Faire tomber les tabous

Article réservé aux abonnés

En septembre, lors des journées nationales d’action contre l’illettrisme (JNAI), l’Opco Mobilités d’Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) a organisé un atelier pour sensibiliser des transporteurs du Rhône à ce sujet, présent dans l’entreprise comme dans la société. Focus sur un tabou.

L’illettrisme n’est pas un gros mot (voir encadré), mais une gêne avec l’écrit partagée par 2,5 millions de Français. Plus de la moitié d’entre eux travaillent, et représentent même 6 % des personnes dans l’emploi, 5 % dans le transport. Même minoritaires, ces difficultés à manipuler la langue écrite ou le calcul concernent donc directement les entreprises. « Nous avions déjà proposé des formations sur les compétences clés, explique Amel Touag, déléguée adjointe de l’Opco Mobilités Aura, qui a organisé en septembre à Lyon un atelier de sensibilisation avec l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI). Cette fois, nous avons mobilisé les entreprises du collectif 69 pour mieux comprendre l’illettrisme et, au besoin, savoir comment l’appréhender dans l’entreprise. »

Comment parler à quelqu’un

Karine Coulon, déléguée régionale de l’Opco, ajoute que « ce sujet peut se révéler difficile à aborder dans le monde professionnel. Il est parfois tabou pour la personne qui le vit, qui déploie des stratégies de contournement, comme pour le dirigeant qui, lui, n’identifiera pas forcément une difficulté, puis se demandera comment en parler avec la personne » Pas facile. D’autant que la gêne d’un salarié ne fragilise souvent pas ses performances ni son professionnalisme.

Ainsi, Éloïse Ville, des transports éponymes, à Saint-Martin-en-Haut (300 salariés, dont 220 conducteurs), a repéré avec le responsable des conducteurs que « deux ou trois personnes faisaient beaucoup de fautes dans leurs relevés journaliers, ou n’étaient pas à l’aise pour demander leur congé par Internet, par exemple… Mais jusqu’ici, ça n’entrave pas leur travail. L’écriture n’est pas centrale dans leur métier ».

Cependant, participante à l’atelier de l’Opco, la jeune responsable des ressources humaines a été surprise par l’importance des chiffres : « Avec 6 % des personnes illettrées en entreprise, on en prend peut-être en compte qu’une partie ».

« Reconnaître les compétences »

Or, un des points forts de l’intervention d’Anne Messegue, chargée de mission dans la prévention et la lutte contre l’illettrisme et correspondante régionale de l’ANLCI, qui a participé à l’atelier de l’Opco, était justement de donner des conseils pour mieux déceler des fragilités. « Certaines personnes, par ailleurs très performantes dans leur métier, déploient une énergie énorme pour dissimuler une difficulté à l’écrit, dit-elle. Il faut vraiment soigner la manière d’aborder les choses, plutôt dans une perspective collective dans un premier temps… et à la faveur d’un changement dans les situations de travail. » Il peut se révéler intéressant, par exemple, de mener un diagnostic et des réunions autour du changement organisationnel, qui prendra aussi en compte les compétences de base. Puis en fonction des résultats, des demandes, l’entreprise propose des formations à géométrie variable. « Pour les dirigeants, cela peut paraître difficile, relève Anne Messegue. Mais c’est un formidable moyen d’aider ses collaborateurs à gagner en qualité et en assurance dans le travail. » Un changement d’organisation ? Aux transports Ville, la responsable des ressources humaines n’hésite pas : « La numérisation qui va s’étendre à tous les bons de livraison et actes des facturation, pourrait poser plus de problèmes à certains. Nous pourrions rencontrer un problème d’illectronisme. » L’illectronisme est un illettrisme lié à l’utilisation accrue des outils numériques. « Mais cette transition-là, poursuit Éloïse Ville, offre aussi l’opportunité de parler en groupe de “gêne avec l’écrit”. Puis de proposer des formations aux nouveaux outils qui, éventuellement, abordent les compétences de base, la lecture et l’écriture. L’illectronisme est préoccupant pour le travail, mais aussi dans la vie personnelle, car nombre de démarches passent par le Web. »

Ainsi, les formations aux compétences de base outillent mieux les salariés dans le travail, face à la polyvalence, par exemple – avec des effets tels que la réduction de l’absentéisme – en les armant mieux aussi dans leur vie personnelle.

www.anlci.gouv.fr : contient des modules de test et d’autoformation.

Des mots précis pour mieux agir

L’illettrisme n’est ni l’analphabétisme, ni la difficulté d’un étranger pour parler français. En 2016, 71 % des personnes illettrées n’utilisaient que le français à la maison à l’âge de 5 ans (Insee). Elles ont été scolarisées, ce qui les distingue des analphabètes qui ne lisent pas parce qu’ils n’ont pas appris. Mais elles n’ont pas acquis, ou conservé, une maîtrise des compétences de base (lecture, écriture, calcul) qui permet d’être autonomes dans la vie courante. Il leur faudra donc renouer avec la culture de l’écrit.

RH/Formations

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15