Recevez-vous trop d’e-mails au travail ? C’est en tout cas ce que semble indiquer une étude de l’Observatoire de l’infobésité et de la collaboration numérique (OICN). D’après sa dernière étude annuelle, réalisée auprès de 9 000 personnes et publiée en mai dernier, les dirigeants reçoivent en moyenne 331 e-mails par semaine quand la moyenne nationale est de 144. C’est beaucoup trop dans la mesure où 74 % d’entre eux n’arrivent pas à tous les traiter au quotidien. « Personne ne devrait gérer plus de 100 e-mails par jour », conseille l’OICN. Sur 100 réponses envoyées, 19,4 % sont faites en moins de cinq minutes. Et sans surprise : beaucoup de ces messages ne sont pas indispensables. Ils sont même qualifiés de « bruit numérique » par l’Observatoire. L’étude a aussi mesuré les créneaux de « pleine concentration » (une heure sans envois d’e-mails). Pour les dirigeants, leur part hebdomadaire n’est que de 11 % ! Autre chiffre à retenir : 117 dirigeants passent leurs soirées reconnectées (soit au moins un e-mail envoyé après 20 h).
Une véritable « addiction »
Ces chiffres peuvent cacher un problème plus grave : l’addiction numérique. Jean-Denis Budin, qui a consacré trois années à l’écriture d’une thèse à l’université Paris Dauphine sur les dirigeants en difficulté, avant de cofonder le Credir (encadré), confirme : « 80 % des dirigeants que nous recevons ont une addiction numérique. » Laquelle est comparable aux autres addictions, type alcool, sucre ou tabac, prolonge le Dr Frédérique Renard, experte dans l’accompagnement en santé et longévité du dirigeant d’entreprise (La clinique du dirigeant). Laquelle parle d’un processus dopaminique. Car chaque fois qu’une personne addict dégaine son Smartphone, son cerveau sécrète de la dopamine, un neurotransmetteur qui renforce des comportements d’automatisation.
Vie privée et vie professionnelle
Hyperconnectés, ces chefs d’entreprise ne font généralement pas la distinction entre leur vie privée et professionnelle. Interrogé sur les causes, Olivier Torrès, président-fondateur d’Amarok, une association à vocation scientifique qui s’intéresse à la santé physique et mentale des travailleurs non salariés et des dirigeants de TPE/PME, avance une explication : « Les dirigeants ont un rapport existentiel à leur travail et un rapport existentialiste à leur entreprise. Il n’est pas rare d’entendre “Mon entreprise, c’est mon bébé” et ceci est particulièrement vrai dans le transport routier. On assiste notamment à un phénomène de subordination : l’entreprise et le travail priment sur la santé. » Faisant mention d’une étude d’EuroStat publiée en 2019, Olivier Torrès indique que le temps de travail d’un dirigeant atteint 52 heures par semaine. Deux tiers d’entre eux travaillent le week-end et ils ne prennent que trois à quatre semaines de vacances. Résultat : « 6,5 % des dirigeants de PME en France sont en risque d’épuisement. »
Vient ensuite la question de l’organisation. Par exemple, rester connecté pendant les vacances permettrait de ne pas être débordé à la rentrée, d’après Jean-Denis Budin. D’autre part, les entreprises du transport se digitalisent de plus en plus. De ce fait, les dirigeants se trouvent confrontés à la multiplication d’outils numériques entraînant une surconsommation des outils de communication.