En quête de reconnaissance

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Les entreprises de transport léger ne sont pas contentes et le clament bien haut. A peine ont-elles accédé officiellement au statut de transporteur à part entière, qu'elles se voient écartées des mesures d'allégement fiscal accordé à la profession. Ce camouflet apporte de l'eau au moulin de certains syndicats représentant les « moins de 3,5t ». Lesquels incriminent le total manque de reconnaissance de ce secteur d'activité. D'où les rapprochements opérés avec les « grandes » fédérations professionnelles et l'émergence de nouvelles associations de défense. Etat des forces en présence.

«Les transporteurs légers sont des transporteurs à part entière depuis le début septembre, date à laquelle ils avaient obligation de s'inscrire au registre professionnel. Résultat : nous subissons désormais toutes les contraintes liées à cette profession et ne bénéficions d'aucun avantage » fulmine Pierre Roux, directeur général adjoint de Colitel et vice-président du SNTL (Syndicat national des transports légers). Malgré ses 14 000 entreprises (dont 1100 de courses) représentant 34 000 emplois, un chiffre d'affaires annuel estimé à 13 MdF, un parc d'environ 21 500 véhicules légers, 6500 voitures particulières et deux roues (1), le transport léger ressent plus que jamais un total manque de considération à son égard. De la part des pouvoirs publics - « la nouvelle réduction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers ne nous concerne pas davantage que l'ancienne » observe Pierre Roux - comme de certaines organisations professionnelles. « Seule la Fédération des entreprises de transport et logistique de France a essayé de faire passer notre message. Les autres nous considèrent comme des bandits », constate le président du SNTL, Jean-Luc Bourdil. « Nous n'avons pas été oubliés. On ne s'est tout bonnement pas aperçu que nous étions là », soutient pour sa part Patrice Affergan, président de l'UPTEF (Union professionnelle du transport express de fret). En tant que dirigeant d'une entreprise de 22 salariés, il reconnaît qu'un geste gouvernemental aurait été le bienvenu. Début septembre, l'augmentation du gazole représentait 600 à 800 F en circulation urbaine, 2700 à 3500 F en tractions par véhicule et par mois, chiffre-t-il. En tant que président de l'UPTEF, Patrice Affergan préfère que les pouvoirs publics se soient abstenus : « Mieux vaut ne rien avoir obtenu, car la profession n'est pas assez organisée : le gain fiscal aurait été immédiatement redistribué aux clients ». Ce point de vue n'est nullement partagé par Guy Fontana, président du SAPMEF qui revendique 400 entreprises de transport léger parmi ses 1500 adhérents. « Pourquoi deux poids, deux mesures ? », s'insurge-t-il. « Le transport express doit bénéficier de la ristourne sur le carburant ». Cette revendication devrait être portée devant le Directeur des Transports Terrestres par une délégation. Guy Fontana s'apprête à adresser un courrier en ce sens à Hubert du Mesnil.

Alliances. En mai dernier, le SNTL - qui revendique une centaine d'adhérents employant quelque 3300 salariés - a quitté la Fédération nationale des transporteurs routiers pour rallier TLF. But de ce rapprochement avec une « puissante » fédération : permettre au syndicat de « bénéficier d'un relais dans la défense des intérêts de notre secteur et d'un appui dans les négociations avec les pouvoirs publics ». Avec une cinquantaine d'adhérents, l'UPTEF, basée à Aix-en-Provence et proche de TLF, s'apprêterait, elle, à un cheminement inverse. Des discussions en cours pourraient déboucher sur une convention avec la FNTR, indique Patrice Affergan. Lequel s'est fixé une priorité : « Que notre profession soit reconnue par une telle organisation afin de mener une démarche constructive selon une logique entrepreneuriale ».

Ce double mouvement traduit toute la difficulté des syndicats de transporteurs légers à faire entendre leur voix. « Le métier du transport léger n'est pas assez corporatiste », analyse Patrice Affergan. « C'est normal : il apparaît à peine avec l'obligation de détenir une licence de transport intérieur ». Loin de le percevoir comme une contrainte, ce régime représente selon lui un premier acte de reconnaissance : « faute d'un tel dispositif, nous risquions de disparaître sous le coup de requalifications des contrats de sous-traitance en contrats de travail ». D'ailleurs, le président de l'UPTEF assure avoir mené beaucoup de discussions avec les grands donneurs d'ordre tels que DHL, Chronopost ou Hays DX pour les convaincre de ne travailler qu'avec des louageurs titulaires d'une licence. Côté SNTL, Jean-Luc Bourdil se dit amer : « Nous avons accepté la loi Gayssot et toutes les procédures administratives qui en découlent. La charge de travail s'est beaucoup alourdie pour nos entreprises. Pour quels résultats ? ».

