Uber va-t-il révolutionner la logistique du dernier kilomètre, comme le prétendent toujours certains augures, ou au contraire le modèle économique réputé innovant va-t-il sombrer comme tant d’autres par le passé dans les méandres de la requalification des liens de sous-traitance en contrats de travail ?
L’Urssaf a demandé cette requalification mi-mai 2016 et, bien entendu, elle demande également le recouvrement des cotisations sociales liées à ces contrats.
Déjà vu...
La procédure va probablement durer de longs mois. C’est un processus que le monde du transport et de la logistique connaît depuis des décennies. L’un des premiers exemples de requalification, et probablement le plus retentissant, date de 1989. Il s’agissait de l’affaire Savam - Volume transport.
Quelques années plus tôt, un grand transporteur avait prétendu révolutionner le transport routier grand volume en France en créant deux sociétés de transport : l’une, la Savam, affrétant, et l'autre, Volume Transport, constituée de conducteurs actionnaires possédant leurs véhicules, mais pour le compte de Savam.
Les créateurs de Savam venaient d'inventer le statut de conducteurs/associés. Le montage a fonctionné quelques années sous l’œil dubitatif de l’administration, jusqu’à ce que les conducteurs jugeant leur situation économique insoutenable décident de demander la requalification.
Requalification des contrats
De nombreux exemples de requalifications de contrats de sous-traitance en contrats de travail ont suivi par la suite, notamment dans les secteurs de la messagerie et de l’express où l’essentiel des tournées de livraison sont sous-traitées.
Les réseaux de livraison ont réagi en revenant à des montages plus conventionnels comme par exemple des contrats de prestation comprenant de la location de véhicule avec conducteur, qui inclut l’exclusivité de mise à disposition.
Quelle que soit la configuration initiale du contrat de sous-traitance, le juge a requalifié les contrats de prestation en contrat de travail quand il a estimé que le lien de subordination entre le donneur d’ordre et le sous-traitant excluait de facto la possibilité pour ce dernier de travailler pour un autre donneur d’ordre.
Rien de nouveau sous le soleil
Vu du petit monde du transport et de la logistique, le montage Uber n’a donc rien de bien novateur et les actions en cours diront s’il a franchi les limites de la légalité en France tout au moins.
Si la requalification devait être prononcée in fine, le concept d’uberisation de l’économie pourrait bien prendre sérieusement l’eau et fragiliser les sociétés qui auraient approché de trop près le modèle. Dans le transport il s'agit notamment d'entreprises de coursiers.