Conseiller en sécurité : anato mie d'une fonction nouvelle

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La profession estime que 4 200 conseillers en sécurité seront en place à partir du 1er janvier prochain. A fin juin, 3 507 certificats ont été accordés dont 2 565 à des personnels déjà en poste. Avec 41 % d'admis, le concours « externe » de février avait été une véritable hécatombe... Nombre d'entreprises avaient sous-estimé le niveau de l'examen écrit. Les contours du poste se dessinent selon qu'il s'agit pour l'entreprise d'un choix «d'opportunité» ou d'un choix «d'organisation». Dans les entreprises spécialisées, les formateurs au transport de matières dangereuses qui étaient en place bénéficient de leurs antécédents. Dans les autres, on mandate des cadres avec une préférence pour les responsables de la qualité. Dans les pme, les chefs d'entreprises « s'y collent »...

L'obligation de désigner un conseiller à la sécurité dans toutes les entreprises de transport par route, par rail ou par voie navigable qui transportent des matières dangereuses sera applicable à partir du 1er janvier 2001.

Transposition de la directive 96/35 du Conseil de l'Union européenne datée du 3 juin 1996, l'arrêté ministériel du 17 décembre 1998, publié au JO du 1er janvier 1999 stipule, en effet, que « toute entreprise qui procède à des transports terrestres de marchandises dangereuses ou à des opérations de chargement ou de déchargement liées à ce tels transports, doit désigner un ou plusieurs conseillers à la sécurité, chargés d'aider à la préventon des risques pour les personnes, les biens ou l'environnement inhérents à ces activités ».

Une contrainte de plus

Initialement, l'entrée en vigueur de ce dispositif était prévue au 31 mars 2000, date à laquelle « le chef d'entreprise concernée devait indiquer l'identité de son (ses) con- seiller(s) au préfet du département où l'entreprise est domiciliée ». Mais, un arrêté du 22 décembre 1999 reportait l'échéance au 31 décembre 2000 afin de donner davantage de temps aux entreprises de transport de faire face à cette nouvelle obligation. Une de plus.

Les qualifications nécessaires, les conditions de désignation et les missions afférentes à ce nouveau poste dans les sociétés de transport traitant des produits dangereux définis comme tels par les réglementations ADR, RID et ADNR, quelle que soit leur taille, étaient également précisées par le texte.

Placé sous la responsabilité du chef d'entreprise, le conseiller « a pour mission essentielle de rechercher tout moyen et de promouvoir toute mesure, dans les limites des activités concernées effectuées par l'entreprise, afin de faciliter l'éxécution de ces activités dans le respect des réglementations applicables et dans les conditions optimales de sécurité ».

Deux formes d'examen

« Pour exercer cette fonction, expliquent les formateurs spécialisés, le titulaire doit obtenir un certificat de qualification professionnelle de modèle communautaire. Ce certificat est délivré après l'obtention d'un examen agréé par le ministre compétent. Il fait état du mode de transport et de la classe des marchandises dangereuses pour laquelle il a été validé pour une durée de cinq ans. »

Son obtention, sa validation et, ultérieurement, son renouvellement, sont confiés à des organismes habilités à dispenser cette formation complémentaire, agréés par le ministre après avis de la commission interministéreille du transport des matières dangereuses, en l'occurence le Comité Interprofessionnel pour le Développement de la Formation dans le Transport de Matières Dangereuses (CIFMD). « Les organismes de formation habituels, AFT, Promotrans, APTH, pouvaient préparer les candidats, cette formation étant fortement conseillée, mais non obligatoire », précisent ces derniers.

