La taxation du secteur aérien en France, complexe et controversée

L'addition fiscale actuelle pour les compagnies en France représente "grosso modo 2,5 milliards" d'euros, a récemment expliqué Marc Borel, numéro deux de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).

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Le projet gouvernemental d'alourdir d'un milliard d'euros la déjà complexe taxation du transport aérien est jugé "disproportionné" par les compagnies, mais des ONG estiment que le secteur a jusqu'ici bénéficié de cadeaux fiscaux indus en France. Décryptage.

Le contexte. Le projet gouvernemental d'alourdir d'un milliard d'euros la déjà complexe taxation du transport aérien est jugé "disproportionné" par les compagnies, mais des ONG estiment que le secteur a jusqu'ici bénéficié de cadeaux fiscaux indus en France.

L'addition fiscale actuelle pour les compagnies en France représente "grosso modo 2,5 milliards" d'euros, a récemment expliqué Marc Borel, numéro deux de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).

En premier lieu, elles acquittent le "tarif de l'aviation civile", calculé sur le nombre de passagers au départ de France et finançant le budget de fonctionnement de la DGAC. Il est chiffré à près de 546 millions d'euros dans une annexe du projet de loi de finances (PLF) 2025.

Le "tarif de sécurité et sûreté" qui finance notamment l'inspection des bagages et les services de lutte contre les incendies dans les aéroports, calculé sur la base du nombre de passagers et de tonnes de fret, représente lui environ un milliard d'euros par an, selon la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (Fnam), qui défend les intérêts du secteur aérien français.

La taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), créée en 2005 pour aider les pays en développement, est due par les compagnies exploitant des vols au départ du territoire français. Augmentée en 2020, elle contribue désormais aussi au financement des infrastructures de transport comme le ferroviaire, pour un produit de 462 millions d'euros par an.

Les vols intérieurs sont soumis à une TVA à taux réduit de 10 %, tandis que les vols depuis et vers l'étranger en sont exonérés. La Fnam évalue son produit à 200 millions d'euros.

Depuis 2024, les exploitants des plus grands aéroports français sont, comme les concessionnaires d'autoroutes, assujettis à une taxe sur les infrastructures de longue distance, répercutée sur les compagnies via une hausse des redevances évaluée à 120 millions d'euros par la Fnam.

Il faut enfin mentionner la taxe "Corse" sur les billets vers l'île qui financent sa collectivité territoriale (50 millions d'euros par an, selon la Fnam) et la taxe sur les nuisances sonores aériennes, du même montant, abondant des travaux d'isolation phonique pour des riverains d'aéroports.

Selon Air France-KLM, les taxes et redevances - incluant les redevances de navigation acquittées pour l'utilisation des espaces aériens - représentent 40 % du tarif d'un billet Paris-Nice à 130 euros TTC, et 17 % pour un Paris-New York à 740 euros.

Le gouvernement a renvoyé à un amendement du PLF les modalités d'une réforme de la fiscalité de l'aérien, mais vise un milliard d'euros de recettes annuelles supplémentaires.

Selon la Fnam, cela passera par un triplement du produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), dont 850 millions dus par les compagnies aériennes et 150 par l'aviation d'affaires.

Toutefois, estiment des ONG de défense de l'environnement, cette augmentation ne compensera que partiellement les exemptions dont bénéficie selon elles le secteur.

Un manque à gagner. Transport & environment (T&E) a chiffré à 4,7 milliards d'euros en 2022 le "manque à gagner" pour les finances françaises dû aux exonérations ou réductions de TVA (2,3 milliards), à l'absence de taxation sur le kérosène (1,9 milliard) et aux exonérations vis-à-vis du marché carbone (900 millions).

Ce dernier avantage est voué à disparaître selon le calendrier du plan européen de réduction des émissions "Fit for 55", tandis que l'Union européenne discute actuellement d'une taxation du kérosène pour les vols intra-européens.

Renforcer le signal-prix. "Alors que les émissions du secteur aérien sont les seules à continuer de croître (...), mieux tarifer ses émissions CO2 conduira à renforcer le signal-prix et donc à maîtriser la demande de trafic aérien. C’est le levier le plus direct pour réduire dès aujourd’hui les émissions", argumente T&E.

L'aérien, selon la Fnam, contribue à 2 % du produit intérieur brut de la France mais est responsable de 6 % de ses émissions de CO2.

Ce débat renvoie à un autre, pas encore tranché par les pouvoirs publics: face à la crise climatique, faut-il réduire l'empreinte carbone de l'aérien en bridant sa croissance ? Les compagnies plaident qu'elles ont besoin d'investir pour leur neutralité carbone promise à l'horizon 2050, et craignent de perdre en compétitivité face à des concurrents moins contraints, comme les transporteurs turcs et du Golfe.

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