Après une réunion extraordinaire le 20 septembre sur fond de crise du gazole, le premier conseil des ministres Transport « ordinaire » de la présidence française de l'Union européenne se tiendra le 2 octobre prochain à Luxembourg. Un rendez-vous dont Jean-Claude Gayssot attend quelques avancées sur des dossiers qu'il juge prioritaire : le réseau transeuropéen de fret ferroviaire mais surtout l'harmonisation sociale et en particulier celle des temps de travail, de conduite et de repos pour tous les conducteurs routiers européens. Un dernier point sur lequel le ministre français des Transports a manifesté son ambition de « dégager un accord politique entre les Quinze avant la fin de la présidence française » (soit avant décembre 2000). Les ministres des Transports vont examiner le 2 octobre la dernière proposition de directive « temps de travail » émise le 21 juin par la Commission. En excluant temporairement du dispositif les « indépendants », ce texte aplanit quelques difficultés. Il vise notamment à satisfaire l'Espagne, la Finlande et l'Italie (des pays où les artisans transporteurs sont très nombreux) et le Royaume-Uni (plus favorable au libéralisme qu'à toute harmonisation européenne), qui s'affichent résolument opposés à l'inclusion des artisans transporteurs dans le champ d'application de la directive. Au point d'aboutir à un accord ? Vraisemblablement pas. D'abord parce que certains points posent toujours problème. C'est le cas des dérogations auxquelles tiennent certains pays - comme le Royaume-Uni - tandis que d'autres - comme la France - les jugent contraires au principe même d'harmonisation.
Le boulet fiscal. Ensuite et surtout parce que l'adoption et l'applicabilité du volet social est, pour la plupart des membres de l'Union Européenne, indissociable du fiscal. Dans son projet de conclusion du conseil Transport « spécial crise du gazole » du 20 septembre, Jean-Claude Gayssot spécifiait que « l'Union doit sans tarder procéder à un rapprochement des fiscalités indirectes en particulier dans le domaine des carburants ». Or, dans le texte final, il se contente de signaler que les ministres « ont débattu de l'importance de la question fiscale dans les prix du carburant tout en soulignant que celle-ci relève du Conseil Ecofin », autrement dit des ministres de l'Economie et des Finances. Un véritable constat d'échec après 7 heures de discussion essentiellement centrées sur ce thème. Les conditions n'étaient certes pas des plus favorables au consensus. Ce n'est en effet qu'après avoir pris des mesures nationales pour sortir de « son conflit routier » que le président français du conseil Transport a organisé cette réunion destinée « à définir une stratégie commune pour limiter l'impact négatif du prix du pétrole sur tout le secteur transport ». Résultat : les ministres européens lui reprochent non seulement d'avoir organisé cette réunion trop tardivement pour pouvoir encore adopter une stratégie commune mais également d'avoir donné le mauvais exemple en mettant en place une TIPP « flottante ». Laquelle risquerait, selon l'Allemand Reinhard Klimmt, d'engager la France dans un « engrenage baissier » contraire aux objectifs européens de renchérissement des taxes sur les carburants pétroliers.
La France coupable. La Néerlandaise Tinneke Netelenbos déplore, elle, que la France ait rendu impossible toute action commune : « les Pays Bas voulaient des mesures à l'échelle de l'UE mais la France, l'Italie et la Belgique en ont décidé autrement ». Elle témoigne là d'une jolie mauvaise foi puisque son pays a été avec la France et l'Italie l'un des premiers à accorder aux transporteurs des mesures compensatoires comprenant notamment une réduction des taxes sur le carburant (cf. encadré). La Belge Isabelle Durant juge, de son côté, que Jean-Claude Gayssot a « donné un signe négatif aux pays producteurs de pétrole » qui risque de les encourager à augmenter leurs prix. Un point sur lequel elle rejoint Loyola de Palacio, commissaire européen aux Transports, qui répète que : « L'Union européenne doit parler d'une seule voix de sorte à renforcer sa position par rapport aux pays producteurs de pétrole » et qui regrette la cacophonie entre les pays membres sur le dossier gazole.
