Le compte est bon ?

Article réservé aux abonnés

Réduction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, amortissement fiscal des futures hausses du gazole, révision des prix de transport avec les chargeurs, c'est ce qu'ont obtenu du gouvernement les transporteurs routiers au terme d'une semaine de conflit autour des dépôts pétroliers. Des mesures qui pour certains laissent un goût d'inachevé eu égard à l'envolée phénoménale du prix du carburant. Nombre de questions restent également en suspens. Quid de la portée et de l'efficacité du dispositif ? Les chargeurs accepteront-ils de jouer le jeu ?

Atténuer, dès cette année, la hausse exceptionnelle du prix du carburant sur les comptes des entreprises ; limiter à l'avenir l'impact des augmentations du prix du gazole ; aider les transporteurs à mieux répercuter ces hausses auprès de leurs clients. Telle est la philosophie du dispositif gouvernemental d'aides au transport routier de marchandises, obtenu après une semaine de blocage des raffineries et dépôts pétroliers.

Selon les engagements du ministère des Transports, les transporteurs routiers bénéficieront tout d'abord d'une réduction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Pour l'année 2000, les entreprises percevront un remboursement sur la TIPP de 35 centimes par litre de gazole, à hauteur de 50 000 litres par véhicule de plus de 7,5 tonnes (au lieu des 8,62 centimes acquis précédemment). Pour l'ensemble de cette année, cette ristourne représenterait un montant de 17 500 francs par véhicule, au lieu de 4 400 F l'an dernier. La procédure de remboursement, rétroactive au 1er janvier 2000, sera simplifiée et accélérée. Elle permettra un remboursement dès octobre au titre des neuf premiers mois de l'année. Selon la Direction des Transports Terrestres (DTT), cette mesure pourrait représenter un coût potentiel de 4,8 MdF sur un an si la totalité des 400 000 poids lourds concernés (dont ceux du compte propre) réclamaient le remboursement. Le ministre des Transports a pour sa part chiffré le coût à plus d'un milliard de francs. Explication : seules 20 % des entreprises demandaient jusqu'à présent à bénéficier de la remise de 8,62 centimes, découragées notamment par une procédure administrative très lourde.

En 2001, le remboursement sur la TIPP sera ramené à 25 centimes par litre, soit 12 500 F par véhicule. S'y ajoute, la pause du plan de rattrapage de la TIPP sur le gazole de 7 centimes par litre, soit l'équivalent de 3 500 F par camion. L'an prochain, les entreprises pourront ainsi théoriquement récupérer 16 000 F. A compter de 2002 et jusqu'en 2006, les hausses annuelles de 7 centimes seront intégralement compensées.

Amortisseur fiscal. Deuxième volet du dispositif gouvernemental, la mise en place à compter du 1er janvier 2001 d'un amortisseur fiscal (voir simulations ci-contre). En cas de hausse des prix, il permettra aux entreprises d'obtenir un remboursement par l'État de 40 % (en réalité 39,2 %, soit deux fois 19,6 % de TVA) de cette augmentation. Sur le papier, le principe est en simple : plus les recettes de TVA augmentent (du fait de l'augmentation du prix baril), plus la TIPP baisse. Selon une note ministérielle, ce mécanisme, en cours de mise au point, procédera d'une comparaison entre le prix moyen du baril exprimé en dollar au cours des trois derniers mois et celui du trimestre précédent. Si l'écart s'avère supérieur à 10 %, l'amortisseur se déclenchera. Une chose est sûre : il jouera dès lors que le prix moyen du baril atteindra les 32 dollars - niveau dépassé actuellement - correspondant à l'augmentation de 10 % sur la dernière moyenne connue soit 29 dollars. Dans ce cas, l'entreprise bénéficiera, d'une part d'une diminution des prix à la pompe (dispositif général prévu dans le plan Fabius d'allégements des impôts), d'autre part d'un remboursement supplémentaire de même montant du carburant professionnel. Lequel complétera alors le remboursement forfaitaire de 25 centimes décidé pour 2001. A titre d'exemple, si le prix du gazole hors TVA augmente de 16 centimes par litre, la réduction à la pompe sera d'environ 3 centimes et le remboursement au titre du carburant professionnel sera accru de 3 centimes, soit un gain total de 6 centimes. Par la suite, une observation trimestrielle du prix du baril sera instaurée. Reste une inconnue majeure : le prix de référence de 29 dollars le baril sera-t-il entériné par le Parlement ? Réponse dans la loi de Finances, qui sera votée avant la fin de l'année.

