Exercer une activité de transport n’est pas chose aisée ! En plus de justifier d’une capacité professionnelle, d’une honorabilité et d’un établissement stable dans un État membre de l’Union européenne, l’entreprise de transport routier doit justifier d’une capacité financière1. Autrement dit, pour avoir le droit d’exercer son activité, le transporteur devra justifier qu’il dispose de fonds nécessaires. Il s’agit d’une obligation inhérente à l’activité de transport, laquelle permet un assainissement du marché et concourt, in fine à la sécurité routière.
Toutes les entreprises de transport routier sont soumises au respect de la capacité financière lorsque le véhicule est affecté à l’une des activités suivantes :
transport routier de voyageurs ;
transport routier de marchandises ;
déménagement ;
location avec conducteur.
Les véhicules qui sont donnés en location sans conducteur ne sont donc pas pris en compte pour la détermination du montant de la capacité financière exigible.
En outre, la capacité financière n’est pas exigée pour :
les particuliers et les associations en cas de carence de l’offre de transport lorsqu’ils utilisent un seul véhicule n’excédant pas neuf places, conducteur compris, les petits trains touristiques, les régies effectuant des transports à des fins non commerciales et disposant de deux véhicules au maximum, les taxis.
La capacité financière correspond au ratio entre les capitaux propres de l’entreprise et les capitaux exigibles par la réglementation des transports. Ce ratio doit être supérieur ou égal à 1. L’entreprise doit démontrer que le montant de ses capitaux propres est au moins égal à la capacité financière exigible.
Les capitaux propres2 se trouvent au passif du bilan et correspondent à la somme algébrique du capital, des primes (d’émission, de fusion, d’apport, etc..), des écarts de réévaluation, des réserves, du report à nouveau, du résultat de l’exercice, des subventions d’investissement et des provisions réglementées.
Concernant le capital social, il convient de préciser que :
seul capital social libéré est pris en compte, les apports en industrie (connaissances techniques, professionnelles, savoir-faire non brevetable, expérience, activité, relations qu’une personne met au service de la société) sont exclus.
Le montant de votre capacité financière exigible est fonction3 :
Du type de titres de transport (licence de transport intérieur voyageurs, licence communautaire voyageurs, licence de transport intérieur marchandises et licence communautaire marchandises, du nombre de copies conformes demandées ou détenues par l’entreprise, et du tonnage du véhicule.
Le contrôle de l’exigence de la capacité financière s’effectue dès la création de l’entreprise, puis annuellement tout le long de sa vie sociale mais également lors des demandes de renouvellement des titres de transport ou de la délivrance de copies conformes supplémentaires4.
Lors de sa création :
Si l’entreprise de transport routier est constituée sous forme de société, seul le capital social libéré permettra de vérifier si l’exigence de capacité financière est remplie.
En pratique et afin de contrôler le respect de cette obligation, la société devra communiquer à la Dreal, lors de son immatriculation, la copie des statuts et l’attestation de dépôt des fonds communiquée par la banque.
Si l’entreprise de transport routier n’est pas constituée sous forme de société, celle-ci doit produire, lors de sa création à la Dreal, tout élément factuel justifiant de la mobilisation de capitaux à hauteur de la capacité financière exigible (attestation bancaire par exemple).
Chaque année, en cours de vie sociale :
Si l’entreprise est constituée sous forme de société, celle-ci doit communiquer à l’Administration fiscale, à la clôture de son exercice social, sa liasse fiscale, laquelle est communiquée à la Dreal, via l’application Greco, qui calcule un ratio de capacité financière (montant des capitaux propres/montant de la capacité financière exigible).
Si l’entreprise n’est pas constituée sous forme de société, deux situations peuvent se présenter :
L’entreprise individuelle a opté pour un régime réel d’imposition : la liasse fiscale transmise par l’expert-comptable de l’entreprise aux services fiscaux sera automatiquement intégrée dans Greco à défaut, directement transmis à la Dreal dans un délai de 2 mois5 ;
L’entreprise individuelle n’a pas opté pour un régime réel d’imposition (normal ou simplifié) : l’entreprise qui a pour seule obligation d’établir une déclaration n° 2042-C-PRO ne permettant pas de vérifier la capacité financière6. Dès lors, l’entreprise individuelle devra établir en plus, des comptes annuels comprenant un bilan et un compte de résultats7.
Sanction en cas de non-transmission des éléments : Les entreprises dont la liasse fiscale n’a pas été transmise font l’objet d’une mise en demeure. Si aucune réponse n’a été formulée dans les trois mois, le préfet peut prononcer la suspension de l’autorisation d’exercer la profession. La suspension est maintenue jusqu’à démonstration du respect de la capacité financière8 au moment du renouvellement des titres ou de la délivrance de copies conformes supplémentaires En pratique, les demandes de renouvellement de titres ou de copies conformes supplémentaires sont instruites par le Service de la Dreal sur la base de la dernière liasse fiscale communiquée indiquant le montant des capitaux propres.