Restent quelques points d'accord. Les ministres des transports de l'UE souhaitent ainsi « un dialogue plus permanent avec l'Opep pour garantir un approvisionnement du marché mieux adapté » et « demandent à la Commission de continuer à veiller à ce qu'aucune politique de cartel ou d'entente ne viennent renchérir coûts à la pompe ». Ils prônent encore une fois un « rééquilibrage en faveur des modes de transports alternatifs à la route, plus favorables à l'environnement et à la sécurité, en particulier le rail ». Ce qui suppose une harmonisation des infrastructures entre États membres dont on « est à des années-lumière » a commenté le Luxembourgeois Henri Grethen.
Un forum « transport ». Plus concrètement, « constatant que les entreprises de transport ne parviennent toujours pas à obtenir des chargeurs la rémunération adéquate de leurs prestations », les ministres estiment que « l'équilibre des entreprises doit conduire à intégrer le coût réel des carburants dans les prix de marché ». Ils « recommandent la création d'un forum européen, réunissant, auprès de la Commission, les représentants des professions concernées, chefs d'entreprises et salariés, transporteurs et chargeurs, ainsi que des experts des États membres afin d'examiner tous les facteurs agissant sur la compétitivité des transports et réfléchir à l'adaptation des structures de ce secteur ».
> Un conseil exceptionnel des ministres européens des Transports s'est réuni le 20 septembre pour tenter, en vain, de trouver une stratégie commune face à la crise du gazole.
> Le prochain conseil des ministres européens des Transports se réunira le 2 octobre. Les Quinze examineront la dernière proposition de directive de la Commission sur l'harmonisation des temps de travail, de conduite et de repos dans le transport.
> Le 2 octobre, la Fédération européenne des syndicats de transport (ETF) bloquera les frontières luxembourgeoises dans le cadre de sa désormais annuelle Euro Action.
Blocage des frontières luxembourgeoises à partir du 1er octobre dès 22 heures et pendant toute la journée du 2, telle sera la forme que prendra l'Euro Action 2000 organisée par la Fédération européenne des transports (ETF). Le jour où se tiendra, au Grand-Duché, le Conseil des ministres des Transports, les syndicats européens de salariés du transport routier en profiteront pour faire entendre leurs revendications sur les conditions de travail des conducteurs. Dans une lettre ouverte aux ministres des Transports de l'Union européenne, l'ETF réclame notamment une adoption rapide de la directive sur le temps de travail des conducteurs routiers. Laquelle garantirait une durée hebdomadaire moyenne de 48 heures accompagnée d'un plafonnement à 60 heures, une période de référence d'un mois pour le calcul du temps, l'intégration des temps d'attente et l'absence de dérogations. L'organisation souhaite également amender le règlement européen 38.20 en abaissant la durée du temps de conduite et en l'étendant à l'ensemble des conducteurs, indépendants et salariés. L'action rassemblera des syndicats allemands, belges, hollandais, anglais, danois, italiens, espagnols et français, dont la CGT, CFDT et FO.
Le 4 octobre, les mêmes organisations répondront cette fois à l'appel de la Fédération internationale des Transports (ITF). Là encore, des blocages devraient être organisés dans les différents pays européens. Les syndicats français prévoient, eux, de bloquer l'axe France-Espagne à Irun et au Perthuis.
Introduire une vignette aux frontières pour les poids lourds étrangers, laquelle serait destinée à lutter contre le dumping social pratiquée par des entreprises « employant du personnel bon marché » ; accorder des prêts bonifiés pour les pme du transport routier en difficulté. Ce sont les deux mesures annoncées le 26 septembre par le chancelier allemand Gerhard Schroeder qui entend ainsi réduire « des distorsions de concurrence dont sont victimes les transporteurs allemands sur le marché européen ». Ceux-ci convergeaient le jour même vers Berlin pour protester contre la hausse du prix du gazole. A l'appel de l'association nationale des transporteurs BGL, ce sont 3 000 poids lourds et 7 000 personnes qui ont participé à la manifestation berlinoise. Les protestataires réclamaient la levée de la taxe verte qui alourdit le prix du carburant de 20 centimes/an pendant trois ans. Une exigence que le gouvernement allemand refuse catégoriquement de satisfaire. Les transporteurs ont déjà annoncé d'autres actions si le gouvernement continue à camper sur ses positions. Selon le BGL, le renchérissement du gazole à lui seul a entraîné une augmentation du coût de revient des entreprises de 9 % en moyenne en un an. Une situation qui mettrait 10 000 entreprises en péril à court ou moyen terme.