Négociati ons sur fond de blocages

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Une baisse immédiate de la fiscalité sur le gazole de 35 centimes par litre en 2000 et 25 centimes en 2001 ; un dispositif fiscal visant à lisser le prix du carburant et une clause de révision automatique des tarifs de transport en cas de hausse significative du gazole. Ce sont les « avancées positives » obtenues par les trois organisations de transporteurs le 6 septembre, après trois jours de blocage des raffineries et dépôts pétroliers. Elles ont suffi à TLF, qui appelait ses adhérents à lever les barrages dans l'après-midi. Entraînées par une grande majorité des entreprises, la FNTR et l'Unostra appelaient en revanche à la prolongation du conflit et des discussions.

Une baisse immédiate de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) sur le carburant de 35 centimes par litre en 2000 et 25 centimes l'année suivante ; le gel du plan de rattrapage de la fiscalité sur le gazole pour la profession routière ; un « amortisseur » fiscal visant à lisser le prix du carburant et une clause de révision automatique des prix de transport en cas de hausse significative du gazole, les propositions du gouvernement constituent « des avancées positives ». C'est du moins ce qu'affirmaient, le 6 septembre au matin, les trois organisations professionnelles de transporteurs routiers. Pour autant la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), l'Unostra et la Fédération des entreprises de transport et logistique de France (TLF) devaient encore en convaincre leurs adhérents avant de signer tout accord avec les pouvoirs publics. Et de lancer un appel à la levée des barrages.Chose faite côté TLF dès l'après-midi du 6, tandis que FNTR et Unostra restaient sur le pied de guerre. Après trois jours de blocages d'une soixantaine de raffineries et dépôts de carburant, après moult rencontres avec les représentants patronaux, c'est dans la nuit du 5 au 6 septembre que le gouvernement a esquissé son premier vrai geste d'apaisement. Revenant sur les propositions rejetées la veille par les négociateurs patronaux - une réduction de la TIPP de 21 à 25 centimes par litre de gazole en 2000 - le ministère des Transports acceptait de relever la barre à 35 centimes dès cette année et 25 centimes en 2001. Aprement discuté, le montant de cette rétrocession représente un compromis pour les deux parties à la négociation. Dans leur plateforme revendicative, l'Unostra et TLF avaient en effet chiffré les besoins de la profession à 70 centimes correspondants à la différence entre le prix moyen observé en 1999 et le prix actuel du carburant. Pour sa part, la FNTR réclamait 50 centimes résultant de l'alignement du niveau de la TIPP sur la moyenne des accises appliquées dans l'Union européenne.

Cet allégement sur deux ans serait consenti en complément d'une exonération, pour les transporteurs routiers, du plan de revalorisation du gazole de 7 centimes par an prévu pour cinq ans. Annoncée en pointillé par Laurent Fabius le 31 août, cette disposition se voit ainsi confirmée. Selon le ministre des Transports, le cumul de ses deux mesures représente un coût pour l'Etat d'environ 1 milliard de francs par an et une aide au transport routier de 17 500 F par véhicule. De son côté, TLF chiffre l'allégement à 15 000 F par poids lourd pour 2000.

Pour le plus long terme, le gouvernement accède à la revendication des transporteurs en faveur d'un dispositif permettant de lisser le cours du carburant par le jeu de la TVA. Un mécanisme dont les modalités demeuraient encore bien floues, observe TLF. « La mise en oeuvre de cet amortisseur fiscal suscite une forte demande de clarification. Nous ne savons même pas quel prix du gazole sera retenu pour son élaboration ». La FNTR demandait que la référence tarifaire soit fixée à 4 F par litre. Des précisions devaient être apportées par le ministère, le 6 septembre, avant signature d'un éventuel accord de fin de conflit. Sur la base de réformes déjà engagées par les pouvoirs publics sur ce point , le président de la FNTR, René Petit, avance une première estimation. Selon lui, le mécanisme pourrait amortir les futures hausses à hauteur de 40 % à partir de l'année prochaine.

La mise en place d'une clause de révision automatique des prix de transport en cas de hausse significative du carburant figure également parmi les propositions ministérielles. « Elle était envisagée par la Direction des transports terrestres avant le conflit » confie TLF. Cette mesure d'indexation serait introduite dans le processus réglementaire par le biais des contrats-types. Procédure qui exigera quelque délai de mise en place... Pour sa part, la FNTR préconisait d'intervenir en deux temps. Dans une première étape, via un encadrement législatif et réglementaire, puis via de nouvelles conventions cadres. « Ce n'est pas un retour à la TRO (tarification routière obligatoire) que nous souhaitons, mais simplement un système de régulation permettant de sortir le secteur routier de la situation calamiteuse dans lequel il est plongé » précisait Jean-Paul Deneuville, délégué général de l'organisation, le 4 septembre. Bien qu'opposé, par principe, à toute intervention étatique sur la formation des prix, TLF n'a pas émis d'opposition à l'instauration d'une telle clause.

