Olivier Carmes, directeur du port de Sète : « Nos trafics avec le Maroc sont exceptionnels »

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« Avec les travaux réalisés, il n’y a plus désormais de restrictions nautiques pour les navires de 200 m », indique Olivier Carmes.

Crédit photo PORT DE SÈTE
Cet été nous vous proposons quelques extraits du numéro spécial Maghreb de l'Antenne. Aujourd'hui nous nous penchons sur l'intensification des échanges entre le port de Sète et l’Afrique du Nord grâce à de nouvelles liaisons estivales avec l’Algérie et le renforcement des lignes avec le Maroc. Entretien avec Olivier Carmes, directeur général du port de Sète.

Comment les lignes maritimes entre Sète et le Maroc évoluent-elles ?
O. C. :
En 2023, le port de Sète a connu une très bonne année pour chacune des compagnies qui dessert le Maroc. D’un côté, GNV, qui exploite une ligne à destination de Tanger et une autre à destination de Nador, a réalisé 167 escales sur ces deux lignes, pour un total de 164.000 passagers, 82.000 véhicules et 670 remorques. De l’autre, la compagnie espagnole Baleària a opéré 47 escales pour la ligne Sète-Nador, transportant 40.000 passagers et 22.000 véhicules. Ces résultats sont exceptionnels et il faut les comparer aux 130.000 passagers annuels pour le Maroc que Sète enregistrait précédemment, hors période de pandémie de Covid-19.

La croissance peut-elle être attribuée au positionnement à Sète de la compagnie espagnole Baleària ?
O. C. :
GNV est l’opérateur historique des liaisons entre Sète et le Maroc depuis 2012 et la faillite de Comarit-Comanav. Cette compagnie, avec cinq navires positionnés sur le Maroc, effectue aujourd’hui plusieurs escales chaque semaine, toute l’année. Pour Baleària, le premier contact avec Sète a eu lieu en 2020, avec un navire affrété par l’État pendant la pandémie pour le rapatriement de touristes depuis le Maroc. La compagnie espagnole a choisi ensuite d’y ancrer une ligne régulière. En 2023, la compagnie a opéré sa ligne Sète-Nador seulement en saison, avec une liaison hebdomadaire de mai à octobre. Cette année, elle a abandonné Nador, mais a l’intention de revenir l’an prochain avec un navire de plus grande capacité que les 2.000 passagers du Regina Baltica, navire de 145 m de long datant de 1979.

Êtes-vous en mesure d’accueillir les navires de plus grande capacité ?
O. C. :
C’est non seulement possible, mais aussi souhaitable, d’évoluer vers des navires plus modernes. D’ailleurs GNV pourrait aussi changer l’année prochaine certains de ses ferries, notamment les navires plutôt anciens et de petites dimensions actuellement positionnés sur Nador. Avec les travaux réalisés, il n’y a plus désormais de restrictions nautiques pour les navires de 200 m.

Vous serez prêts avant l’échéance réglementaire de 2030 pour le branchement électrique à quai. Comment comptez-vous inciter les armateurs à l’utiliser avant cette date ?
O. C. :
Nous avons livré fin 2023 quatre connexions électriques à quai, pour lesquelles 8 M€ ont été investis. Deux de ces connexions concernent le pôle passagers, permettant de brancher deux ferries en simultané au môle Masselin. Les deux autres sont situés au quai H, qui accueille les escales de DFDS, et au bassin Colbert pour les ro-ro. Les branchements sont donc déjà disponibles. Il nous reste à équiper les postes pour le paquebot, dont le quai d’Alger, qui accueille les navires de moins de 200 m. C’est programmé d’ici 2026. Le branchement à quai des paquebots est techniquement plus compliqué, car ces derniers nécessitent de la puissance supplémentaire.
Nous offrons une réduction de 10 % en droits de port. Corsica Linea utilise déjà le courant de quai pour un de ses ferries. Du côté des rouliers, Neptune Lines est en train d’adapter ses navires. Ils pourraient être prêts d’ici 2025. Durant l’été, nous pouvons avoir à faire des arbitrages dans l’attribution des quais. À partir de 2025, nous donnerons la priorité aux navires qui se branchent à quai.

Avec le Maghreb, quels développements envisagez-vous pour le transport de marchandises ?
O. C. :
Les lignes entre Sète et le Maroc, aujourd’hui, sont essentiellement destinées aux passagers. Mais l’intérêt des compagnies pour le fret est croissant. C’est aussi un sujet d’intérêt pour le Maroc, du fait des relations de Sète avec la Turquie en maritime et avec Calais et la Grande-Bretagne en ferroviaire. Avec la préoccupation de l’empreinte carbone des transports d’une part, et, d’autre part, la pénurie de chauffeurs pour réaliser des transports routiers de porte à porte, Sète a un rôle à jouer dans la remorque. Cela a d’ailleurs commencé dès cette année, avec davantage d’unités embarquées par GNV.

