Afin de mieux répondre aux exigences de traçabilité formulées par ses principaux clients, Annick Charbonnier, directrice générale des Transports Charbonnier, a investi 400 000 F dans l'informatique embarquée. La société de Romorantin, en Loir-et-Cher, réalise des transports de produits à haute valeur ajoutée pour des industriels de la chaudronnerie et de l'automobile. Des envois parfois très volumineux acheminés en convois exceptionnels dont il est indispensable de savoir précisément où ils se trouvent. Membre du groupement Astre, l'entreprise assure également des transports de pièces urgentes à charger dans la France entière et en Italie avec des délais plus qu'impératifs. Il y a un an, l'informatique embarquée est apparue, aux yeux de la dirigeante, comme la solution permettant de répondre à ces contraintes. Les Transports Charbonnier ont été les premiers clients en France de la SSII belge Transics, équipant 33 de leurs 40 véhicules - ceux affectés au transport à la demande - d'un dispositif leur permettant d'échanger des informations en temps réel avec le siège par l'intermédiaire de liaisons sous forme de courts messages écrits (SMS de GSM) et par satellite de positionnement GPS. « Nous avons un peu essuyé les plâtres au début notamment en réglant des notes de téléphone hertzien faramineuses à la Sagem. Mais, aujourd'hui, tout est rentré dans l'ordre. La facture présentée par Itinéris se limite à un forfait de 130 F par mois et par véhicule sans autre frais d'abonnement », explique Sylvie Guérinet, responsable informatique de l'entreprise.
Mini-messages. Les véhicules sont équipés d'un ordinateur de bord connecté au chronotachygraphe et au compte-tour. Chaque chauffeur possède une carte à mémoire qu'il introduit dans la boîte située à droite de son volant lorsqu'il prend son service. Ce bristol plastique emmagasine un certain nombre d'informations et lui permet d'entrer dans la cour de l'entreprise, de s'approvisionner en gazole et de lire ses disques. L'ordinateur envoie automatiquement des informations au siège à chaque début et fin de journée de travail. Il émet également des messages pour annoncer les attentes et les temps de repos. « À la fin de la journée, nous connaissons la position, le chargement, et le nombre d'heures précisément travaillées par chaque chauffeur, poursuit Sylvie Guérinet. Lors de chaque arrêt, le conducteur est obligé de répondre à un certain nombre de questions que lui pose la machine. Il doit indiquer pourquoi il est à l'arrêt : coupure, chargement, repos, attente, conduite. Nous pouvons donc gérer leurs horaires et amplitudes en temps réel de manière à éviter les dépassements ». Les conducteurs reçoivent également de mini-messages sur le petit écran du boîtier d'ordinateur. Ils sont ainsi informés d'un nouveau fret à aller prendre ou de la meilleure route à suivre en fonction des conditions de circulation.
Des consommations en diminution. Avec ce système, impossible pour le personnel de conduite de se réfugier derrière des fautes d'inattention pour justifier des dépassements d'horaires : l'appareil sonne doucement dès que le cap des quatre heures de conduite ininterrompue est atteint. Le son monte en puissance pour atteindre son paroxysme si le délai de quatre heures trente est dépassé. Le respect de la réglementation s'en trouve amélioré, reconnaît Annick Charbonnier. Après un an d'exploitation, cette dernière tire un premier bilan positif de son investissement. « Ces ordinateurs de bord nous ont permis de mieux gérer les amplitudes journalières des chauffeurs et de diminuer les consommations moyennes. Nous avons, en effet, exploité les statistiques moteur fournies par le système sous forme de formation des conducteurs à la conduite économique. » Selon la directrice générale, l'ordinateur de bord a également généré des économies d'exploitation par une meilleure gestion des heures de rendez-vous ainsi que par la validation automatique et immédiate des ordres de mission et leur archivage.
