Des circuits de plus en plus complexes

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Si le mode routier capte 97 % des trafics relatifs au transport des déchets, les entreprises présentes dans ce secteur sont confrontées à une profonde modification des flux dictée par une réglementation de plus en plus contraignante. Certains y voient déjà la fin d'un âge d'or pour tous ceux qui n'ont pas entamé leur mutation.

Il aura suffi de serpenter dans les allées feutrées de Pollutec - qui s'est tenu à Lyon du 3 au 6 novembre dernier - pour vérifier une hypothèse : le marché de la collecte et du traitement des déchets n'a jamais été aussi florissant. Pour sa quatorzième édition, le Salon international des équipements, des technologies et des services de l'environnement pour l'industrie et les collectivités locales a d'ailleurs battu son record d'audience, en accueillant 57 957 visiteurs professionnels, soit une progression de 12 % par rapport à la précédente édition en 1996. Selon les experts, le secteur du traitement des déchets présente un taux de croissance annuel de 6 %, soit pratiquement le double de celui du traitement de l'eau. « Et la source est encore loin de se tarir », prédit Bipe Conseil, un organisme qui scrute les marchés de l'environnement et de lutte contre la pollution.

A cet essor correspond une réalité. Notre société de consommation de masse produit de plus en plus de déchets. Une évidence exprimée récemment par un député, à l'occasion des débats parlementaires sur la création de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, marquant selon ses promoteurs « l'An I de la fiscalité écologique ». « C'est un vrai problème de civilisation. Comment passer d'une société agricole qui réutilisait tout naturellement ses déchets - dont le volume était beaucoup moins important - à une société urbaine qui crève sous les siens ? » L'exemple des ordures ménagères est à ce titre révélateur. En trente ans, leur volume a quasiment doublé passant de 220 kg/habitant en 1960 à 434 kg/habitant en 1995. Par ailleurs, l'urbanisation progressive pousse cette production à la hausse. C'est ainsi que la poubelle d'un parisien est deux fois plus grosse que celle d'un rural ou d'un habitant d'une petite ville. L'excellente santé du marché des déchets a également une explication plus réglementaire. Avec notamment la fameuse loi du 13 juillet 1992 qui impose que tout déchet soit valorisé avant son admission en décharge d'ici 2002.

Un camion sur trois ! Grosso modo, le marché des déchets se divise en deux catégories : les ordures ménagères sous maîtrise des collectivités locales; les déchets industriels banals et spéciaux sous responsabilité des industriels. Les professionnels de la filière considèrent que les déchets recyclés ou détruits, hors déchets agricoles, représentent 185 millions de tonnes par an. Le recensement des experts de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) table lui sur un volume global de 883 millions de tonnes de déchets, y compris agricoles. Sur ces 883 millions de tonnes de déchets, 514 millions font l'objet d'un transit depuis les centres de regroupement des déchets jusqu'aux sites de traitement. « Les tonnages transportés sont en hausse régulière et ce, sur des distances croissantes, notamment en amont des décharges. Le principe des plans départementaux d'élimination des déchets et les décrets pris en faveur du recyclage des emballages vont accentuer cette tendance en imposant une concentration des sites d'élimination », soulève Christophe Ripert, ingénieur au département Organisation et systèmes de transport de l'Ademe.

Toujours selon cet organisme, le transport de toutes les catégories de déchets ménagers, industriels et agricoles, représente aujourd'hui 35 % du trafic intérieur total de marchandises en France. A 97 %, ces ordures, détritus et autres résidus sont transportés par la route, contre 2,4 % pour le fer et 0,85 % pour le transport fluvial. En clair, en moyenne, un poids lourd sur trois en circulation, sert à convoyer des déchets ! Autre chiffre significatif : sur les 22,3 milliards de t/km pour le transport de déchets, le transport routier en capte 80 % contre 17 % pour le fer et 2 % pour le fluvial. « En matière de transport de déchets, la route n'a pas de concurrent », résume Bernard Gerardin, directeur de Gerardin Conseil, une agence d'étude dans la protection de l'environnement. Pourquoi le transport routier se taille-t-il la part du lion ? L'explication est simple : les déchets transitant sur des distances très courtes - 43 km en moyenne - la route apparaît, dans ce contexte, comme la solution la plus souple, la plus efficace et la plus compétitive. En outre, le réseau routier est beaucoup plus dense que la desserte ferroviaire ou fluviale. Si la route domine ce secteur, c'est aussi une question d'offre. A côté de la voie d'eau qui est complètement marginalisée, la SNCF ne considérait pas, jusqu'au milieu des années 90, le transport de déchets comme un enjeu majeur.