Ce développement peut-il donc commencer avec les lignes existantes ?
O. C. :
Oui, en libérant plus d’espace pour le fret que les 100 m linéaires actuels. Mais pour bien remplir les lignes l’hiver avec du fret, il faut aussi accepter de transporter moins de passagers l’été. Le Maroc est actuellement en plein boom avec l’automobile et les fruits et légumes. Notre terminal frigorifique bord à quai pourrait s’avérer opportun. Capter seulement quelques pourcents de ce qui passe actuellement par le détroit de Gibraltar serait déjà considérable pour Sète. DFDS a notamment racheté une compagnie opérant sur le détroit [FRS Iberia, NDLR] et envisage des connexions entre le Maroc et la Turquie. Ils ont créé un hub à Sète, qu’il serait logique de consolider avec de nouvelles lignes. D’autre part, l’opérateur ferroviaire Viia va commencer, en juillet, les travaux pour le chargement horizontal des remorques sur wagon Modalohr.

Avez-vous des ambitions sur les autres pays d’Afrique du Nord ?
O. C. :
En ce qui concerne l’Algérie, il s’agit d’un marché de conteneurs et non de remorques. Pour Sète, cela se limitera donc à des liaisons passagers, c’est la stratégie des opérateurs. La Tunisie, en revanche, offre des perspectives, car il s’agit d’un marché de remorques. Mais à ce stade, les liaisons Cotunav et DFDS accostent à Marseille. Quant à l’Égypte, grosse exportatrice d’agrumes et importante productrice bio, elle nous intéresse grandement, d’autant que nous disposons de l’agrément bio. Nous pourrions envisager d’utiliser les entrepôts frigo pour consolider les importations de fruits et légumes, et pourquoi pas, un jour, mettre en place une connexion ferroviaire avec Rungis ?

> A lire aussi : l'intégralité des articles de l'Antenne n° 169 spécial Maghreb 

 

Sète, porte d’entrée de la remorque

Le fret non accompagné n’est pas dans la culture française. Pourtant, la remorque conçue pour l’autoroute ferroviaire, cette version rail du ferry, est une solution trois-en-un, qui répond à la fois aux exigences économique (efficience sur de longues distances continentales), environnementale (décarbonation) et sociale (pénurie de chauffeurs, estimée à 2 millions d’ici 2026 en Europe). Le port de Sète croit à l’essor de la remorque et a déjà largement investi ce business. Sur les 1.130 escales traitées par le port occitan en 2023, 50 % étaient des rouliers. « Nous économisons 25.000 camions grâce à nos solutions intermodales, défend Olivier Carmes. Notre histoire dans le roulier européen remonte à 2015 et elle n’est pas sans lien avec le transport de véhicules neufs [passé à Sète de 30.000 à 90.000 entre 2007 et 2023, NDLR]. »

C’est en effet en décrochant le marché Ford en Turquie que le port de Sète s’est fait repérer par le logisticien turc Ekol, qui avait des remorques à distribuer dans toute l’Europe. Aujourd’hui, les activités de transport international de ce dernier sont sur le point de basculer dans le giron de DFDS, lequel a fait de Sète un de ses hubs et transporte des marchandises entre la Turquie et l’Europe en utilisant principalement des remorques. Viia, filiale de la SNCF, a été retenue pour opérer les lignes DFDS depuis le port méditerranéen, l’une vers Paris-Valenton et l’autre vers Calais. Un autre service hebdomadaire, depuis Sète, dessert Poznan, en Pologne, mais avec l’opérateur luxembourgeois CFL Cargo, pour les besoins logistiques d’Ikea et Inditex.

À terme (2028), la livraison d'un nouveau terminal ferroviaire, dont les travaux ont démarré1, devrait lui permettre d’atteindre les huit escales par semaine et de traiter 160.000 remorques, dont 50.000 évacuées par le rail. Olivier Carmes attend beaucoup de cet investissement, car le terminal sera doté de la technologie de la française Lohr Industrie, le fameux concept Modalohr, qui permet de s’affranchir de la grue pour transférer une remorque ou un conteneur sur un train. « Cela constituera un bond technique, puisque nous pourrons charger sur train tous les types de remorques routières, sans nous limiter aux remorques préhensibles », indique le directeur du port occitan. Il est par ailleurs convaincu que si « une autoroute ferroviaire exige une cadence adaptée aux escales de navires, être en mesure, depuis Sète, de relier la Grande-Bretagne, via Calais, à partir de la Turquie et sans passer par la route est une solution logistique extraordinaire ».

A. D.
(1) Investissement de 17 M€, réparti entre Rail Logistics Europe (groupe SNCF) et la Région Occitanie.

 

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