Fincantieri, le repreneur italien de STX France, sait rebondir

C'est désormais officiel, Fincantieri sera le repreneur des chantiers navals de Saint-Nazaire. Le groupe public italien, principal constructeur naval occidental, continue le pari de l'internationalisation et des acquisitions, qui l'a sorti d'un passage difficile.
Fincantieri est créé en 1959 par l'État italien pour chapeauter les chantiers navals de la péninsule. Sous-marins, corvettes, navires de croisière, méga-yachts... le groupe, en s'appuyant sur cet héritage, revendique la construction de 7.000 navires en 230 années. "Fincantieri a une histoire très ancienne, tout en étant une entreprise relativement jeune", explique Tommaso Buganza, professeur à l'école de commerce de Polytechnique à Milan (MIP Politecnico). Disposant aujourd'hui du carnet de commandes le plus important de son histoire (24 milliards d'euros), ce qui représente plus de cinq ans de travail, Fincantieri revient pourtant de loin.

Annus horribilis

"Pendant une longue période, Fincantieri dépendait d’un petit nombre d’acheteurs", comme la Marine italienne, américaine ou le croisiériste américain Carnival, explique Tommaso Buganza. Conséquence : il subit de plein fouet la crise financière de 2009, qui se traduit par une baisse de la demande et le conduit à accepter en 2012-2013 des commandes complexes à des prix négociés à la baisse. 2015 sera une annus horribilis : Fincantieri essuie une perte de 289 millions d'euros, tandis que la valeur de son titre en Bourse diminue de moitié. Son entrée sur la place financière milanaise l'année précédente avait déjà été un demi-flop, l'État plaçant moins de titres que prévu.
Face à ces difficultés, sous la houlette de Giuseppe Bono, son patron depuis 2002, le groupe "change fortement sa stratégie" avec "l'idée de devenir un acteur toujours plus mondial", dans ce secteur dominé par les Asiatiques, au premier rang desquels les mastodontes coréens, note Tommaso Buganza. Fincantieri cherche à élargir sa base de clients. Avec succès : le Qatar lui confie en 2016 la construction de sept navires militaires, contrat de 4 milliards d'euros convoité par le français DCNS. Même chose dans les paquebots, où il est leader mondial avec une part de marché proche de 50 % : MSC Croisières, Ponant ou Viking lui passent commande. Il s'ouvre également un nouveau marché en acquérant en 2013 une participation majoritaire dans STX OSV (rebaptisé Vard), un des leaders mondiaux des plateformes offshore.
"Ces dernières années, le groupe a crû tant de manière endogène qu’exogène, avec une organisation toujours plus moderne et innovante", affirme Giuseppe Di Taranto, professeur à l'université Luiss de Rome. "L’innovation est dans l’ADN de Fincantieri", qui a été "le premier au monde à construire des navires fonctionnant au diesel mais aussi au gaz naturel liquéfié", moins polluant, précise-t-il.

"Airbus des mers"

Le groupe, détenu aujourd'hui à 71,6 % par l'État, crée par ailleurs en juillet 2016 une coentreprise avec China State Shipbuilding Corporation, prévoyant la construction en Chine de navires de croisière destinés au marché local. Ce qui suscite en France une vive inquiétude concernant une possible fuite de savoir-faire, même si Fincantieri assure avoir pris les précautions nécessaires. "Cet accord signifie nécessairement un transfert de certaines connaissances, mais en contrepartie Fincantieri va accéder à un marché ayant d’énormes possibilités", note Tommaso Buganza. La Chine devrait en effet devenir en 2030 le deuxième plus grand marché de la croisière au monde, derrière les États-Unis.
L'acquisition de STX France entre dans sa stratégie de consolidation, et lui permettra aussi de mettre la main sur des cales gigantesques, une ressource rare et cruciale, alors que la taille des navires ne cesse de grandir et que les chantiers italiens sont à saturation. Giuseppe Bono défend l'idée "d'un Airbus des mers", une consolidation de l'industrie européenne des chantiers navals, au risque sinon, selon lui, d'un déclin inévitable.
Fincantieri compte vingt sites dans le monde - dont huit en Italie - où travaillent 19.200 personnes. Favorisé par les acquisitions et la croissance de son carnet de commandes, son chiffre d'affaires a doublé en quinze ans. Il a atteint en 2016 4,4 milliards d'euros, en hausse de 5,9 %, tandis que le groupe renouait avec les bénéfices (60 millions d'euros). Et preuve que les investisseurs croient dans cette stratégie, son titre a bondi en un an de 103 %. Le défi est désormais de "réussir à bien gérer l’intégration de l'ensemble, tant d’un point de vue commercial que de la réalisation", juge Tommaso Buganza.

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