Enquête intérim : Des réponses plus spécifiques face à la baisse de la demande

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Intérimaire

Les intérimaires disponibles sont plus nombreux sur le marché

Crédit photo LIP
Véritable baromètre de l’activité du TRM, le secteur de l’intérim dédié au transport et à la logistique traverse une période inconfortable, entre baisse d’activité, réduction des durées de contrat et perspectives incertaines.

Sans surprise, les demandes en intérim suivent l’actualité économique des entreprises du TRM, dont l’activité est en baisse depuis l’automne 2023. « Les demandes des clients ont baissé sur la fin d’année 2023 – en lien avec une véritable baisse sur les biens de consommation, sur l’alimentaire et dans l’e-commerce. Tout cela entraîne chez nos clients de fortes réorganisations. Et ce contexte devrait se prolonger en 2024 », résume Éric Servolle, directeur de marchés chez Manpower France. Il estime une baisse de 5 à 6 % en nombre d’équivalents temps plein (ETP) d’intérimaires cette année en moyenne, en France, dans le secteur de l’intérim du TRM. « Nous avons moins ressenti le pic d’activité en fin d’année par rapport aux années précédentes. Nos clients sont attentifs à faire partir des camions pleins et les coûts sont tirés. Le recours au travail temporaire est très étudié et millimétré », renchérit Myléna Thullier, manager réseaux spécialisés Nord-Est Randstad France – qui totalise en moyenne 850 offres au national pour des emplois de conducteur PL et SPL, et jusqu’à 1 200 offres en saison. Par conséquent, les contrats des intérimaires se sont raccourcis, avec des missions allant de un à quinze jours. « On revient sur des contrats courts, de un ou deux jours à une semaine. Les clients ont moins de flux et beaucoup d’interrogations. Ils optimisent leur parc, leur organisation par rapport au volume d’affaires traitées », constate Jean-Charles Fortier, directeur de LIP Mantrans, qui a repris la totalité de la branche transport en novembre 2023. Celle-ci totalise 2 000 intérimaires délégués par jour en moyenne, dont 80 % sur les métiers de la conduite. « Il est difficile de combler ces contrats d’une ou deux journées : cela n’intéresse pas nos intérimaires, qui craignent de passer à côté d’un contrat plus long. Actuellement, les relations sont tendues avec les transporteurs : l’intérim est une variable d’ajustement et nous sommes sur une pente descendante. Nous faisons des propositions actives de profils à nos clients, mais ils n’ont pas de besoin. En général, le début d’année n’est pas faste, mais je ne vois pas de signe de reprise », indique Jean Lafont, directeur de GT Solutions Emploi, une filiale de GT Solutions créée pour répondre aux besoins d’intérim dans la profession. Avec un vivier de 700 conducteurs (dont un panel « dur » de 200), GT Solutions Emploi travaille à 80 % avec des transporteurs extérieurs et à 20 % pour le groupe GT Solutions. Si le chiffre d’affaires de cette filiale a augmenté en 2023, il enregistre pour janvier 2024 une chute de 30 % par rapport à janvier 2023.

Les intérimaires disponibles plus nombreux sur le marché

« Nous ne sommes plus dans l’intérim structurel – avec des clients fidèles, qui comptaient dans leurs équipes 4 à 6 % d’intérimaires pour plus de souplesse – mais plutôt dans le “one shot”. De fait, nous avons plus de disponibilité de personnel en ce moment », note Jean-Charles Fortier. « Sur des demandes de profils spécifiques, ayant une qualification Caces 10 ou porte-char par exemple, nous réussissons à trouver de bons intérimaires – ce qui n’était pas le cas il y a un an », ajoute Jean Lafont. Si « les très bons restent en intérim, car ils gagnent 20 % de plus et sont assurés de toujours travailler », selon lui, d’autres « voient que la période est plus difficile et se sécurisent en rejoignant une entreprise. Un certain nombre de clients recrutent des intérimaires en CDI : cela n’est pas nouveau, mais on le constate un peu plus en ce moment », complète Jean-Charles Fortier, qui s’attend à un premier trimestre difficile et estime une reprise probable courant avril pour le travail temporaire. « La saison estivale, de juin à septembre, devrait, comme d’habitude, être compliquée à passer, car il manque toujours un nombre important de conducteurs routiers », assure-t-il. Pour Vincent Girma, président de R.A.S Intérim, il est trop tôt pour évoquer l’été : « En ce moment, le marché est mou, mais pas faible, et c’est normal pour janvier. Mais nous n’avons pas de visibilité sur la reprise. » Myléna Thullier se veut, elle, positive : « Les Jeux olympiques vont amener du dynamisme partout en France. Depuis les plateformes logistiques, il faudra acheminer beaucoup de produits pour le réassort des boutiques, les équipements des futurs logements, etc. Donc les perspectives sont plutôt bonnes. En tout cas, pas moindre qu’en 2023 », estime-t-elle. Le groupe Randstad France est d’ailleurs supporteur officiel des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

Des besoins spécifiques pour la livraison du dernier kilomètre… et en matière de savoir-être !