Modification des flux. Comment cette domination du transport routier se traduit-elle dans les faits ? Schématiquement, le transport intervient à différentes étapes de la chaîne logistique : après la fin de la collecte, pour assurer le déplacement des déchets collectés vers une station de transit, un centre de transfert, une décharge ou une unité de traitement ; entre chacune des étapes du processus de traitement et d'élimination, lorsqu'un déplacement physique de matières s'impose ; au niveau du transit qui constitue un relais de transport avec rupture de charge permettant le groupage et, dans certains cas, le compactage. Le schéma ancien - où traditionnellement, le trafic se limitait à un parcours de proximité depuis le lieu d'émission du déchets jusqu'à la décharge avec parfois, au préalable, un passage par une usine de traitement - est donc en passe d'être révolu.

Les réglementations récentes, de plus en plus contraignantes, ont modifié la donne. Cette évolution a provoqué une modification des flux. La chaîne logistique s'est donc « complexifiée » du fait de la mise en place de collectes et de tris sélectifs, de la répartition des différents types d'ordures entre le recyclage, le traitement intermédiaire et le traitement final. Christophe Letellier, de la direction de la recherche du groupe Sita, est toutefois plus nuancé : « il est vrai que l'échéance de 2002 va intensifier le tri via des collectes sélectives, ce qui supposera la mise en place de plate-formes de dégroupage avec une logistique plus complexe. Mais le schéma selon lequel l'acheminement du déchet se résume à de la collecte par un véhicule benne ou une citerne vers un lieu de traitement a encore de beaux jours devant lui ». Ce type de transport est par exemple pratiqué par Credils, une pme basée à Chateaubriand, en Loire-Atlantique.

Elle réalise 7,7 MF de chiffre d'affaires en collectant du déchet liquide et pâteux chez les industriels de la chimie et de la mécanique pour les acheminer vers des centres de traitement pour leur recyclage ou leur destruction. Mais force est de constater que le transport des déchets industriels et a fortiori des déchets ménagers ne résume plus aujourd'hui à un transport d'un point A à un point B. Conséquence : le métier se professionnalise. « Outre la difficulté de mise en place d'un mode d'exploitation cohérent, il faut aussi parfaitement maîtriser la réglementation. Et je ne parle pas des matériels utilisés qui sont de plus en plus onéreux. Bref, on ne peut plus, aujourd'hui, s'improviser transporteur de déchets. Seuls les vrais professionnels peuvent vivre sur ce marché », résume Juliette Aubert, responsable de la communication du groupe Séché, un des spécialistes du stockage et du traitement des déchets industriels et ménagers.

Centres d'enfouissement techniques
Les trois catégories de CET

La classe 1 : sites imperméables ou centres d'enfouissement techniques pour les déchets spéciaux. Il en existe une quinzaine en France d'une capacité variant de 250 000 à 800 000 m3. La durée de vie de ces installations oscille entre 10 et 15 ans.

La classe 2 : sites semi-perméables acceptant des ordures ménagères et des DIB (déchets industriels banals) . A l'horizon 2002, les DIB et les ordures ménagères devront faire l'objet d'un traitement préalable avant enfouissement.

La classe 3 : sites perméables qui ne peuvent recevoir que des déchets inertes.

Le traitement final dépend en fait de la filière choisie en fonction du type de déchets. Les déchets inertes sont généralement portés en décharge sans traitement préalable. C'est par exemple le cas de la tare terreuse dans les sucreries, les déchets des chantiers et ceux des industries minières.

Les déchets ménagers et assimilés ainsi que les DIB sont compostés, incinérés ou mis en décharge de classe 2.

Pour les déchets industriels spéciaux, le traitement physico-chimique, l'incinération et l'enfouissement technique sont privilégiés.

Quels coûts pour quels déchets ?

Selon l'Ademe, pour un déplacement moyen d'une longueur de 50 km, le coût de transport d'un m3 d'ordures ménagères est évalué à 15 F, soit environ 1 F/t-km.

Pour les déchets industriels spéciaux et les déchets industriels banals, une enquête réalisée en 1994 et 1995 auprès de 600 industriels a permis d'estimer leurs coûts de collecte et de transport :

> 150 à 900 F par tonne pour les DIS, soit 7 à 42 % du coût total d'élimination. La tonne/km est estimée entre 0,86 et 4,6 F pour une distance moyenne de 195 km;

> 250 F par tonne pour les DIB, soit environ 50 % du coût total d'élimination. Le rapport tonne/km s'évalue en moyenne à 3 F pour une distance moyenne de 80 km.

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