« Une fiscalité européenne »

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Le président de l’Association des utilisateurs de transport de fret estime qu’il y a un voile pudique autour du débat sur l’Eco-transport.
L’Officiel des transporteurs : Un sujet qui a fait débat dans les travées de l’Assemblée nationale à l’occasion des discussions sur la loi d’orientation des mobilités, cette idée de taxer l’acheteur de transport, c’est-à-dire le chargeur plutôt que le transporteur, quand ce dernier n’est pas le donneur d’ordre. Cette fiscalité a été baptisée par ses promoteurs Éco-Transport. Qu’en pense le président de l’AUTF que vous êtes ?

Denis Choumert : Selon moi, il y a deux sujets dans l’air et il y a bien souvent amalgame entre les deux. Il y a celui d’Éco-transport que l’on pourrait ranger sous la rubrique « pollueur-payeur », et il y a celui des infrastructures avec, en corollaire, la manière de mettre en place un nouveau mode de financement de ces infrastructures par le biais d’une vignette ou de l’augmentation de la Ticpe pour le carburant professionnel, voire par une réduction du montant de la ristourne gazole. Ces deux sujets sont pour nous totalement différents. Le premier entre dans le champs d’une problématique qu’on appelle « pollueur-payeur » et véhicule l’idée que si on instaure une taxe sur la pollution, on assiste à un double effet : cela permet, d’une part, d’inciter celui qui pollue à réduire sa pollution, et d’autre part, de contribuer à la totalité des externalités apportées par cette pollution.

Et donc ?

D. C. : Dans ce cas précis, nous soutenons totalement la position du gouvernement sur l’Eco-transport. Reste qu’il subsiste deux grosses difficultés que nous avons eu l’occasion de partager avec le cabinet de la ministre des Transports. Il existe un voile pudique sur la manière dont on pourrait l’appliquer, sur ce qui constituerait la base de la taxation, sur ce que serait l’équité possible entre les différents acteurs. Et puis, autre argument mis en avant par madame la ministre, c’est la distorsion de concurrence avec nos voisins européens. Prenons l’exemple d’un producteur belge qui exporte vers la France un produit : en faisant appel à un transporteur international, il n’aura pas à supporter cette taxe car il n’y a pas de contrat français entre son transporteur et lui, donc on échappe à la loi française. En revanche, le producteur français qui commercialise le même produit et qui doit l’expédier au même endroit, devra s’acquitter de cette taxation et subira un différentiel de compétitivité par rapport au producteur belge.

Quelle conclusion faut-il en tirer ?

D. C. : La ministre Élisabeth Borne dit donc qu’un tel système ne peut être viable qu’à l’échelle d’une application européenne afin de ne pas créer de conditions de distorsion de concurrence entre les pays. C’est donc une fiscalité européenne, mais elle ne figure à aucun ordre du jour des différentes commissions. Pour le moment, sur la table des institutions européennes, il y a la révision de la directive Eurovignette, un sujet totalement différent d’Éco-Transport. Pour résumer, je dirais qu’Éco-transport est une mesure dont le principe peut sembler effectivement attractif mais j’ajouterais qu’il y a un peu de démagogie à la mettre en avant car elle est inapplicable dans le droit français. Et cela crée des distorsions de concurrence au niveau européen entre les producteurs français et les autres.

Il est toutefois étonnant, qu’y compris à l’échelle de l’Assemblée nationale, on n’ait pas mesuré les limites d’une telle proposition non ?

D. C. : Politiquement, cette proposition s’avère séduisante. Mais personne ne connaît suffisamment les mécanismes d’application. Souvenons-nous de l’Ecotaxe en 2014. Lorsqu’il s’est agi d’entrer dans les principes d’application entre transporteurs et chargeurs, on est entré dans une complexité telle qu’on a décidé d’abandonner le projet.

Le principe pollueur-payeur est vertueux. Mais les difficultés commencent lorsqu’il s’agit de le mettre en œuvre de façon équitable à l’intérieur d’une société ou alors entre différents pays. Tout le monde jette un voile pudique sur ce sujet.

Il n’est pas question, en somme, de défavoriser l’industrie française pour des questions de principe quand bien même toutes les parties de la société consacrent des efforts dans ce sens.

Au-delà, quels sont les sujets du moment à l’AUTF sur ce sujet ?

D. C. : Nous-mêmes, les chargeurs, nous travaillons en tant qu’AUTF à travers le programme EVE que nous avons relancé avec l’Ademe à l’intérieur duquel figure le dispositif Fret 21 : nous allons mobiliser des centaines d’entreprises dans le but qu’elles réduisent leur empreinte carbone liée au transport de marchandises.

Nous participons également à d’autres projets sur la décarbonation du transport routier. Beaucoup de nos membres sont engagés. Aussi pourquoi stigmatiser encore une fois le TRM, qui est très utile à la société, et pourquoi faire croire au grand public que nous sommes de gros pollueurs alors que, finalement, les émissions de CO2 du TRM – notamment de poids lourds – ne représentent que 25 % à 30 % des émissions totales des gaz à effets de serre générés par le transport en général, passagers et marchandises ?

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