ailleurs se poursuivre. D'une part, avec la faiblesse de l'euro et la crise politique au Moyen-Orient, le cours du baril de pétrole poursuit sa progression, se répercutant sur le prix du carburant. La réduction du temps de travail entraînera, d'autre part, de nouvelles dépenses pour les entreprises qui ne l'ont pas mis en place. « L'argument du gazole s'impose plus facilement que celui du social. Ce dernier amène une certaine réticence des chargeurs, qui connaissent les mêmes contraintes », lance Bernard Liébart, P-dg des Transports Liébart (51) et président de l'union régionale FNTR de Champagne-Ardennes.
Les PME en difficulté. Les transporteurs ont eu quelques difficultés à répercuter les hausses. Les PME sont les plus touchées par cette situation, en particulier celles de moins de 5 salariés. « Or, les entreprises de petite taille représentent 90 % du secteur », indique Thierry Millon de Dun & Bradstreet. Elles pèsent insuffisamment sur leurs clients pour bien négocier leurs prix. Patrick Verstaeten confirme : « L'envolée des coûts pénalise davantage les PME réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 5 MF, surtout si elles sont sous-traitantes ». Les plus grosses sociétés ont su mieux résister, notamment parce qu'elles disposent généralement de fonds propres plus importants. De plus, « le haut niveau d'activité leur a aussi permis de sélectionner les trafics les plus rentables. Ainsi, elles parviennent, pour l'instant, à maintenir leur équilibre financier », souligne Bernard Liébart. Une grande majorité des transporteurs admettent avoir réussi à faire évoluer leurs prix de façon plus favorable qu'en 1999, d'après l'enquête d'opinion du SES (Service Economique et Statistique du Ministère des Transports). Une étude statistique du même organisme montre que l'indice de prix du transport routier de marchandises, calculé au véhicule-kilomètre, progresse aux premier et deuxième trimestres respectivement de 1,4 % et 3,5 %. Et ce après une stabilité sur les troisième et quatrième trimestres 1999.
Revalorisations tardives. Toutefois, les revalorisations tarifaires ne compensent souvent que partiellement les surcoûts. D'autant que « les entreprises ont pris du retard entre la flambée du gazole et le moment où elles ont augmenté leurs prix », indique Jean-Paul Grard, directeur financier de NETS (Nord Express Transport Stockage, 59) et administrateur pour le nord de l'Unostra. Les hausses de tarifs ne se feront ressentir que sur le second semestre, sans vraiment compenser le premier. La ristourne consentie par l'Etat ne sera effective que l'année prochaine et ne résout pas les actuels problèmes de trésorerie. Signe des difficultés, Patrick Verspaeten, directeur du marché des transports chez BNP-Paribas Lease, a constaté une progression de 20 à 30 % des taux d'impayés depuis juillet. De leur côté, Bernard Grard et Yves Bégasse s'attendent à des défaillances plus importantes en fin d'année et au 31 mars (fin d'exercice pour certains transporteurs). « Environ 10 % des entreprises devraient souffrir, notamment à cause de la capacité financière obligatoire début 2001 », explique Bernard Grard. Et ce dans un contexte de surchauffe où la demande domine l'offre. D'après Thierry Millon et Patrick Verspaeten, les indicateurs généraux élaborés par les organismes Dun & Bradstreet et BNP-Paribas Lease Group le confirment. Pour la fin de l'année, les dernières enquêtes d'opinion des transporteurs routiers laissent apparaître un profil de croissance continue. Bernard Grard croit, pour sa part, à une activité soutenue jusqu'à fin 2001. Néanmoins, « les comptes des entreprises seront globalement médiocres, comme en 1999 », annonce Patrick Verstaeten. Thierry Millon constate, quant à lui, un essoufflement global des perspectives, du à la forte pression sur les résultats d'exploitation. « Une tendance négative qui reste à confirmer », précise l'analyste.
« Les dépôts de bilan de la filiale BSAD en mars et de l'ensemble du groupe volailler Bourgoin fin août (racheté début octobre) ont entraîné la chute de certains de ses prestataires de transport », affirme Yves Bégasse, secrétaire général FNTR Bretagne. Ils ont notamment causé la mise en liquidation judiciaire de LEDT (Logistique Européenne de Distribution et de Transport) en mars. Face à l'envolée des coûts de revient, les transporteurs bretons souffrent d'autant plus qu'ils évoluent sur un marché à faible valeur ajoutée, celui de l'industrie agroalimentaire. Ils ont donc davantage de difficultés à répercuter les hausses de coûts sur leurs tarifs. C'est sans doute pour ces raisons que la Bretagne figure au hit parade des régions les plus touchées par la hausse des défaillances, avec une progression de 58 % du deuxième au troisième trimestre de l'année.
Le volume de marchandises en tonnes-km acheminées par les entreprises de transport routier n'a progressé que de 1,8 % sur les sept premiers mois de l'année par rapport à la même période en 1999, d'après une étude statistique du SES (Service Economique et Statistique du Ministère des Transports). Les transporteurs témoignaient pourtant d'une forte poussée de leur activité au deuxième trimestre 2000 selon l'enquête d'opinion réalisée par le SES. D'après cette même source, ils tablaient sur une poursuite de la croissance au second semestre. Mais selon une autre enquête de conjoncture de l'AFT-IFTIM, également basée sur les opinions des chefs d'entreprise, ceux-ci affichaient un optimisme plus prudent en invoquant la pénurie de conducteurs et la dégradation des situations de trésorerie.
En terme de rentabilité, les transporteurs ont sensiblement revu à la baisse leurs prévisions pour 2000 selon l'enquête PME-PMI de BNP-Paribas Lease Group (ex-UFB Locabail). Même si 47 % d'entre eux déclarent avoir pu augmenter leurs tarifs. Les perspectives d'investissements pour l'ensemble de l'année 2000 sont également en net recul par rapport à 1999. Les chefs d'entreprise de transport s'attendent à une nouvelle hausse de leur volume d'affaires et leur niveau de confiance se maintient (74 %). Mais il se situe en dessous de la moyenne nationale (86 %).