Pour l'attribution de ce certificat, le législateur avait prévu deux formules d'examen que la profession a rapidement baptisé le « 7/1 » et le « 7/2 » en référence aux articles du décret qui définissait leur contenu. Le premier (7/1) qui consiste en une série d'épreuves écrites, comportant un questionnaire relatif aux matières visées et une étude de cas, était ouvert à tous les nouveaux candidats. La deuxième filière (7/2) était ouverte à l'intention de candidats exerçant dans les entreprises, depuis au moins 3 ans et de manière continue, des missions proches de celles qui sont définies dans la nouvelle fonction. L'examen s'effectue sur dossier, complété par une épreuve orale sanctionnée par un jury. « La recherche de la sécurité dans les entreprises de transport de matières dangereuses n'est pas née avec le décret communautaire », rappelle Hervé Parent, responsable du département vrac liquide du groupe Giraud et, par ailleurs, président du CIFMD. «Sans en avoir le titre, un certain nombre de personnes exerçaient déjà depuis plusieurs années la fonction de conseiller en sécurité. L'examen qu'ils devaient subir est destiné à contrôler leurs connaissances et à les valider». On ne dira pas que cette épreuve a été une simple formalité mais, selon les chiffres divulgués par le CIFMD lors de son assemblée générale de juin dernier, 71 % des candidats qui ont subi l'examen par cette seconde filière ont obtenu le certificat. 4 060 dossiers avaient été déposés, après élimination des candidats qui ne répondaient pas aux critères, 3 914 personnes ont été convoquées, 3 609 se sont présentées et 2 565 candidats ont été reçus.

En revanche, les candidats qui se sont soumis à l'examen 7/1 ont été moins heureux. Sur un total de 3 507 certificats qui avaient été décernés début juin, 942 candidats ont satisfait aux épreuves écrites ce qui représente un taux de réussite de 41 %. « Une véritable hécatombe », constate le responsable sécurité d'un grand groupe chimique qui n'hésite pas à qualifier l'examen de « mal adapté, trop réglementaire parce trop axé sur l'ADR, et trop théorique ». « On s'est un peu trompé sur le niveau des épreuves. Elles s'adressent à des polytechniciens... », ironise ce chef d'entreprise du Nord dont la candidate a été recalée. Cette grande entreprise de l'Ouest, spécialisée dans le transport des produits pétroliers, a été plus heureuse dans ses choix tactiques : plus de la moitié des candidats ont obtenu l'agrément. « Ils avaient préalablement reçu une formation à l'APTH mais il me semble que l'examen écrit ait été plus sélectif que les épreuves orales », note cependant le responsable des ressources humaines de cette société. Et il en parle en connaissance de cause puisqu'il a pu comparer les difficultés auxquelles étaient confrontés les candidats de l'entreprise qui ont répondu au questionnaire écrit et qu'il s'est lui-même soumis - avec succès - à l'épreuve du jury. « Ceux qui ont obtenu le certificat sont nos formateurs au transport de matière dangereuss qui étaient déjà en poste, nos responsables de sites ou les chefs de parcs », poursuit-il.

Hervé Parent reconnaît que la filière F/1 a enregistré un taux d'échec plus élevé et coupe court à toute polémique sans pour autant remettre en cause le niveau du concours. « Beaucoup de candidats étaient sans formation, note-t-il. Ils sont arrivés la fleur au fusil. Mais, en ma qualité de président du CIFMD, le fait que la barre ait été placée assez haut me paraît une bonne chose. La sécurité est un problème important ».

Le choix des candidats

L'arrêté stipule que le poste de conseiller en sécurité peut être assuré par le chef d'entreprise lui-même, par une personne qui exerce d'autres tâches dans l'entreprise ou par une personne n'appartenant pas à cette dernière « à condition que l'intéressé soit effectivement en mesure de remplir ses tâches de conseiller ».

En général, les entreprises sont peu disertes sur la manière dont elles ont choisi leurs candidats. Dans un très grand nombre d'entre elles, la mise en place des conseillers en sécurité n'est pas encore achevée. Un millier de candidats sont inscrits à la session qui doit se dérouler en octobre et les chefs d'entreprises « n'ont pas souhaité faire de déclarations intempestives pour ne pas compromettre les chances des postulants ».

Néanmoins, les résultats des différents examens permettent de brosser le profil de ce que sera le futur conseiller à la sécurité. « L'éventail des candidats a été très vaste », fait-on remarquer à TLF. «Il va du cadre, ingénieur en sécurité, dans les entreprises industrielles et commerciales, au moniteur de conduite. Dans les entreprises de transport, la désignation du candidat a été surtout fonction de sa taille et de son degré de spécialisation».

