Lors du dernier congrès de la Fédération nationale des transports routiers, le 21 octobre 1999, René Petit, son président, avait proposé au ministre de l'Équipement, des Transports et du Logement de parrainer un arrangement entre transporteurs routiers d'une part, la SNCF et Novatrans d'autre part. C'est chose faite. Le 20 mars dernier, en présence de Jean-Claude Gayssot, la FNTR, la SNCF, Novatrans et le GNTC ont signé une charte commune afin de faire décoller le transport combiné qui, depuis trois ans, marque le pas. Son tonnage a reculé de 3 % en 1999. Ce texte repose sur un accord dit « 95-20 » : d'un côté, la SNCF et Novatrans s'engagent à améliorer la qualité de service fournie sur les trois lignes à fort potentiel de croissance - Paris/Toulouse, Paris/Marseille et Paris/Avignon -, en garantissant un taux de ponctualité de 95 % des trains à une demi-heure près. En contrepartie, la FNTR et le GNTC s'engagent à augmenter de 20 % le trafic sur ses trois relations, soit quelque 200 000 tonnes supplémentaires par an.
« Le transport combiné a retrouvé le chemin de la croissance à deux chiffres depuis le début de l'année. Mais, nous savons que nous devons renforcer la qualité de la prestation », souligne Louis Gallois, président de la SNCF, dont le rail-route représente 25 % de l'activité marchandises. Alors que l'entreprise ferroviaire souhaite doubler ses trafics fret d'ici dix ans, Jean-Claude Gayssot n'a pas caché que son objectif était de tripler le transport combiné pour le porter de 13,3 milliards de tonnes/kilomètres en 1999, à 40-45 milliards sur la même période. Et il prétend s'en donner les moyens, « grâce au doublement des crédits budgétaires à l'exploitation décidé pour l'année 2000, à 620 millions de francs, et l'aide de l'État aux investissements sur les chantiers intermodaux, qui a été relevée de 30 millions en 1997 à 120 millions en 2000 ». Une annonce qui intervenait fin mars, quelques jours avant une réunion des ministres des Transports des Quinze.
Intentions européennes. Le 28 mars 2000, ceux-ci devaient se retrouver afin d'aboutir à un projet de directive pour la constitution d'un réseau européen de chemin de fer, le RTE (NDLR : rien n'a filtré de cette réunion à ce sujet). Il s'agit de doter l'Europe d'un réseau ferroviaire ouvert à la concurrence et harmonisé tant au niveau technique qu'administratif, afin d'améliorer la compétitivité du rail face à la suprématie de la route. « Il faut un marché européen des transports ouvert et intégré qui fonctionne correctement », constatait le commissaire aux Transports, Loyola de Palacio, lors de son intronisation. L'idée ne date pas d'aujourd'hui, elle a vu le jour en 1993. Mais, elle remettait en cause l'avenir du monopole de certaines grandes entreprises nationales. Ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes sociaux... auxquels la classe politique est rarement insensible, surtout en période électorale. Mais, après des années de blocage, la France a considérablement assoupli sa position. En décembre 1999, lors du précédent conseil des ministres des Transports, Jean-Claude Gayssot a fini par approuver l'ouverture à la concurrence internationale des grandes lignes de marchandises, dès 2002. Reste à mettre en oeuvre l'interopérabilité des différents réseaux nationaux en définissant une norme commune pour la largeur des voies, la signalisation, le voltage des lignes et la composition des trains... Vaste programme.
Inertie réglementaire. « Regardez aux Etats-Unis où les chemins de fer sont harmonisés, le rail-route y fonctionne à merveille. En revanche, en Europe, l'inertie des réseaux ferrés nationaux bloquait, il n'y a encore pas si longtemps, le développement du transport combiné. Si l'interopérabilité est enfin devenue une priorité de l'UE, on ne peut que s'en réjouir. Mais c'est une révolution de longue haleine », explique Yves Laufer, le président du Groupement européen des transports combinés (GETC), créé en 1998. En effet, simple en apparence, l'opération qui consiste à faire passer un convoi d'un réseau à l'autre suppose que soit réuni un certain nombre de conditions techniques et réglementaires. Côté technique, les choses apparaissent relativement simples puisque seuls le Portugal, l'Espagne, la Russie et la Finlande utilisent des largeurs de voies différentes du reste de l'Europe. Et, à part le Royaume-Uni, le gabarit des wagons est pratiquement harmonisé. Mais, la partie réglementaire est plus délicate. Elle se traduit par des vérifications à chaque passage de frontière, qui allongent les délais. Un premier pas a déjà été franchi en novembre dernier par les chemins de fer belges, luxembourgeois et français qui ont signé un accord pour qu'une vérification unique au départ du train remplace trois contrôles de conformité aux normes lors du passage des frontières.
« Transport du IIIe Millénaire ». Dans ce contexte de libéralisation, certains se voient déjà pousser des ailes. A l'instar du projet de « Transport du IIIe Millénaire » (T3M) du transporteur français TAB dont l'objectif est de réaliser une liaison en transport combiné rail-route quotidienne, et dans les deux sens, tractée par la SNCF dès le 1er septembre 2000, entre la région parisienne et le sud de Milan, en partenariat avec le Port Autonome de Paris (pour le terminal français à Bonneuil) et Magazzini Generali Lombardi S.P.A du Groupe Gavio (pour le terminal italien à Lungavilla). TAB lance cette liaison pour son utilisation propre, mais « nous l'ouvrons aussi à nos confrères français et italiens », précise le P-dg, Jean-Claude Brunier, en ajoutant « nous allons mettre en oeuvre de nouveaux concepts qui vont permettre de contrôler la qualité et le prix. Notamment grâce à un train navette indéformable, une réservation de l'emplacement et une traçabilité via Internet, une gestion du positionnement sur le train en fonction de l'urgence du client et une gestion privée des chantiers de transbordement... ».