« J'ai l'impression de rouler avec une horloge intelligente à mes côtés. Je la considère un peu comme un pense-bête et je n'ai plus le sentiment d'être seul. » Bruno Cléret, conducteur aux Transports Charbonnier, reconnaît que sa « boîte noire » lui fait gagner du temps, de l'efficacité et, paradoxalement, de la liberté. Entré dans la société il y a tout juste un an, le chauffeur affirme que les questions de l'ordinateur de bord ne le gênent pas plus que le fait de savoir qu'il est pratiquement suivi en permanence par le siège de l'entreprise. « Au début, ma réponse n'aurait pas été aussi positive. Le boîtier sonnait pour un rien. Mais ces problèmes ont été réglés. Aujourd'hui, il bipe à bon escient. » La journée du conducteur commence avec son compagnon de route informatique. « Je commence par insérer ma carte magnétique afin de pouvoir démarrer. Elle me permet d'être reconnu par le camion. Elle emmagasinera tout ce qui se passera durant la journée, enregistrant les mêmes informations que le disque : temps de travail, de conduite et d'attente, coupures. » Sur l'écran, deux chiffres s'inscriveront : le premier indiquera le temps de conduite cumulé dans la journée ; le second celui écoulé depuis le dernier arrêt. Si le conducteur se rapproche d'une des deux limites réglementaires, le boîtier le prévient des couinements stridents.
L'ordinateur permet de recevoir et d'émettre des messages. « Généralement, on reçoit des ordres d'enlèvement et des informations routières envoyées par le siège. On envoie des demandes d'informations complémentaires. En cas d'urgence, subsiste un téléphone mobile ». Bruno Cléret démarre. Rien n'indique que le système vient d'envoyer automatiquement un message au siège pour lui indiquer le départ. « Avec le suivi GPS par satellite, la direction peut savoir à 150 m près où le camion se trouve ». Bruno Cléret regrette de ne pas avoir les informations du GPS dans sa cabine. « Ce sera peut-être fait dans la prochaine génération », présume-t-il. « L'informatique, qui évite de calculer les temps de conduite ou de repos, facilite le travail. Avant, nous avions des feuilles de semaine qu'il fallait remplir avec des feutres de différentes couleurs chez les clients ou au dépôt ». Aujourd'hui, le conducteur se contentera de vider les informations de sa carte magnétique : il la passe devant la borne du dépôt pour effectuer le plein de son véhicule. « Je gagne du temps en ne montant pas au bureau. » Bruno Cléret complète simplement les informations du témoin cartonné en reportant le nom des clients sur les plages correspondant aux chargements ou déchargements. « Nous n'avons plus de papiers qui traînent, ni de problèmes de compréhension. On ne se demande plus s'il faut aller à Rouen ou à Roanne parce que l'on a pas bien entendu au téléphone. Maintenant c'est écrit et enregistré ». Le chauffeur, qui est devenu un véritable « accro » d'informatique interactive, tire un bilan très positif de cet équipement qui « permet de travailler plus vite et mieux. Avec les informations qui arrivent en temps réel pendant que nous roulons, il n'y a plus aucun conflit sur les heures au retour. Maintenant ce que je souhaite, c'est l'installation d'un système d'aide à la conduite qui indiquerait des itinéraires pour éviter les bouchons. »
Dans le principe, l'informatique embarquée permet de garder en permanence un contact entre un siège social et ses véhicules. Un certain nombre d'informations sont échangées automatiquement ou à la demande. Ce type de système repose le plus souvent sur un couple d'équipements liaisons GSM pour les transmissions, système GPS de localisation par satellite pour les positions. Le siège visualise sa flotte en temps réel sur un écran affichant sur une carte les dernières positions relevées. La plupart des équipements envoient presque en temps réel les données sociales du conducteur (heures travaillées, repos, attentes) ainsi que des informations commerciales lorsque le système prévoit une reconnaissance des lots livrés par codes barres au chargement. Pour réduire les coûts d'exploitation, les envois automatiques d'informations sont parfois regroupés et compressés.