Présentées par les organisations professionnelles à leurs adhérents respectifs, le 6 septembre au matin, ces propositions devaient faire l'objet d'un ultime tour de table avant signature d'un éventuel accord avec les pouvoirs publics. Déjà la FNTR Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur avaient fait connaître leur position : « les mesures envisagées par le Gouvernement ne nous conviennent pas ». A 14 heures, c'est au plan national que l'organisation professionnelle annonçait son intention de poursuivre l'action, suivie par l'Unostra. A 16 heures, TLF se désolidarisait.

Témoignages
Un soutien en demi-teinte

Mardi 5 septembre. Alors que les négociations entre fédérations professionnelles et le ministère des Transports battent leur plein, les transporteurs routiers continuent de bloquer massivement les dépôts pétroliers. Un mouvement approuvé sur le fond mais pas toujours dans la forme par les professionnels interrogés. Pénalisation de l'économie, manque de fermeté des négociateurs patronaux, conséquences vis à vis des chargeurs... Autant d'éléments qui laisseraient entrevoir l'autre côté du miroir. Réactions.

« Un mouvement des transporteurs s'impose plus que jamais », s'exclame un responsable des transports Mesples (64), adhérent au réseau France Benne. Jean-Marie Tschupp, P-dg de TCP (10) spécialisé dans la messagerie, participe, pour sa part, pour la première fois à une manifestation de protestation. « Auparavant, les transporteurs préféraient demander à l'Etat plutôt qu'à leurs clients. Aujourd'hui, l'ensemble de la profession a su augmenter ses prix. Mais la hausse est devenue trop importante pour s'en sortir seul», explique le transporteur champenois. C'est pourquoi il n'a pas hésité à mobiliser une partie de son personnel pour cette action. Même s'il trouve très logique la colère de ses confrères, Patrice Foin considère les revendications insuffisantes. Le P-dg de FRT (02), entreprise spécialisée dans le transport en grand volume, souhaiterait une ristourne de 1 F sur la TIPP pour couvrir le surcoût de l'année. Or, les organisations professionnelles n'ont demandé que 70 centimes de déduction. De plus, « elles ont lâché trop vite. En une nuit, nous sommes passés de 70 à 50 centimes », déplore Jean-Michel Mousset, P-dg des transports Mousset (85). Lequel chiffre le minimum à obtenir à 55 centimes par litre. Selon lui, les négociations devraient être plus fermes. « Après les promesses en l'air de Laurent Fabius, le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Pour le montant de la TIPP, il a une marge de manoeuvre entre le minimum européen de 1,60 F et le montant de 2,55 F en France. Il peut donc faire un effort supplémentaire », poursuit le transporteur vendéen. En sus d'une nouvelle ristourne sur la TIPP, Norbert Milanta, responsable développement chez NJS Faramia (13), juge important d'obtenir la stabilisation tarifaire du gazole et l'assurance que les mouvements du baril seront répercutés correctement et rapidement à la baisse comme ils le sont à la hausse. Pour faire davantage pression sur le gouvernement, Jean-Michel Mousset serait plutôt partisan d'une action aux frontières. Avec le blocage des raffineries, « tout le monde est pénalisé, y compris les transporteurs ». De même, Serge Biche, P-dg des Transports Biche (24), n'approuve pas le mouvement dans sa forme. « Actuellement, je n'ai pas les moyens de perdre de l'argent en immobilisant mes véhicules », souligne ce chef d'entreprise, spécialisé dans le transport de liquides alimentaires en citerne. Pour lui, la seule solution consiste à répercuter la hausse du carburant. « Les transporteurs devraient être capables d'augmenter leurs prix. Après l'obtention d'un geste du gouvernement, nous devons craindre que les chargeurs refusent une nouvelle hausse des tarifs », s'inquiète Serge Biche, mettant ainsi en cause l'intérêt des actuels barrages. Représentant des chargeurs, Didier Léandri de l'AUTF (Association des Utilisateurs de Transport de Fret) prévient d'ailleurs la profession routière : « Si les transporteurs obtiennent une nouvelle aide, les chargeurs en tiendront forcément compte dans le cadre de futures négociations commerciales ». C'est pour cette raison que « Nous devons mener le combat sur les deux fronts : l'Etat et les chargeurs », lance Jean-Michel Mousset. Lequel précise : « Même si nous avons revalorisé nos tarifs en janvier et en juin, nous devrons, sans aide du gouvernement, renégocier avec les chargeurs puisque le gazole est passé de 4,20 F à 4,75 F HT ». Grâce à une ristourne fiscale d'un montant suffisant, une nouvelle sollicitation de ses clients lui serait évitée. Pour Norbert Milanta, se focaliser sur le prix du gazole, qui ne constitue pas le seul facteur de l'envol des coûts, est absurde. « Du fait des revalorisations salariales et de l'application de la réduction du temps de travail, nous pensons demander une nouvelle hausse. Avec ou sans allégement des charges. La dernière date du début de l'année », avance-t-il. Le responsable marseillais s'insurge également contre le manque d'harmonisation fiscale en Europe, notamment au plan de la TVA et de la TIPP.

