Les symptômes d'une convalescence ?

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Hausse à deux chiffres des tarifs, rationalisation des trafics, ce sont les évolutions vers lesquelles semble s'orienter le transport frigorifique poussé par le double choc pétrolier et social et porté par un marché demandeur. Simple affaire de conjoncture ou véritable signe de maturité du secteur ?

De 10 à 18 %, c'est la fourchette des hausses que devraient avoir subi les prix des prestations de transport frigorifique entre la fin 1999 et le début 2001. Si amère soit elle, cette « pilule » a de belles chances d'être avalée par les clients, poussés par un marché concentré et en forte sous-capacité. En jouant la carte « revalorisation des tarifs », Stef-TFE (4,8 MdF de CA transport), le grand leader du secteur, a conforté les autres opérateurs dans leur démarche. Après les augmentations négociées successivement en janvier, juillet, septembre et octobre 2000, Stef-TFE procédera à une nouvelle revalorisation de ses tarifs en janvier 2001. Au total, ses prix transport devraient avoir suivi la même courbe que celle des coûts : soit de + 15 % à + 18 %. C'est un peu plus que les 10 à 15 % sur lesquels avoue tabler le Breton STG (800 MF de CA frigo) ou que les 13 % de hausse qu'espère totaliser le Basque Olano (500 MF de « volume d'affaires » dans le transport de lot de marchandises sous température dirigée). Ce dernier souligne que : « Les négociations sont plus difficiles avec les grands distributeurs qu'avec les producteurs » tandis que l'Auvergnat Bernard Prat, P-dg de Prat (50 MF de CA, groupage) - qui table sur une hausse de 10 à 20 % -, s'étonne au contraire de la bonne volonté dont font preuve les grandes surfaces depuis la rentrée. « Il est vrai que les produits frais supportent difficilement de ne pas livrés rapidement et que l'offre de transport est inférieure à la demande », glisse-t-il. Liée pour partie à la concentration et à la restructuration qu'a connu le marché ces dernières années, la pénurie de camions frigorifiques résulte aussi du manque général de conducteurs. Un phénomène qu'a accentué la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail : « Une heure supplémentaire effectuée par un conducteur fait perdre à toute l'entreprise le bénéfice des allégements de charges sociales accordés dans le cadre de la RTT », souligne Francis Lemor, P-dg de Stef-TFE. Où trouver de la main d'oeuvre ? Chez TFE, on avoue recruter de l'autre côté des frontières : « beaucoup en Belgique mais également en Suisse, en Allemagne et en Espagne ». « Nous faisons appel à des intérimaires (lesquels se font aussi de plus en plus rares). Ce qui est fort coûteux », souligne Jean-Yves Gautier, directeur général de STG.

Productivité. Résultat : il est souvent plus intéressant de sacrifier des trafics. Ce qui peut exiger d'abandonner certains clients qu'il s'avère finalement onéreux de servir. Mais pas toujours. « Nous avons revu nos plans de transport en réduisant les fréquences des tournées. Nous avons notamment arrêté les tournées du samedi. Finalement, certains clients aussi y trouvent leur compte : l'augmentation des poids moyens des envois leur permet d'absorber la hausse du prix de la livraison », explique Jean-Yves Gautier. Stef-TFE est également en train de normaliser son offre en messagerie. Les nouvelles règles, qui ne sont pas encore définitivement posées, viseront notamment à relever le rapport poids/volume - qui a chuté de 5 à 6 % - et à établir une uniformisation des étiquetages. « Nous ne pouvons pas offrir un service à la carte à un petit client. Des standards extrêmement stricts d'entrée dans notre réseau permettront d'éliminer tout ce qui est source de non productivité et de réserver notre capacité humaine au service des clients dédiés et de ceux qui jouent le jeu », déclare Francis Lemor. Ce souci de rationalisation n'est pas l'apanage des grands. « Nous nous efforçons de sensibiliser nos clients à l'idée que le temps est un coût et que nos prestations ne se résument pas à des questions de kilomètres. Nous ne pouvons plus passer une demie heure ou une heure à livrer des petits lots facturés 40 ou 50 F. Nous travaillons désormais sur rendez-vous avec un planning très serré », témoigne Bernard Prat.

