Onze camions toutes les cinq minutes

Article réservé aux abonnés

Mardi 4 avril 2000, 19h. Aire de régulation d'Aiton. Un panneau lumineux affiche une heure et demi d'attente pour les conducteurs, obligés de transiter par ce parking, avant d'emprunter le tunnel du Fréjus, situé à une soixantaine de kilomètres de là. Cette plate-forme - d'un coût de 27 millions de francs, entièrement financée par la SFTRF, la société concessionnaire du tunnel alpin - a été mise en service quatre mois après la fermeture du Mont-Blanc, pour éviter aux poids lourds d'être immobilisés sur l'autoroute de la Maurienne. Une mesure prise dans le cadre d'un dispositif de sécurité imposé par les pouvoirs publics. Dotée de trois cent cinquante places, dont cinquante « longue durée », cette aire est ouverte le lundi de 18 h à 23 h et du mardi au jeudi de 7 h à 24 h. Selon la Direction régionale de l'Equipement de Rhône-Alpes, la fréquentation moyenne hebdomadaire (hors week-end) est de 2 500 véhicules, avec des pointes à 3 500 le mercredi. « Cependant, il est difficile de donner un temps d'attente moyen. Selon les jours et les heures, soit les chauffeurs ne s'arrêtent pas, soit ils peuvent être immobilisés pendant près de trois heures », confie un salarié de la SFTRF.

C'est la DDE de Haute-Savoie qui fixe le débit de sortie en fonction des conditions de circulation sur l'A43 et la RN6, et du nombre de poids lourds en attente sur l'aire. En dessous de 200, les départs ont lieu toutes les 5 minutes ; au-delà, ce délai est ramené à 3mn40. « Nous évitons la saturation du parking en augmentant le débit. Avant d'agir, nous demandons toujours le feu vert à la DDE avec qui nous communiquons par téléphone », poursuit l'employé. « Pour faire face aux pointes de trafic et éviter la saturation, nous sommes contraints d'avoir en permanence des places libres pour les véhicules qui arrivent ».

Perte de temps. Pour les transporteurs, ce passage obligatoire n'a guère d'intérêt. D'ailleurs, beaucoup s'organisent pour que leurs véhicules passent lorsque l'aire n'est pas en service. « Dans certains cas, les conducteurs se voient obligés de faire un tour de parking car la circulation est fluide. Ils perdent une vingtaine de minutes entre le moment où ils ont quitté l'autoroute et le moment où ils la reprennent », se désole Raymond Brousse, P-dg de Trans DJR. Les petits patrons italiens comprennent encore moins cette obligation, d'autant que de l'autre côté de la frontière aucun système de contingentement n'a été mis en place, la régulation se faisant naturellement à la hauteur du péage de Turin.

« C'est complètement idiot. Nous n'avons pas les moyens de perdre du temps à ne rien faire. C'est un embêtement de plus », s'énerve l'un d'entre eux. Carmelo Sgro, P-dg de GST, estime que « il aurait fallut anticiper en construisant des tunnels parallèles d'évacuation, des issues de secours supplémentaires, installer des systèmes de contrôle. Aujourd'hui, on pense faire de la sécurité en concentrant l'essentiel du trafic sur un seul point de passage ».

Comme une prison. Si les chauffeurs rencontrés sur place sont unanimes pour reconnaître que les conditions d'attente sont meilleures que lorsqu'ils étaient immobilisés sur l'autoroute, il n'en demeure pas moins qu'ils acceptent mal l'obligation de transiter par cette plate-forme. « Nous pouvons nous restaurer, prendre une douche, téléphoner sans problème », reconnaît Eric Oberstar, qui travaille pour les Transports Dupessey (74). « Cependant, c'est comme une prison. Nous sommes coincés, parfois pendant plus de 3 heures. L'accumulation des décalages et des retards dans le planning de travail fait qu'au lieu de rentrer chez moi le vendredi soir, je n'y suis que le lendemain matin ».

S'il ne remet pas en cause la nécessité de sécuriser au maximum le passage dans les tunnels, Eric Oberstar dénonce le dispositif actuel. Selon lui, la limitation de vitesse à 70 km/h et les interdistances ne sont pas respectées. « Il n'est pas rare de voir se suivre des véhicules transportant des produits dangereux incompatibles. Cela ne sert à rien de les faire traverser en convoi si un minimum de sécurité n'est pas appliqué. S'il y a un choc, c'est la catastrophe, affirme-t-il. Par ailleurs, que fait-on si un camion se met en portefeuille ? Comment peut-on parler de sécurité quand on ne prend pas en compte les risques de collision lorsque les véhicules se croisent ? » Pour éviter ce genre de problème, il souhaiterait voir s'instaurer un système d'alternance de la circulation une heure sur deux. « L'actuel dispositif de sécurité, c'est de la poudre aux yeux », assène-t-il. Selon Antoine Fatiga, délégué départemental de la CFDT Branche Route « les conditions de sécurité ont été respectées et contrôlées lors de la mise en place du dispositif. Maintenant que celui-ci fonctionne, il en est autrement. C'est comme la commission de suivi des déplacements en Maurienne qui se réunissait tous les mois. La dernière réunion remonte à octobre. Il faut aujourd'hui mettre la sécurité en première ligne des actions à mener pour éviter de recommencer des erreurs qui peuvent être fatales ».

Le Fréjus ne fermera pas pour travaux

« Le Fréjus ne sera jamais fermé pour travaux », affirme Michel Bailly, directeur technique et d'exploitation de la SFTRF pour faire taire une rumeur qui circule actuellement au sein de la profession. « La réalisation de quatorze refuges ventilés distancés de 500 m se fera sous circulation dés que le tunnel du Mont-Blanc rouvrira. Ces travaux, d'un montant de 160 millions de francs, dureront un an et débuteront fin 2001 ». La SFTRF est déjà en train d'installer cinq points de mesure dans les deux sens permettant de vérifier si les distances de sécurité et la limitation de vitesse à 70 km/h sont respectés. De même qu'elle s'est dotée d'un système de comptage des véhicules circulant dans le tunnel. « Cela manquait au tunnel du Mont-Blanc », précise le directeur. Les équipes de sécurité ont été renforcées. Quatre pompiers en poste 24heures/24 sur les plates-formes françaises et italiennes ont été recrutés. De même que pour gérer l'accroissement du trafic inhérent à la fermeture du tunnel du Mont-Blanc, une trentaine de personnes a été embauchée. Quant à l'avenir de l'aire de régulation d'Aiton - laquelle devrait cesser de fonctionner au mois de juillet au moment de la mise en service du dernier tronçon de l'autoroute A43 - Michel Bailly attend la décision du gouvernement qui n'a pas encore statué sur ce dossier. Un autre parking d'une capacité de stockage similaire à celle d'Aiton est en cours de construction à Saint-Julien. « Cette structure sera une aire de repos installée sur l'autoroute et servira au stockage des poids lourds lorsqu'il y aura des problèmes de déneigement dans la partie haute de la vallée. Si l'état l'oblige, nous nous en servirons pour réguler la circulation ». Les travaux d'un montant de 50 millions de francs, financés par la société concessionnaire de l'autoroute de la Maurienne et du tunnel du Fréjus, devraient être achevés en fin d'année.

Enquête

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15