« Le choix du candidat est en fait un choix d'entreprise, note ce responsable d'une grande société de transports chimiques du Sud-Est, soit c'est un choix d'opportunité, et le responsable désignera un cadre « cravaté » de manière à se mettre en conformité avec la réglementation, soit c'est un choix d'organisation. C'est notre option. Nous allons désigner une douzaine de conseillers en sécurité qui seront des hommes de terrain et dont ce sera l'activité journalière. C'est de cette manière que nous entendons sa mission. Elle répond à un réel besoin de la profession, mais il est dommage que le texte ne soit pas plus explicite dans ce sens. On risque d'aboutir à des distorsions dans la fonction ».

Conformément à l'opinion qui est avancée par l'Unostra, « dans les pme, se sont encore les chefs d'entreprises qui vont s'y coller », fait remarquer ce transporteur du pays Basque qui s'est inscrit pour la session d'octobre.

Prochains postes pourvus en octobre

Les entreprises non spécialisées dans le transport de produits dangereux, mais qui sont néanmoins concernées par la nouvelle réglementation parce qu'elles traitent des matières sensibles, s'emploient également à la mettre en oeuvre. « Nous n'avons pas encore désigné notre conseiller en sécurité parce que notre activité dans ce domaine n'était que marginale», explique Agnès Chiffoleau, responsable de la communication des Transports Graveleau. Mais,néanmoins, nous avons déjà mis en place un responsable afin de nous conformer à l'organisation de Dachser qui, dans ses trafics, transporte des produits dangereux conditionnés. ». Le poste de conseiller pourrait lui être confié.

Dans les entreprises spécialisées et structurées, la mise en place du conseiller en sécurité est pratiquement en cours d'achèvement. Les derniers postes devraient être pourvus à l'issue de l'examen d'octobre. « Une majorité de nos candidats ont déjà obtenu leur certificat, mais nous avons également enregistré quelques échecs », explique Hervé Parent. « Compte tenu de la stratégie décentralisée et de l'organisation par métiers du groupe Giraud, notre objectif est de nommer un conseiller sécurité par site, au minimum. Sur certaines implantations, nous en désignerons 2 voire 3. Actuellement, une vingtaine sont en place et 15 postes sont en attente. Tous les conseillers ont été recrutés en interne. Et, dans notre démarche, nous avons voulu privilégier le personnel qui était déjà en place et qui avait précédemment une position analogue sans avoir l'appellation de conseiller en sécurité. En somme, cela a été une forme de régularisation des sans papiers », explique-t-il dans une formule imagée.

Le groupe Samat qui a partiellement achevé la mise en place de ses conseillers en sécurité a adopté sensiblement la même démarche. « Notre objectif a été de désigner un responsable par site. Nous avons donné la priorité à ceux qui étaient déjà en poste, car il est surtout important pour nous qu'il y ait une cohérence dans la fonction au sein même de l'entreprise », explique Jean-Pierre Brun, responsable de la sécurité pour le Groupe.

Une grande entreprise spécialisée dans le transport des produits pétroliers, basée dans l'Ouest, a utilisé un panel de candidats plus vaste : « Nous avons désigné des moniteurs, des chefs de parcs et des responsables d'agences. A terme, nous aurons un conseiller par site et notre souhait serait que tous les chefs d'agences soient certifiés », explique le responsable de la qualité qui, lui-même, a obtenu le certificat en passant le « F/2 ». Et, il estime que le fait d'occuper cette fonction en parallèle peut être un atout. « L'approche est assez semblable, explique-t-il. Il faut disposer d'une certaine hauteur de vue par rapport au fonctionnement de l'entreprise, notamment. Les deux postes me paraissent parfaitement compatibles ». Ce dont convient également Jean-Louis Amato qui dirige, à Marseille, une entreprise spécialisée dans le transport de produits chimiques et dont la fille, qui était par ailleurs responsable de la qualité, cumule désormais les fonctions de conseiller en sécurité.