Un optimisme prudent. S'ils admettent que le « double choc pétrolier et social » a favorisé certains réajustements en leur faveur, les transporteurs frigorifiques affichent un optimisme prudent. « Théoriquement, on est en bonne voie mais çà ne veut pas dire qu'on ait gagné la guerre », prévient Bernard Prat. « Il aura fallu attendre que tout le monde soit très très mal pour réussir à passer une hausse de prix à deux chiffres qui, finalement, ne fait que compenser l'inflation des coûts que nous subissons depuis trois ans, constate Jean-Yves Gautier. Et nous sommes loin d'avoir fini de mettre en place la RTT. Chez STG, nous sommes déjà à 40 heures pour la distribution mais il faudra arriver à 37 heures en 2002 ». Pour Francis Lemor, le social génère « un changement structurel majeur ». « Nos exploitations demain ne fonctionneront plus comme hier. Il serait déraisonnable de ne pas anticiper. Ceux qui ne suivront pas une telle politique constateront les dégâts sur leurs comptes d'exploitation », prévient-il. « Les plus fragiles et ceux qui n'ont pas opéré une rapide revalorisation des tarifs ne pourront survivre », confirme Bernard Traff. Ce qui pourrait finir d'assainir un marché qui semble en passe de devenir « majeur ». Dans le frigo, comme dans d'autres secteurs d'ailleurs, les transporteurs affirment que pour eux, comme pour leurs concurrents, la quête de la rentabilité a détrôné la chasse aux parts de marché. Ce mouvement est-il durable ?

Exel Froid France
Bientôt sans Exel ?

Exel France Froid devrait faire l'objet d'un RES (rachat d'entreprise par ses salariés). Le montage de l'opération n'a pas été dévoilé. 40 % du capital pourraient être repris par les 4 ou 5 principaux cadres de l'entreprise, 11 % par le reste du personnel et le solde par « capital risqueur ». Le RES a été proposé, le 20 septembre, au personnel de la société par son actionnaire majoritaire Exel France, elle même filiale de « New » Exel. Ce dernier est issu de la récente fusion des deux groupes britanniques NFC (rebaptisé du nom d'Exel, son unique filiale, en février dernier) et Ocean-MSAS. L'opération a abouti à la naissance d'un ensemble totalisant quelque 3,5 milliards d'euros (23,5 MdF) de chiffre d'affaires réalisés essentiellement sur le marché de la logistique « marchandises générales ». « New » Exel est présent sur ce créneau dans l'Hexagone via Exel France (250 MF de CA en logistique dédiée) et MASAS-Ocean (200 MF de CA en entreposage clients). Exel France Froid avec ses activités de messagerie frigorique est, elle, fort éloignée du core business du groupe. Elle présente en plus le défaut d'être fortement déficitaire. L'entreprise s'est engagée « sur une courbe de redressement pendant trois ans grâce à certains ajustements au rang desquels figurent une diversification de l'activité messagerie et le développement de l'affrêtement ». Ses pertes nettes de 58,5 MF en 1997 ont été réduites à 44,3 MF en 1998 et à 35,8 MF en 1999. Mais Exel Froid France replongera « sans doute » plus profondément dans le rouge en 2000. « Il s'agit cette fois de pertes purement conjoncturelles », précise Dominique Chaume, porte-parole de l'entreprise, qui table sur un chiffre d'affaires messagerie frigorifique de 1,1 MdF. A l'origine de la contre-performance enregistrée cette année : les surcoûts subis par l'ensemble de la profession mais également une grève. Organisé en juillet dernier par les personnels de l'agence reimoise d'Exel (auxquels se sont joint par solidarité les salariés de trois autres sites), le mouvement social visait à protester contre une « délocalisation » des activités « départ » consécutive à la décision d'un client d'Exel de « réinternaliser » sa logistique. « Un accord a été trouvé au bout de quelques jours jours mais la grève a coûté une semaine de trafic national à l'agence reimoise. De plus, remettre en marche un entrepôt frigorifique suppose de respecter un certain nombre de procédures sanitaires », explique Dominique Chaume. Accueilli favorablement par les personnels, le RES - qui prévoit qu'aucune agence ne sera fermée - devrait contribuer à éviter de telles tensions sociales. « Exel Froid va devenir une entreprise à taille plus humaine dont les salariés connaîtront les dirigeants. Elle sera aussi plus proche de ses clients. Après avoir été filiale d'un groupe étranger, elle va gagner une image plus nationale, souligne Dominique Chaume. Ce qui ne l'empêchera pas de rester européenne. Nous poursuivons la construction de notre réseau notamment sur l'Allemagne en partenariat avec Dachser grâce auquel nous proposerons bientôt une ligne quotidienne. D'autres négociations sont en cours sur l'Allemagne et l'Espagne ».

A retenir...

> Les prix de transport frigorifique devraient avoir été revalorisés de 10 à 18 % entre la fin 1999 et le début 2001.

> Exel Froid France, alias les activités messagerie frigorifique du groupe britannique Exel en France, devrait faire l'objet d'un RES dans les prochains mois.

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