Dans sa décision (n° 17-13.030) du 9 mai 2018, publiée sur son site, la Cour de cassation recadre la clause limitative de responsabilité pouvant figurer dans un contrat de transport international. L’affaire concernait DHL Express France qui devait livrer un colis avant 12 heures le lendemain de son expédition mais le paquet a finalement été remis au destinataire le surlendemain. Un retard que la société expéditrice, Metracom, a d’autant moins apprécié que le colis contenait un dossier de candidature à un appel d’offres. La candidature de l’entreprise ayant été rejetée, elle a alors assigné DHL en paiement de dommages-intérêts. Comme l’expédition a été réalisée de la France vers la Belgique, les juges ont estimé que l’opération entrait dans le cadre du régime de la convention de Genève dite « CMR ». La CMR, contrat de transport international de marchandises par route, règle les relations entre transporteurs, expéditeurs et destinataires, notamment en ce qui concerne les documents de transport et la responsabilité du transporteur.
La cour d’appel a rejeté la demande d’indemnisation de l’entreprise en estimant qu’aucune faute « inexcusable » n’était caractérisée en l’espèce. Par conséquent, selon les juges du fond, le transporteur pouvait opposer à la société les limitations de sa responsabilité stipulées aux conditions générales de transport figurant au dos de la lettre de voiture, et d’après lesquelles elle n’est tenue par l’article 6 qu’« aux seules pertes directes et à l’intérieur des limites par kilo/livre » et ne garantit pas, selon l’article 9, les « préjudices causés du fait d’un retard dans la livraison de l’envoi ».
Des arguments que la société cliente a contestés car selon elle, l’accumulation des manquements du transporteur démontrait qu’il ne pouvait manquer d’avoir eu conscience du dommage auquel il exposait délibérément et sans nécessité, son cocontractant. En effet, le colis avait été présenté au jour contractuellement prévu pour la livraison, mais à la mauvaise adresse. Le transporteur n’avait pris aucune mesure pour respecter malgré tout le délai convenu car il n’avait représenté le colis à la bonne adresse que le lendemain.
La démonstration de la société Metracom n’ayant pas convaincu la cour d’appel, elle s’est pourvue en cassation. Finalement, la Cour de cassation a rendu une décision mitigée : si les juges du fond pouvaient écarter la faute inexcusable, la référence à la clause de limitation de responsabilité insérée dans la lettre de voiture n’avait pas lieu d’être. Selon la Haute Cour, « une clause contractuelle qui exonère le transporteur de toute responsabilité pour retard est nulle ». Une décision de principe que Me Pascale Oillic-Audrain, avocate en droit des transports à Orvault, en Loire-Atlantique, estime logique : « Il reste possible d’insérer une clause limitative de responsabilité dans un contrat, mais une clause qui permet d’échapper complètement à sa responsabilité reste abusive puisqu’elle enlève à l’autre partie toute possibilité de se défendre. D’ailleurs, en droit français, le nouvel article 1170 du Code civil dispose que toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. » Cependant, en l’espèce, malgré l’invalidation de la clause, l’indemnisation de la société plaignante devrait se limiter au prix du transport, comme le prévoit l’article 23 de la CMR, car la faute inexcusable du transporteur a été rejetée. En effet, dans les litiges entre transporteur et expéditeur, seule la faute inexcusable permet au client d’obtenir réparation intégrale du préjudice qu’il estime avoir subi. Ce qui explique que la plupart des contentieux portent sur ce thème. Aux termes de l’article L. 133-8 du Code de commerce, est considérée comme faute inexcusable « la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable », soit un comportement exceptionnel difficile à prouver.
« Le client peut obtenir davantage de réparations lorsqu’une déclaration de valeur de l’objet transporté a été faite. En pratique, le client a intérêt à informer clairement le transporteur des enjeux de la marchandise ou du colis qu’il doit acheminer », précise Me Pascale Oillic-Audrain. En définitive, si le retard de livraison ne suffit pas à caractériser une faute inexcusable, il reste que pour une entreprise dont le cœur de métier est la livraison expresse, en termes d’image, cela fait désordre.