Désormais, pour désigner leurs candidats à ce poste, les entreprises ne disposent plus que de quelques mois puisque c'est à partir du1er janvier prochain que près de 4 200 conseillers à la sécurité prendront leurs fonctions. « La possibilité de titularisation de personnes qui occupaient des fonctions approchantes dans les entreprises, depuis trois ans, par le biais de l'examen oral, est maintenant terminée depuis le 1er juillet », rappelle-t-on à Promotrans. Seule reste la possibilité d'obtenir le certificat par le biais de l'examen écrit (F/1) dont la prochaine session aura lieu en octobre mais les inscriptions sont maintenant closes. « Un millier de dossiers a été déposé, indique Hervé Parent. Théoriquement, nous devrions obtenir un taux de réussite beaucoup plus important ». Non pas parce que les épreuves seront plus faciles, mais les candidats auront eu plus de temps pour s'y préparer. Et, en ce qui concerne les entreprises, d'en mesurer le sérieux...

Les tâches du conseiller en sécurité

Le conseiller en sécurité dans les entreprises de transports terrestres ayant à traiter des matières dangereuses sont les suivantes :

- examiner le respect des règles relatives au transport de marchandises dangereuses ;

- assurer la rédaction d'un rapport annuel destiné à la direction de l'entreprise ou, le cas échéant, à une autorité publique locale, sur les activités de cette entreprise relatives au transport de marchandises dangereuses. Ce rapport doit êre conservé 5 ans et tenu à disposition des autorités nationales, à leur demande.

- examiner les procédures visant au respect des règles relatives à l'identification des marchandises dangereuses transportées ;

- la pratique de l'entreprise concernant la prise en compte dans l'achat des moyens de transport de tout besoin particulier relatif aux marchandises dangereuses transportées ;

- les procédés permettant de vérifier le matériel utilisé pour ce transport ou pour les opérations de chargement/déchargement ;

- le fait que les employés concernés de l'entreprise ont reçu une formation appropriée et que cette formation est inscrite à leur dossier ;

- la mise en oeuvre de procédures d'urgence appropriées aux accidents ou incidents éventuels pouvant porter atteinte à la sécurité pendant le transport de marchandises dangereuses ou pendant les opérations de chargement/déchargement ;

- la mise en place de moyens appropriés pour éviter la répétition d'accidents, incidents ou infractions constatées ;

- la prise en compte des prescriptions législatives et les besoins particuliers relatifs au transport de matières dangereuses concernant le choix et l'utilisation de sous-traitants ou de tout autre intervenant

- vérifier que le personnel affecté au transport de ces produits, à leur chargement ou à leur déchargement, dispose de procédures d'éxécution et de consignes détaillées

- mise en place d'actions pour la sensibilisation aux risques liés à l'ensemble de ces opérations

- mise en place de procédés de vérification afin d'assurer la présence à bord du véhicule des documents et des équipements qui sont en conformité avec la réglementation

- mise en place des procédés de vérification afin que les opérations de chargement et de déchargement soient assurées dans le respect des règles fixées.

EN CAS D'ACCIDENT

La mission essentielle du conseiller à la sécurité est de tendre vers la sécurité maximale des transports de matières dangereuses afin d'éviter tout risque d'accident. Mais lorsque celui-ci se produit, « portant atteinte aux personnes, aux biens ou à l'environnement dans le cadre d'un transport ou d'une opération de chargement/déchargement », il appartient au conseiller de rédiger le rapport d'accident. Il doit décrire avec précison : les circonstances, le déroulement, les modalités de traitement et les conséquences de l'accident.

Ce rapport, dans un premier temps, doit être adressé au responsable de l'entreprise, assorti des recommandations écrites du conseiller visant à éviter la reproduction de tels accidents. Si l'événement s'est produit sur le territoire national, le chef d'entreprise dispose de deux mois pour transmettre ce rapport au préfet du département dans lequel s'est produit l'accident.

Parallèlement, le conseiller à la sécurité doit rédiger un rapport annuel sur les activités de l'entreprise entrant dans son champ de compétences. Ce rapport doit également comporter le résumé des actions qu'il a entreprises ainsi que des propositions pour améliorer la sécurité. Les accidents survenus doivent aussi figurer dans ce rapport. Celui-ci doit être conservé par l'entreprise pendant une durée de cinq ans et doit être présenté à toute réquisition des agents de l'administration habilités à constater les infractions dans le cadre d'un transport de matières dangereuses. Enfin, si l'entreprise a désigné plusieurs conseillers en securité, le responsable doit établir la synthèse des rapports que ceux-ci auront adressé pour l'ensemble de la société, comportant en outre, les rapports détaillés de chacun des conseillers.

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