Derniers jours pour le barème Macron ?

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Au terme des débats qui ont duré une matinée, le suspense reste à son comble. La Cour de cassation va-t-elle accepter de revirer sa jurisprudence et se prononcer sur la conformité du barème d’indemnités prud’homales aux textes internationaux ? Quid de la notion de réparation intégrale du préjudice ? Compte-rendu d’audience.

Lundi 8 juillet, la grand’chambre de la Cour de cassation, lourdement décorée, peine à accueillir la totalité du public venu assister à l’audience. Avocats, juristes et journalistes spécialisés en droit social, nombreux sont les professionnels présents. Toute l’histoire commence à la fin du mois de septembre 2017, lorsque le législateur fixe un barème s’imposant à l’ensemble des juridictions prud’homales, pour le prononcé des dommages et intérêts versés au salariés en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. De nombreux conseils de prud’hommes tels que ceux de Troyes, Lyon et Paris, ont écarté l’application de ce barème, l’estimant contraire, d’une part, à l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et, d’autre part, à l’article 24 de la charte sociale européenne. Ils remplissent ainsi leur rôle de contrôleurs de la conformité des textes aux engagements internationaux de la France.

Des contrôleurs trop zélés ? En tout cas, le pouvoir exécutif tente de contre-attaquer en publiant une circulaire demandant aux magistrats de faire appliquer systématiquement le barème. En avril, deux conseils de prud’hommes, à Louviers et Toulouse, ont saisi la Cour de cassation. La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français est sollicitée pour rendre son avis, ce qui devrait définitivement clore le débat. La Cour de cassation va-t-elle accepter, avant même de se prononcer sur le fond, d’opérer un contrôle de conventionnalité d’un texte législatif dans le cadre de la procédure pour avis ? Jusque-là, elle a toujours refusé de le faire.

Réparation adéquate ou intégrale ?

La grande majorité des débats a bien porté sur le fond de l’affaire et en particulier sur l’étendue de la réparation du préjudice. Me Manuela Grevy, avocate du Syndicat des avocats de France (SAF) et de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) estime que le barème est « contraire au principe de réparation intégrale du préjudice », principe qui, selon elle, est posé par l’article 24 de la charte sociale européenne. « Compenser le préjudice veut dire réparation intégrale. Et cette réparation doit être en rapport avec l’objet de la notion « sans cause réelle et sérieuse ». La durée moyenne de chômage d’une femme de 51 ans est de 700 jours, et le barème prévoit quatre mois d’indemnité pour ces femmes qui n’ont que trois ans d’ancienneté. « C’est une injure ! », s’exclame l’avocate. « Il faut faire très attention à la notion de “réparation intégrale”, rétorque Me François Pinatel, intervenant pour la société Sanofi et le syndicat d’avocats employeurs en droit du travail (AvoSial). Ce principe n’est pas visé dans les conventions, il n’existe qu’en France. La vraie question est : comment la notion de réparation adéquate, énoncée stricto sensu dans cet article 24, est-elle définie ? » L’avocat extrait trois critères d’une décision du Comité européen des droits sociaux (CEDS) du 8 décembre 2016 : l’indemnité doit être suffisante, elle doit revêtir un effet dissuasif, et des voies alternatives de réparation doivent exister. Et pour l’avocat, la barème Macron remplit toutes ces conditions. C’est aussi, semble-t-il, l’avis de l’avocate générale : « Le système de sanction du licenciement français ne conduit pas à une réparation manifestement inadaptée », conclut-elle en maniant la litote. L’avis de la Cour sera rendu le 17 juillet prochain.

Cour d’appel
Des décisions en suspens

Dans cette affaire du barème, deux décisions d’appel sont en attente de délibéré. D’une part, celle de la cour d’appel de Paris, dont l’audience s’est tenue le 23 mai, en présence du ministère public et de nombreux avocats de syndicats de salariés. D’autre part, celle de la cour d’appel de Reims, dont l’audience a eu lieu le 23 juin. Celle-ci a explicitement indiqué qu’elle attendait l’avis de la Cour de cassation pour se prononcer. Toutes deux ont prévu de rendre leur décision le 25 septembre. Reste à savoir si elles rendront la même… O. H.

Droit social

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