Des milliers de transporteurs, d’entreprises publiques et de municipalités peuvent désormais espérer toucher des milliards d’euros de dommages et intérêts dans l’affaire dite du "cartel des camions". Un tribunal d’Amsterdam aux Pays Bas vient en effet de rejeter les arguments avancés par les constructeurs, qui estimaient que leurs clients n’avaient subi aucun dommage dans cette affaire, ouvrant ainsi la porte à la suite de la procédure.
Les six constructeurs incriminés -Daimler, MAN, Scania, DAF, Iveco, Volvo-Renault- avaient déjà été condamnées à 3,8milliards d'euros (Md €) d’amende par les autorités européennes en 2016 et 2017. Mais à ce jour, les victimes du cartel -les propriétaires de 3 millions de camions de ces marques vendus ou sous contrat de leasing entre 1997 et 2011- n’ont reçu aucune compensation.
Des nouvelles perspectives
Le jugement rendu à Amsterdam le 12 mai, qui vient d’être publié, ouvre de nouvelles perspectives aux victimes du cartel. La moitié des propriétaires concernés ont rejoint des procédures de plaintes groupées et peuvent espérer toucher entre 7 000 et 10 000 € par camion concerné, soit entre 1 et 2 Md € d’indemnités pour les procédures en cours.
Pour les autres, le temps presse. Des milliers de petits transporteurs, ignorant leurs droits ou réticents à se lancer dans un conflit juridique face aux constructeurs, risquent de perdre tout droit à une compensation du fait des délais de prescription, à moins de se tourner dans les semaines à venir vers les cabinets d’avocats qui organisent les plaintes groupées. La prescription pourrait intervenir en juin, soit cinq ans après le constat par la Commission européenne de l’existence du cartel, le 16 juin 2016.
Les cabinets, qui assument seuls le risque financier
L’avantage d’une telle procédure pour les transporteurs est que ces démarches sont garanties sans frais. Les cabinets, qui assument seuls le risque financier, se rémunèrent en touchant un pourcentage (en général de l’ordre de 20 %) des sommes que la justice néerlandaise pourrait accorder aux victimes du cartel.
L’un des principaux acteurs sur le créneau est la fondation Unilegion Truck Claims qui représente déjà 500 transporteurs pour un total de plus de 15 000 camions et propose d’engager les démarches aussi pour les transporteurs français. “Le jugement rendu le 12 mai a une importance fondamentale pour tous les recours collectifs déposés devant les tribunaux néerlandais, qui concernent au total plus de 400 000 camions, souligne Michael Gramkow, le président de la fondation unilegion Truck Claims. Les perspectives d'indemnisation pour une partie substantielle du prix d'achat et de leasing se sont améliorées pour les acheteurs. Toutefois, les entreprises concernées doivent agir rapidement, les demandes d’indemnisation risquent d’être prescrites en juillet 2021. Les entreprises concernées qui souhaitent se joindre au recours doivent se manifester sans tarder. La participation est encore possible jusqu'à la mi-juin 2021."
Le dossier du cartel des camions a pris un tour nouveau avec ces plaintes groupées déposées devant la justice néerlandaise, réputée plus favorable aux victimes de grandes entreprises que les autres justices européennes. La justice allemande notamment avait rejeté à plusieurs reprises des plaintes déposées par des transporteurs.