Dix porte-conteneurs transatlantiques à la voile : un aboutissement imminent

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En juillet, la compagnie Zéphyr & Borée a remporté l’appel d’offres lancé par l’Association des chargeurs pour un transport maritime décarboné, cofondée par France Supply Chain et l’Association des utilisateurs de transport de fret. En projet, construire dix porte-conteneurs de 600 EVP propulsés à la voile en partie et destinés aux lignes transatlantiques. Le premier pourrait être lancé début 2025.

« Tout est parti d’un constat, réalisé à l’occasion d’une conférence sur la transition énergétique », explique Géraud Pellat de Villedon, en charge de la RSE pour la supply chain de Michelin. « Nous avons pris conscience que des énergies alternatives pour le transport maritime allaient se développer mais qu’elles seraient coûteuses et limitées »

Michelin s’est déjà engagé à confier des flux de conteneurs du Canada vers la France à Neoline, qui porte le projet d’un roulier à la voile opéré sur le transatlantique. Mais il s’agit de quelques EVP alors que l’idée avec ce nouveau projet est de faire davantage, avec des porte-conteneurs adaptés à des flux plus massifs et réguliers. C’est en septembre 2021, à l’occasion de la conférence Wind for Goods à Saint-Nazaire, qu’une poignée de chargeurs a commencé à plancher sur le sujet sous la tutelle de France Supply Chain et de l’Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF).

Une capacité de 600 EVP

Une structure est créée dans la foulée : l’Association des chargeurs pour un transport maritime décarboné, qui regroupe une douzaine de grandes entreprises à l'instar de Nestlé Waters, Moët Hennessy, Michelin ou encore le groupe Avril. Après avoir réalisé un cahier des charges, les chargeurs lancent en février 2022 deux appels d’offres pour la construction de cinq porte-conteneurs décarbonés sur deux lignes, l’une reliant Anvers et Le Havre à Philadelphie et Charleston, l’autre reliant Gênes, Fos et Valence à Philadelphie.

Le 18 juillet, c’est le projet de Zéphyr et Borée qui est retenu, avec un navire d’une capacité de 600 EVP propulsé en partie par le vent. La jeune compagnie nantaise n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’elle est engagée aux côtés de Jifmar Offshore Services dans la construction du Canopée, une roulier de 121 m construit pour les transports d’Ariane 6 entre les ports européens et la Guyane. Le navire, doté de quatre mats-ailes a été remorqué mi-avril depuis la Pologne jusqu’au chantier Netpune Marine de Hardinxveld (Pays-Bas) où les derniers aménagements sont en cours. Il doit voguer de ses propres ailes à partir de décembre.

Voile, diesel-électrique et méthanol

Le cahier des charges prévoyait des départs hebdomadaires avec des navires naviguant au moins à 50 % du temps à la voile et une réduction de plus de 60 % des émissions de CO2 non par rapport à des navires de même taille utilisant du fuel, mais par rapport aux porte-conteneurs affectés habituellement aux lignes transatlantiques, ce qui est plus exigeant.

Zéphyr & Borée a fait le choix de proposer une propulsion diesel-électrique, qui s’adapte davantage aux variations de sollicitation du moteur, mais configuré pour le méthanol. Jusqu'à présent, Zéphyr & Borée n’a pas clairement précisé si elle entend assurer jusqu'à l'exploitation ou si elle prévoit de s’appuyer sur un acteur établi.

Un engagement sur dix ans

Les chargeurs ont également dû concéder quelques engagements : un contrat sur dix ans, une allocation hebdomadaire fixe en unité de conteneurs tandis que le prix sera établi sur dix ans et assis sur le coût d’exploitation et non de l’offre et de la demande. Comme il en va dans la ligne régulière.

« Pour les petits chargeurs, cela peut être plus favorable que pour les grandes entreprises qui ont la capacité de négocier de bons tarifs avec les compagnies maritimes, souligne Géraud Pellat de Villedon. Chacun accepte de payer un peu plus cher que le prix du marché, mais il faut que ce surcoût reste soutenable. Si les taux de fret baissent fortement, le passage au méthanol attendra. En cas de hausse, au contraire, cela pourra accélérer le processus. »

De même, ils ont lâché sur la rapidité et se contenter d'une vitesse de croisière de seulement 11 nœuds. Le temps de transport accru ne sera pas une contrainte si la fiabilité est au rendez-vous, explique Géraud Pellat de Villedon, échaudé par deux ans de perturbations maritimes, avec retards et pénurie de capacités. « Ces points sont résolus avec des prix fixes, des places réservées à bord et l’absence de congestion liée au passage par de plus petits terminaux. »

L’objectif de l’Association des chargeurs est d’aligner les deux premiers navires début 2025, un sur chaque ligne transatlantique, et dix unités au total fin 2026. Pour cela, il faut que les chargeurs s’engagent dans les semaines à venir, un taux de remplissage de 80 % étant requis pour lancer la première construction. « L’avenir du projet est dans les mains des différents chargeurs », estime le représentant de Michelin, dont l’entreprise compte s’engager pour plus de 30 % de ses flux de conteneurs à destination des États-Unis, soit près de 200 EVP par semaine.

Trois nouvelles lignes en projet

Avant même que la construction des premiers navires ne soit actée, l’association s’attaque à un nouveau défi : lancer des projets similaires pour de nouvelles lignes maritimes décarbonées entre la mer Baltique et l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie, et l’Europe et l’Amérique du Sud. Trois nouveaux projets lancés il y a peu, pour lesquels une première réunion de travail aura lieu fin novembre. Des appels d’offres ne seront lancés que si des déclarations d’intérêts sont faites par les chargeurs pour un minimum de 300 EVP pour chaque ligne.

« Notre but n’étant pas de verdir le transport maritime mais d’améliorer notre propre bilan carbone, insiste Géraud Pellat de Villedon. Nous sommes obligés de créer nous-même notre transport décarboné faute d’offre de la part des compagnies. Quand Maersk déclare qu’ils n’orienteront leur activité vers le bas carbone que lorsque les clients le demanderont, il me semble que l’on marche sur la tête : il est de la responsabilité des armateurs, surtout ceux qui gagnent beaucoup d’argent, de proposer de tels services ! »

Étienne Berrier

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