Jacques Saadé, un nom, une entreprise

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La presse spécialisée étrangère a salué sa disparition, évoquant l’un des derniers d’une certaine classe d’armateurs.

Paul Tourret : Les Grecs emploient le mot « Tycoon », qu’on peut traduire par « nabab », pour décrire une classe d’armateurs pétroliers. En somme, des entrepreneurs géniaux, inventifs, avec un côté grandeur et décadence. Les contraintes de la conteneurisation sont telles qu’elles exigent des armateurs des qualités plus proches de ce que nous appelons des capitaines d’industrie. Et en l’occurrence, il y a quatre qui ont fait la différence : Jacques Saadé, Chang Yung-fa, Gianluigi Aponte et Tung Chao Yung, fondateurs respectifs de CMA CGM, Evergreen, MSC et OCCL.

Ou cet homme a eu une chance inouïe, ou il est une « personnalité plus grande que nature » pour avoir traversé tant des périodes difficiles sans mettre un genou à terre

P. T. : Les premiers armements ont été créés dans les années 70 , aux balbutiements de la conteneurisation. Aponte et Saadé ont eu cette audace de défricher des marchés réputés difficiles. Jacques Saadé a eu une stratégie bien spécifique, faite d’audace commerciale, d’un vrai savoir-faire d’armement (ce jeu de dupes avec les chantiers navals chinois et coréens pour obtenir les meilleurs prix) et d’inventivité pour compenser ses limites financières. Sa façon de faire emprunte aux codes des start-up, réactivité, rapidité et agilité.

Sa politique d’acquisitions, que des bons coups ?

P. T. : Il faut lui reconnaître qu’il va amener la société au plus haut de la ligne régulière française à une époque où les fusions-acquisitions font disparaître bon nombre de maisons européennes. Il part d’un armement méditerranéen avec un seul navire et une ligne. Il est le 19e armement mondial quand il récupère en 1996 la CGM. Et ainsi, à force d’acquisitions malignes, il est, dès 2006, le n° 3 mondial de la conteneurisation.

Vous faisiez allusion à des traits de génie

P. T. : Son pragmatisme et opportunisme dans la façon d’orchestrer ses alliances a surpris plus d’une fois. Il a aussi montré tout son talent en se maintenant à bord et en choisissant lui-même un partenaire financier minoritaire alors que son endettement de 5 Md$ le contraignait à la recapitalisation et à négocier avec 72 banques créancières.

Le pavillon français pour donner le change ?

P. T. : Il a toujours joué ainsi entre plusieurs registres. Quand il invite François Hollande en 2013 pour l’inauguration du Jules-Verne, enregistré sous pavillon français, c’est un acte politique et un fabuleux coup de communication.

Reste l’avenir de cette entreprise. Le rachat d’OOCL par Cosco, qui deviendrait ainsi le 3e acteur de la conteneurisation, questionne son sort.

P. T. : CMA CGM a toujours été victime des points d’interrogation sur son avenir. Le fait qu’elle devienne une probable vicitime du rapprochement entre Cosco et OOCL est un scénario noir. La conteneurisation n’est pas un monde simple, la route est longue et la compétition est mondiale. Mais le monde maritime peut tout à fait supporter 4 acteurs européens dont une Française face à 4 asiatiques…

L’intégralité de l’entretien et un dossier sur CMA CGM à retrouver dans le magazine en date de juillet 2018

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