Révision du prix du transport. Un décret, modifiant un article du contrat type général, prévoira que les contrats passés entre donneurs d'ordre et transporteurs comporteront une clause de révision du prix du transport liée à l'évolution de celui du carburant. Elle entrerait en jeu dès lors qu'interviendra une hausse de 10 % du prix du gazole par rapport à son niveau lors de la conclusion du contrat commercial. Là encore, les imprécisions demeurent. Car, selon la DTT, il s'agit simplement d'introduire une obligation de négociation. La nuance est de taille ! Dans un courrier adressé à l'ensemble des présidents de fédérations de transport routier, Jean-Pierre Ribière, le président de l'Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF) a déjà fait savoir que les chargeurs étaient « opposés aux mesures visant à encadrer les prix du transport car elles portent atteinte à la liberté contractuelle et au libre jeu du marché ». « La prise en compte des variations de coûts doit se faire sur la base de négociations commerciales entre le client et son fournisseur, comme c'est le cas depuis le début de l'année, afin de prendre en compte les conséquences des mesures sociales et de la hausse du prix des carburants », ajoute l'AUTF.

Portée financière. En marge des propositions ministérielles, Jean-Claude Gayssot se serait également engagé, auprès de l'Unostra, à assouplir les conditions de mise en oeuvre de la capacité financière pour les entreprises en difficulté. Des recommandations devraient être adressées en ce sens aux préfets « Il ne s'agit pas d'obtenir un moratoire, mais une plus grande bienveillance de la part des directions régionales de l'Équipement », souligne Christian Rose, secrétaire national de l'Unostra.

Pour donner le change aux écologistes, il est également prévu par le ministère qu'un contrat de branche soit établi entre l'Ademe (Agence pour le développement et la maîtrise de l'énergie) et le secteur du transport routier. Objectif : introduire des mesures destinées à favoriser le recours au transport combiné rail-route et à le rendre plus performant. Reste maintenant à connaître la portée financière et l'efficacité du dispositif gouvernemental, compte tenu de l'imprécision dont souffrent la plupart des mesures annoncées. Par ailleurs, le gouvernement doit encore défendre son projet devant le Parlement avant la fin de l'année. Des modifications ne sont donc pas à exclure. Quoi qu'il advienne, les chefs d'entreprise ont tenu bon sur les barrages et ce, en dépit des appels à la responsabilité du Premier ministre, des injonctions du président du Medef ou du lobbying exercé par l'industrie pétrolière. 75 % des Français ont d'ailleurs déclaré avoir eu « beaucoup ou assez de sympathie » pour le mouvement des transporteurs. Peut-être une consolation pour ceux qui estiment que cette crise laisse un goût d'inachevé.

A retenir...

> Pour l'année 2000, les entreprises percevront un remboursement sur la TIPP de 35 centimes par litre de gazole, à hauteur de 50 000 litres par véhicule de plus de 7,5 tonnes.

En 2001, le remboursement sera ramené à 25 centimes par litre.

> Un système d'amortisseur fiscal sera mis en place à compter du 1er janvier 2001. L'idée : reverser aux entreprises, sous forme de réduction de la TIPP, le surplus de TVA encaissé par l'État en cas de hausse du prix du gazole.

> Un décret, modifiant un article du contrat type général, prévoira que les contrats passés entre donneurs d'ordre et transporteurs comporteront une clause de révision du prix du transport en fonction des évolutions de celui du carburant.

Amortisseur fiscal
Quel impact en 2001 ?

Ce tableau présente deux exercices de simulation du mécanisme d'amortisseur fiscal. Il a été élaboré par la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) puis validé par les ministères des Finances et des Transports. Les prix indiqués - notamment le prix du baril exprimé en dollar - sont des projections. Quant à la période « avant septembre 2000 », elle correspond à l'étape de référence à partir de laquelle est calculé le déclenchement de l'amortisseur.

Evénement

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15