Une mesure déstabilisatrice qui va à l'encontre des principes de qualité et de sécurité. Pour la profession, c'est une véritable catastrophe », lance Bernard Mesnager, P-dg des Déménagements Mesnager, une entreprise de Châteauroux. Plus de cinq mois après la publication du décret Gayssot, les déménageurs ne se sont toujours pas remis de la décision de décompter à 100 % les temps de l'accompagnateur en double équipage. « Pour une raison simple », explique Yann Viguié, responsable des questions sociales à la Chambre syndicale des entreprises de déménagement (CSD) : « L'utilisation du double équipage dans le déménagement est massive parce que les entreprises ont besoin de bras à l'arrivée pour effectuer les opérations de déchargement et de manutention des pièces. Avec la suppression du double équipage, les entreprises vont devoir rechercher du personnel sur le lieu de livraison. »
Désarroi. Par ailleurs, la possibilité d'effectuer un déménagement en longue distance - un Paris/Marseille par exemple - est aujourd'hui caduque. « Pour respecter les limites horaires autorisées, l'équipage est désormais contraint de découcher à Orange. Ce qui ampute fortement la productivité des entreprises », assène Yann Viguié. Ce secteur fortement concurrentiel, où règne guerre des prix et marché noir, a également fait ses comptes. L'impact de la disposition du décret Gayssot sur la masse salariale d'une société est d'environ de + 15 % à +18 %, la main d'oeuvre représentant 50 % du prix d'un déménagement.
Augmenter les prix de vente. Alors que la saison bat son plein - les déménageurs réalisent la moitié de leur activité entre juin et septembre - les entreprises sont dans l'expectative. Voire dans une impasse. Augmenter les prix de vente ? « Il ne faut pas y compter, la concurrence est tellement soutenue », souligne Joseph Fromont, gérant de Demena, société de déménagement basée à Chartres, membre du réseau Demeco (150 agences détenues par 75 entreprises). « En 1999, rappelle Emmanuel Le Guen, directeur général de Elif, société holding propriétaire des Déménageurs Bretons, les prix n'ont quasiment pas été réévalués. Seule l'Armée a accepté une majoration de 4,4 % des barèmes tarifaires ». Si la Chambre syndicale est passée à l'offensive pour obtenir une TVA à 5,5 % (au lieu de 19,6 %), c'est aussi pour compenser les effets de la disposition Gayssot. Mais, le projet de directive autorisant l'expérimentation de baisses ciblées de TVA sur les services « à forte densité de main d'oeuvre » est toujours bloqué à Bruxelles. « Le déménagement répond aux critères fixés par la proposition de directive. Nous demandons maintenant au ministre des Finances de pousser notre requête ainsi qu'il s'y était engagé avant le remaniement ministériel », rappelle Yann Viguié.
Recours au transport combiné. Quoi qu'il en soit, les compensations d'ordre économique ne résoudront pas tout. « Il s'agit désormais d'éviter de poster deux conducteurs dans le même véhicule. Ce qui signifie qu'il y aura davantage de transport. Or, pour un déménageur, la route est accessoire. Notre valeur ajoutée se fonde sur la protection, la manipulation des biens », souligne Joseph Fromont. Autrement dit, les déménageurs cherchent à s'affranchir de la route. Certains d'entre eux fondent beaucoup d'espoir sur le recours au rail/route. Les Gentlemen du Déménagement, groupement représentant plus 500 entreprises pour un chiffre d'affaires cumulé de 754 MF, viennent ainsi d'acquérir 50 nouvelles caisses mobiles. Par le biais de Combidem, une association regroupant des utilisateurs de transport combiné, leurs adhérents peuvent louer ce type de matériel. « Le transport combiné ne constitue qu'une piste de réflexion parmi d'autres. Ses problèmes sont bien connus et ce n'est pas dans la culture des déménageurs que de mettre des caisses sur des trains », note Louis Laurent, P-dg des Transports Laurent, une pme située à Fréjus. Le recours à la sous-traitance des tractions est également envisagé même si « les transporteurs routiers ont déjà du mal à absorber leurs propres trafics du fait de la pénurie de chauffeurs ». Par ailleurs, « accepteraient-ils d'être affrétés de juin à septembre, période de très haute activité pour le déménagement ? », s'interroge un dirigeant.
L'appel au réseau. Le regroupement, la conclusion de partenariats entre entreprises apparaissent, aujourd'hui, comme les pistes les plus sérieuses. Les réseaux existants partent bien sûr avec une longueur d'avance. « L'appel aux adhérents va s'intensifier pour devenir systématique. Le but est faire partir un camion de l'entreprise A avec un seul conducteur, lequel sera, à son point d'arrivée, épaulé par des déménageurs de l'entreprise B », explique Emmanuel Le Guen, directeur général de Elif (Déménageurs Bretons). Les Gentlemen du Déménagement ont, de leur côté, mis en place un système d'échange de fret, bien utile lorsque qu'un déménageur se voit dans l'impossibilité d'effectuer un trafic. France Armor (42 pme pour un CA cumulé de 200 MF) possède sa propre bourse de fret, accessible via le Minitel et bientôt par l'Internet. « L'intérêt d'un groupement ou d'un réseau est aussi de proposer des prestations homogènes sur le plan de qualité », soulève Joseph Fromont, gérant de Demena. Côté partenariats, la société varoise Les Déménagements Laurent, spécialisée sur l'axe Paris/Côte-d'Azur, travaille en collaboration avec une entreprise mâconnaise afin d'instaurer des relais. Reste que toutes ces solutions se heurtent aux desiderata d'une clientèle très conservatrice. « Pour nos clients, un déménagement est une étape importante de leur vie. Ils souhaitent donc avoir affaire aux mêmes
Au déchargement des véhicules, les déménageurs ont besoin de main d'oeuvre pour manutentionner les pièces. Avec la fin du double équipage, les entreprises vont être tentées de recruter des personnels intérimaires. Mais cette solution en rebute plus d'une. « Ce n'est pas un gage de qualité. D'ailleurs les normes Afnor s'y opposent », arguent-ils. Autre solution pour pallier le manque de personnel : recourir aux contrats dits d'usage. Régis par du Code du travail (art. L 122-1-1), ils sont utilisés dans des secteurs soumis à une forte variation de leur activité, tels que le spectacle ou la restauration (décret du 22 mars 1983 modifié le 25 mars 1985). Les déménageurs peuvent ainsi signer des contrats journaliers ou saisonniers, plus souples que les contrats à durée déterminée. Reste que le recours aux contrats d'usage est limité, par la convention collective, à 45 % maximum de l'effectif global de l'entreprise. Les partenaires sociaux s'entendront-ils pour réévaluer ce pourcentage à la hausse ?
intervenants au chargement et au déchargement du véhicule. »