Syndicats de salariés
Une condamnation sans appel

Unanimement, les syndicats de salariés du transport condamnent le mouvement de protestation patronal. L'Union fédérale route de la CFDT appelle ses salariés à défendre leurs intérêts et non pas ceux de leurs patrons. « Sans sous-estimer les difficultés liées essentiellement à la brutalité des hausses qu'il est difficile de répercuter dans le prix du transport», la CFDT se dit « opposée à toute mesure généralisée qui profiterait de la même manière aux transporteurs qui respectent la réglementation et à ceux qui ne la respectent pas ». FO Transports affiche une position similaire. Le patronat« utilise la situation créée par la hausse du prix du gas-oil pour continuer à bloquer toute évolution salariale et sociale » , dénonce-t-elle. Plus hostile encore est la réaction de la CGT. Sous le slogan - « une minorité de patrons du transport routier de marchandises prend en otage la population »- le syndicat n'hésite pas à clamer : « La volonté de réaliser toujours plus de profit, y compris par le racket des contribuables français, est scandaleuse de la part d'employeurs qui bafouent les lois (sociales) » et qui bénéficient d'une croissance « phénoménale ».

Le mouvement au jour le jour

Jeudi 31 août Réunies à Paris, les instances de la Fédération nationale des transports routiers décident d'organiser des actions de blocage des raffineries et dépôts pétroliers à partir du 4 septembre au matin. L'organisation estime « provocateur » pour le secteur routier le plan d'allégement de charges présenté la veille par le Gouvernement qui, selon elle, ne comporte aucune mesure de nature à endiguer la hausse actuelle et future du carburant Deux fédérations d'agriculteurs et ambulanciers s'associent au mouvement.

Vendredi 1er septembre La FNTR, l'Unostra et TLF (Fédération nationale des entreprises de transport et logistique) mobilisent leurs adhérents.

Dimanche 3 septembre Le ministre des Transports tente de désamorcer le mouvement de protestation qui s'organise en annonçant que « des propositions pourraient aboutir ». Les organisations professionnelles apportent un démenti formel, indiquant qu'aucune négociation n'est engagée. Les barrages se mettent en place. Les fédérations de transporteurs de voyageurs et de taxis se joignent au mouvement.

Lundi 4 septembre Environ 60 points de blocage sont comptabilisés dès le matin sur le territoire. 1740 poids lourds sont engagés. Les trois organisations professionnelles de transporteurs sont reçues séparément par le ministre des Transports. Des entrevues successives qui ne débouchent sur aucune réponse satisfaisante selon la FNTR. Même constat pour TLF : « les bases de négociations sont totalement décalées par rapport aux attentes exprimées ». Les actions s'étendent à l'Ile-de-France. Après une réunion technique avec la Direction des Transports terrestres, deuxième rencontre avec Jean-Claude Gayssot jusqu'au matin. « Les propositions du ministère restent très éloignées des revendications de la profession » indique la FNTR.

Mardi 5 septembre Journée de négociations non-stop sur fond d'extension du mouvement. 70 barrages sont recensés et certains départements commencent à instaurer des mesures de rationnement de l'essence. Le point d'achoppement des discussions demeure le montant de l'allégement de TIPP : les pouvoirs publics proposent un remboursement de 25 centimes par litre, les représentants patronaux restent campés sur leur demande de 50 centimes. Dans la nuit, les négociateurs parviennent à un compromis : 35 centimes en 2000 et 25 centimes en 2001. Si les bases d'un pré-accord se dessinent, les organisations professionnelles ont encore une étape décisive à franchir : convaincre leurs adhérents de cesser les blocus avant la signature d'un protocole de fin de conflit.

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