Richard Tilagone (IFPEN) : « Pour favoriser l’équilibre économique de l’hydrogène, les pouvoirs publics ont un rôle à jouer »

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Richard Tilagone IFPEN

Richard Tilagone, responsable du programme Propulsions hydrogène et bas carbone à l’IFPEN

Crédit photo DR
L’IFPEN est historiquement impliqué dans la recherche industrielle, notamment sur les énergies alternatives au pétrole. Parmi elles, l’hydrogène dont l’usage pour la mobilité est envisagé depuis plusieurs années. Point avec Richard Tilagone, responsable du programme Propulsions hydrogène et bas carbone à l’IFPEN.

L’Officiel des Transporteurs : Depuis quand l’IFPEN s’intéresse-t-il aux applications de l’hydrogène-énergie ?

Richard Tilagone : L’IFPEN s’intéresse depuis très longtemps à l’hydrogène molécule, car il est produit en grande quantité pour les procédés de traitement du pétrole et en pétrochimie, notre métier historique. Ses applications pour la mobilité émergent depuis quelques années, ce qui est lié à la volonté d’interdiction à terme des carburants issus du pétrole dans le transport et aux instances législatives qui incitent à la recherche d’énergies alternatives décarbonées. Ce qui a conduit l’ensemble des acteurs à revoir leur copie pour promouvoir des énergies et des solutions technologiques pour réduire la pollution locale et diminuer l’empreinte carbone de la mobilité.

Dans quel cadre l’hydrogène-énergie peut-il s’inscrire dans la transition énergétique du transport routier ?

R.T. : Avec le pétrole, on a été habitués à disposer d’une énergie liquide qui se transporte et se manipule très bien et qui possède une densité énergétique très forte. Avec la transition énergétique, il y a un réel changement de paradigme et il faudra être moins dépendant d’une seule énergie et travailler sur un mix énergétique selon les usages. Au même titre que les batteries, les biocarburants avancés, les e-fuels, l’hydrogène - qui doit être décarboné - a donc une place dans ce nouvel échiquier qui promeut la diversification vers des sources d’énergies moins voire pas carbonées. Pour les applications de mobilité, deux pistes sont envisagées pour l’usage de l’hydrogène : dans une pile à combustible (PAC) associée à une chaine de traction électrique, et la combustion directe dans un moteur thermique (H2-ICE).

Quels sont les avantages et inconvénients de chacune de ces deux pistes à explorer pour la mobilité hydrogène ?

R.T. : Même s’il faut avant tout raisonner en usage sans opposer les différentes technologies, le recours à l’hydrogène permet de stocker davantage d’énergie à iso-volume et iso-masse que le stockage d’énergie dans des batteries. Il s’en suit une autonomie plus importante des véhicules à l’hydrogène que purement électrique. La pile à combustible a l’avantage d’avoir un rendement énergétique supérieur à 50 % quelle que soit sa charge de fonctionnent, et de ne relarguer que de l’azote et de l’eau. Toutefois, les PAC nécessitent un système de refroidissement, et leur coût reste élevé en raison de l’absence d’une production industrielle à l’heure actuelle. Quant à la combustion directe, bien que son rendement soit inférieur à 45 % et qu’elle soit émettrice de NOx, la technologie peut s’appuyer sur l’expérience acquise sur les moteurs à combustion, et ne nécessite pas un comburant et un hydrogène extrêmement purs pour fonctionner. Pour ce qui est des émissions de NOx émis à l’échappement, les systèmes de post-traitement actuellement utilisés sur les véhicules diesel sont très efficaces pour les supprimer totalement. De manière générale, il est important d’évaluer la technologie avec une analyse de cycle de vie, afin d’évaluer l’impact sur toute la chaîne de valeur.

Reste-t-il des leviers technologiques concernant la pile à combustible à hydrogène et le moteur H2-ICE ?

R.T. : En ce qui concerne la PAC, sa maturité industrielle est aujourd’hui acquise avec un enjeu de réduction de son coût. Les travaux d’amélioration peuvent encore être envisagés, entre autres, sur son pilotage (électronique de puissance, logiciels, etc.), la boucle d’air, son refroidissement et sa durabilité. Quant au moteur H2-ICE, son rendement peut encore être amélioré tout en maîtrisant son niveau d’émission de polluants. Deux enjeux persistent au niveau du choix de matériau adapté et l’évitement de combustions anormales incontrôlées. À l’IFPEN, nous travaillons notamment sur de nouveaux concepts de combustion qui permettraient de répondre à ces objectifs.

Comment accélérer le déploiement de la solution hydrogène dans le transport routier ?

R.T. : Pour que la filière hydrogène prenne son essor, notamment dans la mobilité lourde, il faut une concordance de plusieurs paramètres. Les infrastructures d’avitaillement et la visibilité sur le prix de l’hydrogène vont influer sur la vitesse de déploiement de cette solution. En outre, pour favoriser à terme l’équilibre économique de l’hydrogène, les pouvoirs publics ont un rôle à jouer pour légiférer, fédérer les enjeux socio-économiques et les différentes actions, et octroyer des aides pour permettre le déploiement de cette filière.

Banc essai Hydrogène IFPEN
Banc d'essai hydrogène au sein des laboratoires d'IFPEN.
Crédit photo : Sabine Sarras

 

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