Sur les 400 centres techniques pour véhicules lourds en France, 56 % appartiennent à l’un des deux réseaux que sont Auto Bilan France, sous la marque Dekra, et Vivauto, sous enseigne Autovision PL. Les 44 % autres sont gérés par des entreprises non rattachées (à ces réseaux) avec un voire plusieurs sites. Un autre classement réalisé à partir des contrôles techniques effectués montre que les centres « indépendants » possèdent une part de marché de 47 %, contre 35 % pour Dekra et 17 % pour Autovision ; les réseaux détiendraient 53 % du marché du contrôle technique des véhicules lourds. En hausse d’1,3 %, les 400 centres employaient 828 contrôleurs en 2023. Bien qu’en progression de près de 3,4 %, le manque de contrôleurs qualifiés est structurel depuis la dernière révision de la directive européenne 2014/45. Relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques, elle impose des recrutements au niveau Bac Pro ou BTS, contre CAP auparavant.
En France, cette mesure est entrée en vigueur le 20 mai 2018. « Depuis le secteur est confronté à une pénurie de candidats », confirme Geoffrey Musialski, responsable d’Unitech. Filiale du groupe Bils-Deroo spécialisée dans le contrôle technique, Unitech possède quatre centres proposant ses services avec ou sans rendez-vous dans le Nord (59) et le Pas-de-Calais (62) avec 13 contrôleurs. Le constat dressé par Geoffrey Musialski est partagé par Sébastien Amossé, à la tête de CMPL rassemblant 13 centres techniques et 20 contrôleurs en Normandie, Bretagne et Pays de Loire. « C’est compliqué de trouver des contrôleurs », déclare-t-il. Moyen de lever cette difficulté, le certificat de qualification professionnel de contrôleur technique de véhicules lourds n’est pas sans risque non plus. « Le candidat doit suivre une formation pendant 6 mois. La qualification obtenue, un dossier est à déposer en préfecture où le volet B2 de son casier judiciaire est vérifié ». Si ce dernier n’est pas vierge, pas d’agrément officiel « mais la formation est payée et coûte 9 000 € », explique Sébastien Amossé. Selon le profil du candidat (en recherche d’emploi ou en reconversion par exemple), « des aides publiques sont possibles », rapporte Geoffrey Musialski.
Par le nombre de leurs centres, les réseaux sont concernés au premier chef par la pénurie de contrôleurs. Dans ses 151 sites dédiés aux véhicules lourds, Dekra en emploie 260. « Pour leur formation initiale, nous disposons d’une école interne, située à Trappes, tandis que les formations continues sont réalisées dans nos centres. Quinze à 20 nouveaux contrôleurs sont formés ainsi chaque année », précise Karine Bonnet. Face au manque de candidats, la directrice générale de Dekra France se déclare favorable à la création de passerelles entre contrôleurs VL et PL. Pour cette mesure également, Autovision possède de son côté 72 centres dédiés aux véhicules lourds en France. Y interviennent 129 contrôleurs. « Notre secteur souffre d’une mauvaise image alors que nos métiers sont largement méconnus », estime Thierry Heurtebize. Pour le directeur des opérations d’Autovision, la profession gagnerait « à ouvrir davantage les formations des contrôleurs à d’autres niveaux d’études et/ou à créer un dispositif de valorisation des compétences ». Dans les 400 centres dédiés au contrôle technique des véhicules lourds, il manquerait une centaine de contrôleurs.
Avec des contrôleurs en qualité et en quantité suffisantes, l’attractivité des centres varie selon leur localisation, plus ou moins proche de nœuds logistiques, et la fourniture de services standards et/ou à la demande. Dans le cas de Dekra par exemple, « nous ouvrons entre un et trois nouveaux centres par an. Il s’agit plus de relocalisation pour se rapprocher de pôles logistiques », confirme Karine Bonnet. Les dernières ouvertures ont eu lieu à Saint-Savin (38), Rumilly (74) et à Gravelines (59) en juillet dernier.
Chez Autovision, la stratégie est de renforcer le réseau « par la création de cinq sites supplémentaires sous 3 ans », confie Thierry Heurtebize. Trois de ses nouveaux centres accueillent les transporteurs à Saintes (17), Beychac-et-Caillau (33) et à Allonnes (72). « Notre stratégie est de nous rapprocher de nos clients en privilégiant la création de « petits » centres, mieux répartis dans les territoires, plutôt qu’un grand site unique », explique-t-il.
Première entreprise indépendante à avoir reçu son agrément officiel lors de la privatisation du secteur en 2005, CMPL déploie une stratégie similaire avec 13 sites, dédiés exclusivement aux poids lourds, en Normandie, Bretagne et Pays de la Loire. « Ploudaniel, dans le Finistère, est le dernier ouvert en remplacement de celui à Brest (29) à une vingtaine de kilomètres. Il a été construit avec le concours de la CARSAT et équipé d’un système unique en France d’aspiration fermée des émissions », souligne Sébastien Amossé.
Avec des agences transport Bils-Deroo à proximité, sa filiale Unitech contrôle 100 % de la flotte du groupe. « Ce parc représente 2,4 % de notre activité au service principalement des transporteurs locaux. Si faire contrôler son véhicule reste une obligation du Code de la route, notre volonté reste de développer une relation de confiance avec nos clients et leur expliquer les éléments pouvant remettre en cause la sécurité du véhicule qu’ils utilisent », défend Geoffrey Musialski. Pour parfaire son réseau régional, des ouvertures à Cambrai et Arras auraient du sens selon le responsable.
Trois services principaux sont proposés par les centres techniques rattachés ou non selon les besoins exprimés par leurs clients. Le premier est le convoyage. « Il permet d’optimiser le temps des mécaniciens et des conducteurs au sein des entreprises de transport », valorise Karine Bonnet de Dekra. Le deuxième, présenté par Sébastien Amossé, est « la mise à disposition de chargements car les contrôles s’effectuent avec des véhicules aux deux tiers chargés ».
Enfin le « sans rendez-vous » se développe notamment chez Autovision. « Le marché du transport routier de marchandises est de plus en plus fluctuant avec de fortes variations mensuelles voire hebdomadaires. Difficile dans ces conditions de planifier le passage au contrôle technique », décrit Thierry Heurtebize. Face à cette évolution, Autovision propose aux transporteurs de se présenter sans rendez-vous. « Cela nécessite de notre part une forte réactivité et des moyens adaptés », souligne-t-il.
Ces services sont facturés en sus du contrôle technique dont le prix varie entre 50 €, pour une contre-visite sans intervention, à 110 € pour le contrôle technique d’un véhicule moteur.
Déclarant 300 centres techniques dont 10 dédiés aux véhicules lourds, la coopérative A3S Autosecuritas propose un modèle différent aux gestionnaires d’installations de contrôle non rattachés aux réseaux Dekra et Autovision PL. Présentés par sa directrice générale Hélène Mirallès-Dumas, les services à la disposition des « sociétaires » sont nombreux : « Ils comprennent une infrastructure informatique avec des logiciels professionnels, une hotline gérée par des experts, dont deux spécialistes des véhicules lourds, le recours à des audits et à des tarifs préférentiels pour les équipements, et l’accès à des formations, destinées aux contrôleurs notamment ». Parmi les 10 centres dédiés aux véhicules lourds, sept sont en métropole (départements 30, 41, 47, 56, 62 et 84) et trois en outre-mer (Antilles et Réunion). Créée en 1997 avec un siège à Marseille, la coopérative est ouverte à de nouveaux membres spécialisés dans le contrôle technique des véhicules lourds.