L’entreprise devra donc remplir cette exigence de capacité financière lors de ses demandes de renouvellement de titres ou de délivrance de copie conforme supplémentaire.
Lorsqu’il est constaté que la capacité financière n’est plus satisfaite, l’entreprise est mise en demeure d’adresser aux services chargés des transports, dans un délai de six mois maximum, les éléments suivants :
« une analyse de la situation financière (analyse du fonds de roulement, des soldes intermédiaires de gestion) de l’entreprise concernée, portant sur les trois derniers exercices comptables, établie par un expert-comptable, un commissaire aux comptes ou un centre de gestion agréé ;
une analyse financière prévisionnelle, portant sur les trois prochains exercices comptables, détaillant en particulier l’évolution du chiffre d’affaires, du résultat d’exploitation, du résultat net et des capitaux propres ;
le plan de reconstitution des capitaux propres sur la période considérée ;
le cas échéant, un plan d’actions ou de restructuration ;
le cas échéant, un projet de résolution d’assemblée générale extraordinaire, décidant d’une modification de capital ;
en cas de perte de la moitié du capital dans les SARL, SA et SAS, le procès-verbal de l’assemblée générale ayant décidé du maintien de l’activité »9.
Par ailleurs, l’entreprise peut transmettre tout document complémentaire nécessaire à la compréhension de la situation. En outre, celle-ci peut, à tout moment de la procédure, solliciter un entretien auprès des services chargés des transports.
Les documents transmis doivent démontrer que l’entreprise pourra à nouveau faire face à son obligation de capacité financière, et ce dans un délai de trois exercices comptables à compter de la mise en demeure.
La Dreal dispose d’un délai de trois mois à compter de la réception des documents afin de déterminer si l’entreprise peut continuer ou non son exploitation.
La possibilité de poursuivre l’activité alors que l’exigence de capacité financière n’est pas remplie n’est pas de droit.
Lorsque l’entreprise de transport routier a conscience que l’activité réalisée en cours d’exercice risque d’entraîner une diminution des capitaux propres et ce compte tenu du résultat de l’exercice envisagé, et/ou des résultats antérieurs (constatation de pertes, diminution du résultat net), ce dernier se doit de solliciter auprès de son expert-comptable une situation intermédiaire.
Celle-ci permettra de déterminer avec certitude le montant des capitaux propres et de vérifier, au regard du chiffre d’affaires restant à effectuer, si l’entreprise pourra respecter son exigence de capacité financière.
L’anticipation d’une éventuelle perte de l’exigence de capacité financière permettra aux conseils (experts-comptables, avocats…) de l’entreprise de mettre en œuvre des solutions pouvant faire échec à celle-ci, notamment au travers par exemple d’augmentation de capital social de la société, que ce soit directement par apports (en numéraire ou en nature) ou par incorporation de comptes courants d’associés.
Si, malgré ceci l’entreprise ne peut toujours pas remplir son exigence de capacité financière, celle-ci peut se rapprocher des établissements bancaires et d’assurances agréés par l’autorité de contrôle prudentiel10 qui peuvent accorder des garanties financières afin de compléter les capitaux propres dans la limite de la moitié du montant de la capacité financière11.
Enfin, l’entreprise de transport routier ne doit également pas hésiter à se rapprocher des Dreal régionales afin d’anticiper les difficultés auxquelles elle pourrait faire face. Celles-ci constituant un des partenaires privilégier de l’entreprise de transport routier.
1 Règlement (CE) n° 1071/2009 relatif à l’accès à la profession de transporteur public routier.
2 Article 4 de l’arrêté du 3 février 2012
3 En application de l’article R3113-31 du Code des transports
4 En application de l’article R3113-34 du Code des transports
5 En application des articles R. 3113-34-1 (2ème alinéa) et R. 3211-35-1 (2ème alinéa) du code des transports
6 La 2042 C PRO ne contient que le montant annuel du chiffre d’affaires brut (BIC) et non les capitaux propres qui servent de base au calcul de la capacité financière.
7 Articles R. 3113-34-2 et R. 3211-35-2 du code des transports, ainsi qu’à l’article 3 de l’arrêté du 3 février 2012 relatif à la capacité financière requise pour les entreprises de transport public routier.
8 Article R3113-34-4 du Code des transports
9 Article 7 de l’arrêté du 3 févr ier 2012 relatif à la capacité financière requise pour les entreprises de transport public routier
10 Institution intégrée à la Banque de France
11 En application de l’article R3113-32 du Code des transports. La liste des agents financiers et des organismes d’assurance agréés est consultable sur le site Internet de l’autorité de contrôle prudentiel, à la rubrique « agréments et autorisations ».