Décarbonation : un accord au rabais pour l'OMI

APM Maersk

Crédit photo APM Maersk
Un accord international pour décarboner le secteur très polluant du fret maritime a été promulgué le 7 juillet par l'OMI, mais il est moins ambitieux qu'espéré et très critiqué par les ONG.

Objectifs de réduction des émissions polluantes plus modestes, absence de mesures contraignantes, et le projet d'une taxe internationale sur les émissions de carbone de la marine marchande relégué dans un éventail de mesures possibles pour réduire les émissions du fret : le grand accord international sous l'égide de l'Organisation maritime internationale (OMI) a accouché d'une souris.

Le texte met en avant "une ambition commune améliorée d'atteindre la neutralité carbone pour le fret maritime international près de 2050" et vise une réduction des émissions de CO2 "d'une moyenne d'au moins 40 % d'ici 2030 comparé à 2008", écrit sur son site l'organisation, qui dépend de l'ONU.

Le compromis prévoit ainsi des objectifs "indicatifs", donc non contraignants, de réduction des émissions polluantes d'au moins 70 % d'ici 2040, avec en ligne de mire au moins 80 %, comparé à 2008.

"C'est un jour important pour le climat" s'est félicité Dieter Janecek, qui représentait l'Allemagne lors des discussions cette semaine au siège de l'OMI. "Nous devons cependant nous assurer d'atteindre l'objectif de température fixé par l'accord de Paris" de tendre à limiter la hausse à 1,5 °C, insiste-t-il.

Ambitions revues à la baisse

Le secrétaire d'État français chargé de la Mer Hervé Berville, a quant à lui salué une "étape majeure (...) vers la neutralité climatique" avant l'adoption de "mesures contraignantes". "Nous nous sommes certes assis à la table des négociations avec des ambitions plus fortes que l'accord final obtenu", a-t-il admis, "mais il s'agit indéniablement d'un succès".

L'Union européenne réclamait en effet lors des négociations cette semaine au siège de l'OMI à Londres un objectif plus ambitieux de zéro émission nette en 2050 avec deux étapes intermédiaires : réduction de 29 % en 2030 et 83 % en 2040.

Les îles-États du Pacifique, particulièrement menacées par le réchauffement climatique, voulaient aller plus loin, soutenues par les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada: - 96 % d'ici 2040.

"Il reste toutefois beaucoup de travail pour s'assurer que le réchauffement plafonné à 1,5 degré (...) devienne une réalité", a souligné dans son discours de clôture le représentant à l'OMI des îles Marshall, Albon Ishoda.

En 2018, l'OMI avait donné aux transporteurs l'objectif de réduire leurs émissions de CO2 de 50 % en 2050 par rapport à 2008, ce qui était jugé insuffisant.

Les pays en développement résistent

À l'inverse, nombre de gros exportateurs comme la Chine, le Brésil, l'Argentine, entre autres, ont freiné, affirmant que des objectifs trop stricts profiteraient aux pays riches, aux dépens des pays en développement.

Ils s'opposaient notamment au projet d'une taxe carbone, soutenu par le président français Emmanuel Macron et par des entreprises comme le deuxième opérateur mondial de ligne maritime régulière Maersk. Une éventuelle taxe n'apparaît désormais dans le projet d'accord que dans un éventail de mesures proposées pour réduire les émissions du transport de fret.

Des mesures à définir plus tard

Le panier de mesures de réduction des émissions polluantes à moyen terme devrait être finalisé et approuvé "d'ici 2025", et d'autres mesures "pourraient être finalisées et approuvées par le comité entre 2023 et 2030", selon le compromis.

Le vice-secrétaire général de la Chambre internationale de la marine marchande (ICS) Simon Bennett a salué "un signal très fort aux exploitants de navires et surtout aux producteurs d'énergie" pour fournir "des carburants marins sans émissions de gaz à effet de serre en très grandes quantités".

La très grande majorité des 100.000 navires qui transportent 90 % des marchandises mondiales sont propulsés par du fioul lourd. Le secteur est responsable de près de 3 % des émissions de CO2 mondiales d'après l'ONU.

S'il s'agit d'une stratégie "ambitieuse, c'est indéniable", a estimé le délégué général d'Armateurs de France Jean-Philippe Casanova. "Les technologies qui permettraient de décarboner tous les navires ne sont pas encore connues", a-t-il fait remarquer.

Déception pour les écologistes

Les ONG écologistes se sont, elles, montrées très critiques. Elles demandaient de cibler – 50 % d'ici 2030 et la neutralité carbone d'ici 2040. L'accord "n'est malheureusement pas à la hauteur des attentes", regrette Harjeet Singh, responsable de la stratégie politique mondiale du Climate Action Network International, insistant sur la "disparité évidente" avec les objectifs de l'accord de Paris.

À ce titre, il a également été estimé "très inférieur à ce qui est nécessaire" par l'association Clean Shipping Coalition, pour qui "la formulation du texte est vague et non contraignante". Greenpeace a également jugé l'accord "trop faible" dans un secteur qui a "trop longtemps (...) fonctionné à l'abri des regards". "Les représentants de la société civile sont profondément inquiets", conclut l'ONG Ocean Campaigns.

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