Des émules ? C'est par la force - manifestations sur les routes et devant la préfecture - qu'entend se faire entendre ACTIF (Association costarmoricaine des transporteurs indépendants fédérés). Elle s'est montée en huit jours. Ses statuts ont été déposés à Saint-Brieuc, le 18 septembre, par son président Pascal Ollivier, dirigeant d'une entreprise de transport léger comptant deux véhicules et son vice-président Michel Hinault, également patron de pme. Elle rassemblerait 60 adhérents, pour la plupart des louageurs - ceux de France Acheminement y seraient fort bien représentés - exploitant des véhicules de moins de 7,5t. « Nous nous considérons comme des bâtards puisque l'Etat ne nous reconnaît pas. Il ne nous donne ni les mêmes avantages qu'aux taxis, ni ceux octroyés aux particuliers tels que la suppression de la vignette ». Une mesure qu'ACTIF réclame au même titre que la détaxation du carburant et l'abaissement des charges sociales. Pour l'heure, reconnaît Pascal Ollivier, « nous surfons sur la vague du gazole. Lorsqu'elle retombera, nous tenterons de monter un bureau de défense du transport léger ».

A l'opposé des réactions épidermiques d'une association tournée vers les pouvoirs publics, Patrice Affergan entrevoit, lui, des signes positifs du côté de certains donneurs d'ordre « qui font montre d'un nouvel état d'esprit. Face au manque de bons sous-traitants, ceux qui recherchent qualité, fiabilité - je ne parle pas de France Acheminement - deviennent de vrais partenaires ». Le président de l'UPTEF en veut pour preuve l'intention affichée par quelques groupes de s'engager dans une démarche de formation de leurs sous-traitants.

(1) Estimations issues d'un rapport du Conseil national des Ponts et Chaussées élaboré en 1998 par Henri Defoug et Max Pfalzgraf.

A retenir...

> Nous sommes désormais des transporteurs à part entière et devons être considérés comme tels par les pouvoirs publics, affirment les syndicats représentant des entreprises de transport léger.

> Au delà de sa nécessité économique, l'extension de l'allégement fiscal sur le carburant aux « moins de 3,5t » constituerait un geste de reconnaissance à l'égard de cette profession.

> Alliances avec de «puissantes» fédérations, émergence d'associations de défense, le transport léger tente de faire entendre sa voix.

Rappel réglementaire
Quels textes appliquer ?

Les entreprises de transport léger sont tenues à :

> s'inscrire au registre des transporteurs et des loueurs. L'inscription est subordonnée à trois conditions :

- un justificatif de capacité délivré aux personnes ayant suivi avec succès un stage de 10 jours (en sont dispensés les titulaires du bac professionnel option exploitation des transports,

- la capacité financière : capitaux propres et réserves ou garanties bancaires équivalant à 6000 F par véhicule n'excédant pas 3,5t de PTAC,

- l'honorabilité : mêmes conditions que pour les plus de 3,5t ;

ä détenir un titre de transport : une licence de transport intérieur doit être détenue par toute entreprise utilisant des véhicules n'excédant pas 6 tonnes de poids maximum autorisé et dont la charge utile autorisée (y compris celle des remorques) ne dépasse pas 3,5t. Pour les entreprises utilisant exclusivement des véhicules n'excédant pas 3,5 t de PMA, la licence de transport intérieur en porte la mention ;

> respecter la législation relative au droit et à la durée du travail (code du travail, décret 83-40). Le règlement communautaire sur les temps de conduite et de repos ne leur est pas applicable, mais les conducteurs salariés sont soumis à l'obligation de détenir une copie de l'horaire de service (si horaire fixe avec retour quotidien à l'établissement) ou un livret individuel de contrôle (CEE 3820/85 et CEE 3821/85 du 20 décembre 1985, arrêté du 20 juillet 1998). La loi sur la réduction du temps de travail s'applique aux salariés. En revanche, les conducteurs ne sont pas soumis aux formations professionnelles obligatoires ;

ä se soumettre aux textes relatifs à la responsabilité des donneurs d'ordres, à la répression des prix trop bas, à la sous-traitance, au régime des sanctions (comparution devant les commissions de sanctions administratives, immobilisation administrative des véhicules...).

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