Chez Manpower France, qui dispose d’un vivier de plus de 100 000 conducteurs, les demandes continuent de croître, « surtout pour les hubs logistiques en Île-de-France et en Nouvelle-Aquitaine. Avec les Jeux olympiques, une transformation va s’opérer, principalement en Île-de-France : des endroits seront complètement inaccessibles, alors que les besoins en livraison augmenteront. Nous réfléchissons avec des clients sur leurs besoins, notamment pour les zones piétonnes qui impliquent des livraisons en véhicules légers électriques, à vélo ou à pied. Des conducteurs seront nécessaires, mais pas pour de la conduite classique ! Les intérimaires devront en outre faire preuve de flexibilité, d’adaptabilité, de savoir-être, et se situer à proximité des missions », détaille Éric Servolle. Aujourd’hui, les clients recherchent des profils « comportementaux », surtout quand le travail implique une relation commerciale. Ils partent du principe que le savoir-faire est acquis. Christophe Corriol, responsable grands comptes de Pixid, note que « les profils recherchés des conducteurs ont évolué. Aujourd’hui, par exemple, de nombreux chauffeurs opèrent en déchargement ou chargement avec plus de temps d’attente sur les sites logistiques, ou éventuellement plus de contacts commerciaux en cas de livraison au client final. Ce besoin de “savoir-être” est une difficulté de plus dans le recrutement ». Pixid, plateforme digitale d’intermédiation entre les entreprises du TRM et les agences d’intérim, vise à fluidifier les échanges et à assurer la sollicitation de main-d’œuvre temporaire. Les demandes restent majoritairement classiques, « parfois un peu spécifiques : celles-ci sont surtout liées à la transformation de la logistique pure, secteur dans lequel on trouve beaucoup d’automatisation, de nouveaux outils ou process qui peuvent avoir des répercussions sur le travail de l’agent de quai, et par extension sur le conducteur », remarque Éric Servolle. Manpower France détache chaque jour 80 000 intérimaires – dont environ 20 % dans les secteurs de la logistique et du transport routier. Chez Randstad, Myléna Thullier constate que de nouvelles demandes émergent de la part des clients, notamment en lien avec la transition écologique : « On demande à nos talents s’ils ont déjà conduit des camions hybrides ou 100 % électriques – qui impliquent un besoin de recharge. Ces discussions sont nouvelles. » Il n’existe pas de formation spécifique pour cela : les clients sensibilisent les intérimaires lors de la prise de poste. Autre nouveauté : « Dans les grandes villes, la livraison du dernier kilomètre s’effectue de plus en plus par triporteur électrique. Un tel engin ne nécessite pas de permis spécifique, mais l’intérimaire doit maîtriser la conduite en ville, le Code de la route… Nous faisons passer des tests métiers et sécurité pour vérifier tout cela », dit-elle.

Étoffer ses viviers de profils pour répondre plus précisément aux besoins

Avec une pénurie estimée à 50 000 volants sans chauffeurs, ou encore un grand manque de caristes sur les quais (formés, de surcroît), le problème sur le secteur reste la ressource. Manpower développe des programmes de sourcing et met en 2024 « un coup d’accélérateur sur les plans d’acquisition de talents. Sur un marché baissier, on doit être plus performant, et cela passe par l’attraction de nouveaux profils ne devant pas rester sans emploi. Des personnes candidatent par l’angle digital ou en se présentant en agence, mais il faut aller au-delà. Manpower a compilé de la data et utilise l’intelligence artificielle : nous sommes en mesure d’appréhender le profil d’un candidat potentiel et de lui proposer des opportunités adaptées à son profil grâce à des solutions innovantes et différents partenariats. Nous avons également créé en interne des personae ( un portrait fictif d’une typologie de candidats, NDLR) afin de mieux comprendre nos candidats, leurs attentes et valoriser les missions qui leur correspondent », explique Éric Servolle. Pour répondre à la digitalisation de l’usage de l’intérim, Pixid continue de travailler sur la captation de candidats par vivier : « Il s’agit d’une fonctionnalité de pure anticipation. Une option dans la plateforme est dédiée à une recherche spécifique : par exemple, un client du TRM cherche un chauffeur poids lourds, en milieu urbain, pour le mois de janvier. En qualifiant le besoin et en l’identifiant le mieux possible, l’agence d’intérim peut y répondre au plus juste en donnant accès à son vivier de candidats correspondant au plus près à la demande », assure Christophe Corriol.

Former, encore et toujours

R.A.S Intérim continue de déployer son dispositif Iron Women – Agir au féminin, alliance des programmes de Volvo Trucks France et de R.A.S Intérim pour former de plus en plus de femmes au métier de conductrices PL et SPL. « Sur deux ans, nous avons formé 200 femmes. Notre sourcing est large – centres de formation, Pôle emploi, missions locales, intérimaires, etc. – afin de faire prendre conscience aux femmes qu’elles sont en capacité d’exercer ce métier. Nous voulons que plus d’agences R.A.S proposent ce programme et nous formons nos équipes pour cela », souligne Vincent Girma. Le groupe totalise 4 000 conducteurs en équivalents temps plein – « en ce moment, plutôt 10 % de moins » – et en forme 1 500 par an. Vincent Girma constate par ailleurs une tendance au recrutement sans CV dans l’intérim. Dans ses agences, R.A.S Intérim a adopté cette approche « pour être le plus inclusif possible, sans avoir d’a priori, en se basant sur l’aptitude et la motivation des candidats pour le poste. Pour certaines personnes, rédiger un CV est une montagne. Cette démarche nous amène quelques conducteurs, et surtout un sourcing de personnes souhaitant rejoindre ce métier », ajoute-t-il. La branche LIP Mantrans veut, elle, former ses équipes à ce qu’est un chauffeur spécialisé dans les travaux publics, pour parler le même langage que les candidats. « Cela permet aussi de travailler la polyvalence des intérimaires réguliers chez nous. Il y a un marché sur ce secteur. Trois de nos agences parisiennes sont spécialisées dans les travaux publics : nous allons dupliquer ce modèle dans nos agences des grandes métropoles », révèle Jean-Charles Fortier. Préparer la suite, c’est encore ce qu’il y a de mieux à faire…

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